« Il ne nous reste que la solidarité » – par Hala Kodmani

Article  •  Publié sur Souria Houria le 27 novembre 2016
A Alep, le 23 septembre.

Zoom A Alep, le 23 septembre. Photo Karam al-Masri. AFP

Libération a choisi de donner régulièrement la parole aux habitants de la ville syrienne. Ils racontent leur quotidien dans un pays enlisé dans une guerre sans fin. Aujourd’hui, Abou Moudar al-Halabi, 38 ans, employé municipal dans le quartier de Salaheddin à Alep-Est.

«Je roulais au pas entre deux raids aériens pour constater les dégâts des derniers bombardements barbares. Je tentais d’éviter les regards pétrifiés des rares passants. Puis, en passant devant l’hôpital, un vieillard m’arrête. Il me demande si je peux transporter son petit-fils en chaise roulante qui vient d’être soigné d’une blessure grave à la jambe. L’homme, sa femme et le garçon montent dans la voiture. Nous roulons à travers les douleurs et les horreurs du quartier de Fardos, visé jeudi par un déluge de bombes.

«Arrivés à destination, les voisins se précipitent pour aider à transporter le blessé ou afin de s’assurer que tout va bien. Je m’apprête à repartir quand le vieillard ouvre la portière et me demande : « Combien je vous dois ? » La gorge serrée, je lui réponds : « Mais nous appartenons à la même famille ! Il ne nous reste que la solidarité. » Alors permets-moi de t’embrasser, me dit le vieil homme. Nous nous sommes serrés dans les bras, chacun cherchant à cacher ses larmes à l’autre.»

Témoignages de la vie à Alep Par Hala Kodmani

 

Lire tous les témoignages en cliquant sur les liens ci-dessous :

Abou Moudar al-Halabi, 38 ans, employé municipal du quartier de Salaheddine : «Nous appartenons à la même famille, il ne nous reste que la solidarité»

Brita Haji Hassan, ingénieur, président élu du Conseil local d’Alep-est (l’équivalent du conseil municipal), de passage en France : «Tous les habitants se sont mis à l’agriculture»

Abou Youssef, père de famille à Alep-Ouest, la zone sous contrôle du régime de Bachar al-Assad : «Tout se passe au-dessus de nos têtes : les rebelles tirent vers nous, le régime tire à partir de chez nous»

Abou Taym al-Halabi, photoreporter de 22 ans : «En prenant la première photo de mon nouveau-né, je l’ai imaginé sous les décombres»

Rasha, institutrice bénévole : «Les enfants ont adoré l’atelier de peinture sur ruines»

Oum Ayman, mère de quatre enfants dans un quartier de l’est : «Mes fils pleurent leur entraîneur de boxe»

Sabri, un habitant du quartier Sad al-Loz dans l’est : «Le père et son fils ont été écrasés sous les blocs de pierre»

Abou Chadi, père de famille à Alep-Est : «Un bruit de fin du monde nous a tirés de notre sommeil»

Oum Mahmoud, mère de famille d’Alep-Est : «Je cuirai le pain à la maison jusqu’à l’épuisement de ma farine»

Ammar, secouriste de la défense civile (Casque blanc) : «Chehab, 7 ans seul survivant de sa famille. Peut-il se réjouir d’avoir été sauvé ?»

Oum Ayham, mère d’une famille de quatre enfants dans le quartier de Tariq Al-Bab, dans l’est d’Alep : «Mourir de soif vaut-il mieux qu’être tué par les bombardements ?»

Abu Kifah, jeune secouriste : «Elle avait un mois à peine, et on a réussi à l’extraire indemne des décombres !»

Abu Salim, père de famille du quartier Al-Maadi, dans l’est d’Alep : «Devant le spectacle horrifiant des morts, j’ai eu un regard de regret pour le pain perdu»

Abu Ibrahim, combattant le long de la ligne de front dans la vieille ville : «Dès qu’ils voient une ombre, les snipers tirent»

Ahmad, aide-soignant dans un hôpital de campagne : «Laisser mourir certains malades pour en sauver d’autres»

Bassem Khalifé, habitant du quartier de Bustan Al-Qasr, dans l’est d’Alep : «A chaque fois qu’on sort, on fait nos adieux au reste de la famille»

Yasser Al-Youssef du groupe rebelle Noureddine Al-Zenki : «On essaie de priver Alep de ses moyens de survie»

Abou Jaafar, responsable du service de médecine légale au Conseil civil d’Alep : «Les enfants comptent pour presque la moitié des victimes»