À Istanbul, cette librairie offre aux réfugiés de Syrie un véritable réconfort – par Nicolas Gary

Article  •  Publié sur Souria Houria le 19 février 2017

Pages Bookstore Café est le premier café littéraire de la ville d’Istanbul : situé dans le quartier historique d’Ayvansaray, elle s’adresse aux Arabes et aux Syriens qui vivent là. Sur trois étages – dont un entièrement dédié aux enfants –, la librairie sert également de bibliothèque, offrant à chacun d’emprunter des livres. La magie existe…

Accueillant différents types d’événements culturels, depuis les lectures en passant par des rencontres avec des auteurs, des dédicaces ou encore des spectacles, Pages Bookstore s’est fait une réputation de chaleur et d’accueil. « C’est comme une seconde maison pour les Syriens qui vivent en Turquie : notre librairie met en valeur la culture syrienne auprès du reste du monde », explique-t-on.

Bien entendu, si l’on parle d’un café, on y retrouvera quelques délicieuses pâtisseries, ou encore la possibilité de boire un thé ou un café. L’offre de livres ne s’arrête d’ailleurs pas aux ouvrages en arabe, mais comprend une sélection en turc, anglais et français.

Son fondateur, Samer al-Kadri, est âgé de 42 ans : il ne pourrait pas accueillir les quelque 3 millions de réfugiés syriens qui vivent en Turquie, mais ne manque jamais de partager les moments vécus dans sa librairie. Sur Facebook, on retrouve des vidéos en pagaille, montrant des concerts, des saynètes jouées, ou encore des photos d’expositions – et surtout beaucoup de bonne humeur.

Pour profiter du service de bibliothèque, il faut payer près de 5 € par mois, et de la sorte, les enfants viennent lire gratuitement, ou emportent leurs ouvrages. « C’est un endroit où nous pouvons avoir des conversations en tant que Syriens, les uns avec les autres, on dialogue, on peut apprendre à s’accepter, changer notre état d’esprit, replié uniquement sur la Syrie, de sorte que l’on ne voyait pas le reste du monde », explique le propriétaire.

La liberté, c’est quelque chose d’important explique-t-il : il était auparavant éditeur, et quand la révolution a explosé en Syrie, en 2011, il a préféré rester loin des manifestations. Mais pour autant, Samer a raconté l’oppression vécue par le peuple syrien, et menée par le régime d’Assad.

L’année suivante, il apprend que des forces de sécurités ont fouillé et retourné sa maison d’édition. C’est ainsi qu’il décidera de partir, quitter son pays : la rencontre avec Istanbul fut une histoire d’amour immédiate.

Son prochain projet pourrait bien le rapprocher de l’Europe, avec l’ouverture d’une librairie à Berlin, pour répondre aux besoins de la communauté syrienne qui s’y trouve. Et pourquoi pas bâtir une nouvelle maison d’édition, consacrée aux romans de jeunes Syriens. Aujourd’hui, il travaille déjà avec des éditeurs turcs pour arriver à faire traduire en turc des ouvrages – mais aucune des entreprises n’est vraiment rentable.

Le travail est difficile. Gratifiant surtout. « Nous ne sommes pas en mesure de changer le monde, mais nous pouvons aider la prochaine génération à vivre mieux. »