Obama doit lâcher Assad – par Firas Kontar

Article  •  Publié sur Souria Houria le 18 juillet 2015

Pour beaucoup ce titre parait comme une aberration tant la propagande d’Assad sur son appartenance à un camp anti-impérialiste fonctionne. Le régime syrien qui prétend depuis toujours lutter contre les forces impérialistes, n’a dans les faits que servi les intérêts américains et israéliens dans la région. Petit rappel : en 1967, le ministre syrien de la défense Hafez El-Assad ordonne le retrait de l’armée syrienne du Golan avant même le début de l’offensive israélienne sur la Syrie, l’armée israélienne occupera le Golan sans grande difficulté, seuls quelques officiers et unités de l’armée syrienne ayant refusé l’ordre de retrait se battront, certains de ces officiers croupiront même par la suite pendant des décennies dans les geôles syriennes pour avoir combattu l’occupant. Depuis, Israël occupe illégalement le Golan, sans jamais être inquiété par le régime syrien. Le parrain de cette défaite militaire, Hafez El-Assad, deviendra par la suite le président de la Syrie via un coup d’état en 1970, et transmettra à son fils le trône d’une république se revendiquant socialiste et anti-impérialiste. Nous pouvons continuer longtemps dans l’argumentation : parler de l’expulsion de l’organisation de la libération de la Palestine du Liban par une entente israélo-syrienne, ou bien encore de comment le régime Assad était l’un des principaux sous-traitants de la torture aux prisonniers de la CIA.

Alors croire que ce type de régime a d’autres soucis que la continuité du clan familial sur le pays est illusoire. Les réfugiés Palestiniens, l’occupation israélienne du Golan, la colonisation en Cisjordanie ne sont rien d’autres que des cartes utilisées par ce régime pour assurer sa continuité. Quelques semaines après le début de la révolution, le cousin et trésorier du président Rami Makhlouf déclarait au New York Times que la sécurité d’Israël passait par la sécurité du régime syrien. Il y a quelques jours on apprenait via les déclarations de l’ancien ambassadeur Israélien à Washinghton Michael Oren, que c’est la diplomatie israélienne qui a empêché l’intervention américaine à l’encontre du régime syrien au lendemain du massacre chimique des faubourgs de Damas par la garde républicaine syrienne.

L’influence israélienne sur la politique américaine du Moyen Orient est un secret de polichinelle, et la classe politique israélienne continue de projeter l’avenir d’Israël au Moyen Orient comme dans un blockhaus sur-armé et ne voyant son existence que via sa suprématie militaire et la domination de son voisinage. Cette situation se traduit par un soutien indirect à des régimes qui se disent hostiles mais qui assureront la sécurité des frontières. Le généraux égyptiens via le président Sissi et Assad sont considérés comme les garants d’une stabilité pour Israël, et l’on comprend mieux alors l’empressement de l’administration Obama à se réconcilier avec le général Sissi suite à son coup d’état, et la passivité de cette même administration face aux crimes d’Assad.

Cette vision israélienne à court-terme se répercute dans la politique américaine et sa stratégie Moyen Orientale mais pas seulement. Sur le dossier syrien un autre élément a son importance dans les contours de la politique d’Obama : l’accord sur le nucléaire Iranien. Pour Obama un pareil accord lui permettra de laisser son empreinte, les délais indéfiniment repoussés et les concessions américaines montrent une volonté très forte de trouver un règlement diplomatique à la crise iranienne, sauf que dans la liste des concessions, les Mollahs ont imposé la non-assistance à la rébellion syrienne qui menace leur allié Assad. Si la rébellion n’a jusqu’alors pas obtenu les armes leur permettant de mettre fin à la suprématie aérienne du régime, et par conséquence aux massacres à l’aide des bombes barils d’Assad, ou même la création d’une zone d’exclusion aérienne, c’est parce que le régime iranien a posé ses conditions aux poursuites des négociations avec Washington. Il suffit de voir les déclarations du ministère de la défense du 8 juillet 2015 où l’on apprend qu’après 4 ans de guerre et de promesses envers l’opposition syrienne, les instructeurs militaires américains n’ont formé que 60 rebelles syriens, et qui ont pour mission de lutter contre l’état islamique uniquement. Obama pourra probablement arriver à un accord avec les Iraniens mais il laissera derrière lui un Moyen Orient en chaos. La Syrie, l’Irak, le Yémen et le Liban sont aujourd’hui sur l’échiquier iranien, la diplomatie des Mollahs a réussi à prendre en otage la maison blanche dans sa recherche du compromis à tout prix. Dans ces conditions à quoi bon un accord ?

Un des premiers crimes contre l’humanité en mode télé-réalité dure depuis aujourd’hui quatre ans, les blessures de ce chaos sont bien plus profondes que toute l’horreur qu’on aperçoit à travers les images et témoignages, il s’agit-là de la déliquescence des sociétés du Moyen-Orient notamment en Syrie. Notre passivité ne fait qu’accentuer la haine, notre inquiétude pour les minorités sans se soucier de plus de deux cents milles morts sunnites alimente la propagande haineuse du régime et de l’Etat islamique. Il y a quelques jours la Belgique a exfiltré un groupe de 244 chrétiens d’Alep, quand le reste de la population notamment les sunnites subissent les assauts quotidiens de l’aviation du régime. Quel est le message qu’ont entendu ou compris suite à cette exfiltration les autres Alepiens qui ont toujours vécu en harmonie et sans distinction ? L’Etat islamique est devenu un problème pour l’occident en Syrie quand celui-ci s’en est pris aux Kurdes. Alors Comment voulez-vous qu’avec de tels politiques ségrégationnistes Daesh ne se retrouve pas renforcé ? Quels crimes a commis Daesh que le régime n’avait et ne continue pas à dépasser ? Les bombes barils sur les civils, le massacre à l’arme chimique, les tueries de civils au couteau (Houla, Bayda, Banias…), le viol la torture et le massacre de femmes d’enfants et de civils dans les geôles du régime. Cette comptabilité sinistre est impossible à tenir tant par le nombre des crimes que par l’impossibilité aujourd’hui de lever le voile sur l’ensemble des massacres perpétrés par les Assad père et fils. Et le régime syrien n’est-il pas le parrain de l’EI ? Pourquoi l’aviation du régime évite soigneusement les positions de Daesh ? Comment se fait-il que les bombardements de l’armée syrienne contre les positions de la rébellion à l’est d’Alep n’étaient que le préambule à l’offensive de Daesh ? Comment l’état islamique a pu s’emparer de Palmyre et mettre la main sur des entrepôts entiers de munitions  sans combat de l’armée syrienne ni l’intervention de son aviation? Pouvons-nous continuer à nier les liens incestueux existant entre Assad et l’EI ? George Haswani, homme d’affaires syrien très proche du régime sur la liste des personnalités sanctionnées par l’union européenne, est le principal intermédiaire entre Daesh et le régime pour l’achat du pétrole. Ce chrétien permet ainsi à l’état islamique de se renforcer au dépend de la rébellion et cela résume la stratégie d’Assad.

Ne rien faire n’a pas été une solution durant les dernière quatre années, la reconstruction d’un état syrien et de la société syrienne prendra des années, mais pour y parvenir il faut mettre fin à cette tragédie. Contraindre Assad au départ via une zone d’exclusion aérienne, est de loin la meilleur des mauvaises solutions, et c’est la condition pour commencer un long processus de stabilisation, reconstruction afin de sauver ce qui peut l’être.

Firas KONTAR

Citoyen Franco-Syrien – militant associatif

Date : Juillet 2015