Mazen Darwish, lauréat du Prix mondial de la liberté de la presse Guillermo Cano

Article  •  Publié sur Souria Houria le 17 mai 2015

L’UNESCO a décerné son Prix mondial de la liberté de la presse 2015 à Mazen Darwish, journaliste et activiste syrien emprisonné depuis 2012. Ce prix vient récompenser le travail effectué depuis plus de 10 ans par le président du Centre syrien pour les médias et la liberté d’expression en Syrie (SCM). A cette occasion, sa femme, Yara Bader, a tenu un discours que RSF a décidé de relayer.

Mazen Darwich

Mazen Darwich

Mazen Darwish, “héros de l’information” et lauréat du prix Reporters sans frontières en 2012, vient de recevoir le prix UNESCO/Guillermo Cano. Le prix a été remis le 3 mai dernier à sa femme, Yara Bader, à Riga, à l’occasion d’une conférence organisée par l’Unesco pour célébrer la Journée mondiale de la liberté de la presse. Yara Bader, qui dirige depuis le SCM, a délivré à cette occasion un discours touchant sur son mari et la situation de la liberté de l’information dans une Syrie meurtrie par la guerre.

Ci-dessous quelques extraits du discours (traduits de l’anglais au français) :

“Mesdames, Messieurs,

Je me tiens devant vous aujourd’hui, avec fierté mais aussi avec tristesse. Fière que ce prix soit décerné à Mazen, triste qu’au lieu d’être là pour le recevoir il soit enfermé dans un centre d’incarcération loin, très loin d’ici. (…)

Mazen Darwish est un homme libre qui possède un sens élevé de la responsabilité éthique professionnelle. C’est un homme de conscience avant tout. C’est pour cela qu’il y a plus de 10 ans Mazen a choisi de tout abandonner et de retourner dans son pays afin d’y travailler – et de travailler pour lui (le pays) – dans un contexte où l’oppression règne.

Le journalisme étant l’activité humaine la plus significative face à un régime absolu, puisqu’elle brise le contrôle de l’Etat par l’information et la connaissance, Mazen – avocat et fervent défenseur des droits de l’Homme – a choisi d’en faire son métier.

« Word is a basic right, defending it is a basic duty » (Les mots sont un droit fondamental. Défendre ce droit est un devoir essentiel) était le slogan du Centre établi à Damas par Mazen en 2004. Son objectif était de suivre l’état des libertés en Syrie et de documenter les violations contre ceux qui luttent pour leur droit d’expression. Mazen se dédiait entièrement à cela, travaillant plus de douze heures par jour. (…) Sa détention au début de l’année 2012 était un message fort de répression, pas seulement pour Mazen mais également pour l’ensemble des mouvements civils et pacifiques. L’autorité despotique peut être capable de nous priver de notre capacité à contribuer aux mouvements et à rester actif, mais elle ne peut pas nous retirer nos idées ou notre liberté de pensée. (…) Mais aujourd’hui, à l’époque des télécommunications et des réseaux sociaux, les autorités utilisent la stratégie du « chaos de l’information » qui créé un brouillard épais privant les journalistes d’une vision claire, objective des évènements. (…) Mazen s’est battu pour défendre la liberté de penser et la conscience d’une responsabilité éthique du journalisme. Son emprisonnement et le refus constant de le libérer sont des atteintes avant tout à ces principes et non à sa personne. Cibler des journalistes importants, qui peuvent contribuer à diffuser une vision plus claire et indépendante de la réalité, a toujours été un terrain d’action essentiel des autorités.

Au cœur de la folie de la guerre, au cours de ce chemin difficile et douloureux vers la liberté, nous nous battons avec nos idéaux moraux, nos outils professionnels et notre liberté de pensée.

C’est cela que j’ai appris de toi, Mazen,

J’ai besoin de toi, mais je suis consciente que la Syrie a encore plus besoin de toi, autant qu’elle a besoin d’une presse éthique, responsable et libre.

Mazen dirait :

‘A Inana et Adad, mes enfants, je dédie ce prix. C’est pour vous que j’ai passé plusieurs années de ma vie dans l’obscurité, afin que vous viviez dans la lumière, sans avoir peur de rêver, d’avoir des idées, et sans craindre les mots que vous pourriez et devriez prononcer.

Pour tout cela, pardonnez-moi mon absence aujourd’hui.

Yara Bader »

http://syrie.blog.lemonde.fr/2015/05/07/mazen-darwish-laureat-du-prix-mondial-de-la-liberte-de-la-presse-guillermo-cano/