«J’ai fui la Syrie à cause de mes vidéos de manifs» – par Andrés Allemand

Article  •  Publié sur Souria Houria le 29 octobre 2011

ENTRETIEN | Arrivé il y a trois jours en Suisse, un jeune contestataire a témoigné hier à Lausanne.

Nous l’appellerons Hassan. Il préfère taire son identité pour ne pas mettre ses proches en danger. Il est arrivé en Suisse il y a trois jours, explique la toute nouvelle Association des démocrates syriens. Ses vidéos ont fait le tour du Web, assure-t-on. Ingénieur électricien de 25 ans, il raconte avoir filmé systématiquement, depuis des mois, les manifs à Douma, faubourg rebelle de Damas. Avant d’être repéré par les forces de sécurité de Bachar el-Assad.

Pourquoi avez-vous fui la Syrie maintenant, après des mois de manifestations?

Depuis des mois, je filmais très discrètement, à l’aide de mon téléphone mobile, en essayant de tromper la vigilance des snipers. Et le visage masqué pour ne pas être reconnu par la police. Mais, apparemment, j’ai quand même fini par être repéré. Des agents sont venus tout casser chez moi. Alors ma famille m’a poussé à partir. Ils ne voulaient pas que je finisse comme mon frère, avec une balle dans la tête. Il a survécu, mais il n’ose pas aller se faire soigner à l’hôpital. C’est là que les forces du régime viennent achever les opposants…»

Comment vous y êtes-vous pris pour fuir?

J’ai rejoint la Turquie en empruntant les petites routes. Des activistes m’ont fait passer de localité en localité puis traverser la frontière. Là, j’ai reçu des faux documents. J’ai rejoint la Grèce puis l’Italie en bus. Avant d’arriver en Suisse, pays des droits de l’homme. C’est une sensation bizarre. Il y a trois semaines, je filmais des manifs. Maintenant, me voilà exilé.

Comment les activistes parviennent-ils à s’organiser, malgré la répression?

Dans chaque ville, il y a plusieurs milliers d’activistes. Moi-même, je faisais partie du comité de coordination de Douma. Mais on ne se voit jamais tous ensemble. Chacun ne connaît en réalité qu’une dizaine de personnes. Et on n’utilise jamais le téléphone pour communiquer des informations sensibles. Nous avons des lieux de rendez-vous bien précis…

Mais comment les décisions sont-elles communiquées à la foule des manifestants?

Sur Facebook. Les informations sont mises en ligne par des Syriens de l’étranger à qui nous avons fait passer des messages par divers canaux.

Y a-t-il beaucoup d’activistes qui tentent de quitter, comme vous, la Syrie?

Non. Partir, c’est compliqué et risqué. Mais surtout, j’ai l’impression que la plupart des manifestants préfèrent rester. C’est incroyable mais les gens en Syrie n’ont plus peur. Ou en tout cas, ça ne les arrête plus. Moi-même, je ne sentais pas vraiment la peur. Il a vraiment fallu que ma famille insiste pour que je parte.

Quel rôle les islamistes jouent-ils dans la révolte?

Franchement, ils ne sont pas visibles. Ils participent, mais rien de particulier ne les distingue des autres manifestants.

 

publié le 29.10.2011

source: http://www.tdg.ch/actu/monde/fui-syrie-cause-videos-manifs-2011-10-28