Adonis sur la Syrie : Le Choix et la Décision – par Iyad*

Article  •  Publié sur Souria Houria le 6 août 2011

Adonis, de son vrai nom Ali Ahmad Saïd, 81 ans, est un poète et écrivain arabe syrien de réputation mondiale (il fut proposé au prix Nobel de littérature). Adonis n’est pas un opposant au régime syrien, et au début du soulèvement révolutionnaire du peuple syrien il n’a pas soutenu ce soulèvement car, en pur laïque à la française, il « ne pouvait se joindre à aucune manifestation qui sortait de la mosquée », mais il était contre l’usage de la force contre les manifestants.
Mais avec les semaines passant, le courage et la ténacité des manifestants qui continuaient à braver les balles des sbires de la mafia au pouvoir et à irriguer les terres de la Syrie de leur sang en préparant la nouvelle Syrie à venir, plus fertile, plus productive, lus prospère et notamment plus fidèle à ses principes et aux causes de sa nation arabe et musulmane, Adonis commença à changer de discours.
Ici il prend clairement position pour le soulèvement populaire en cours et avertit le parti Baath au pouvoir qu’il pourrait être traîné vers la cage d’accusé s’il ne va pas dans le sens de ce mouvement historique.
Cependant, si Adonis critique l’article 8 de la constitution qui donne au parti Baath le rôle hégémonique de direction de l’Etat et de la société, il omet de parler des pouvoirs pharaoniques attribués au président de la république dans cette constitution. Adonis concentre sa critique contre le parti Baath, tout en signalant que ce parti n’est plus qu’un outil entre les mains de ceux qui sont au pouvoir, et il ne dit mot sur les détenteurs de ce pouvoir en Syrie, qui eux ne sont pas gens à abandonner leur pouvoir sur un pays qu’il considèrent comme leur objet, à moins que le courage du peuple syrien ne crée des fissures dans leur rang les poussant à abandonner le navire ou à se tuer entre eux.
*  Activiste Syrien

L’instant syrien, une troisième fois (il a déjà écrit deux articles en juin et juillet) :
Le Choix et la Décision

 Par Adonis
Le 03 août 2008
Assafir

De plus en plus on transforme l’armée syrienne, qui est l’armée du peuple, à l’armée du régime opposé au peuple, afin de défendre un régime qu’on ne peut plus défendre. Ce régime vient d’éliminer tout doute quant à ses choix radicaux pour traiter la crise qu’il vit, en choisissant la violence et la tuerie pour résoudre ses problèmes au lieu d’accélérer la réforme. C’est un choix qui va aggraver les problèmes et les rendre encore plus compliqués.
De plus, les groupes qui composent le peuple syrien vont voir qu’ils sont conduits, d’une manière ou d’une autre, à cause de l’entêtement du régime et de sa violence, à un combat long et destructeur à l’instar de ce qui se passe en Irak.
Tout combat est destruction. La lutte violente pour le pouvoir est la plus meurtrière des guerres politiques et la plus injuste. Il y a des individus et des groupes rendus éternels dans l’histoire alors qu’ils ne sont que des simples détails. En revanche il y a des individus et des groupes qui écrivent l’histoire et qui lui donnent son sens et sa valeur. Et pour ces derniers, le pouvoir ne peut être une fin en soi, mais seulement un moyen pour atteindre l’objectif principal : la construction d’un nouveau pays, d’une nouvelle société et d’un Homme nouveau.
Mais au moment du choix décisif entre le « parti » quel qu’il soit, et le « peuple », quel qu’il soit, on ne peut hésiter à choisir le peuple. Ceci doit être compris par les dirigeants du parti au pouvoir, ou par ceux qui gouvernent en son nom, en supposant que ce parti n’a plus de vraie existence, comme certains le prétendent, et qu’il est devenu un simple nom, ou une pure mémoire.
Ce qui se passe en Syrie aujourd’hui, est un examen pour ce parti, qui d’un côté peut être qualifié de dure épreuve, et de chance historique d’un autre côté. Le peuple aujourd’hui défie ce parti, et si on ignore le défi lancé par la « rue » pour une raison ou une autre, il y a alors une quasi unanimité parmi les composantes qui représentent le summum de la conscience en Syrie, à refuser ce régime conduit par ce parti.
Il faut donc que le parti écoute ce défi et qu’il y réponde positivement, et de manière à ce qu’il soit un partenaire dans la transformation et non pas un obstacle. Autrement, il se place dans la position du tyran qui veut défendre son régime avec les armes (qui furent achetés avec le pain du peuple), et qui veut imposer sa volonté à la force de ces armes. Ainsi, il ne fait que donner de la légitimité à la révolution contre lui et à son élimination pour établir un nouveau régime. Le résultat, c’est qu’il se met par lui-même dans la place de l’accusé, dans tout ce qui s’est passé , à tous les niveaux et tout au long de ses responsabilités dans le pouvoir, notamment en ce qui concerne l’Homme, ses droits et ses libertés, et tout ce qui concerne les richesses qui furent pillées ou qui furent gaspillées.
Ainsi, il faut qu’il arrive un événement à l’intérieur du régime qui soit suffisamment décisif et suffisamment important, pour qu’il soit conforme aux aspirations du peuple et à l’étape historique en cours, et pour qu’il puisse éviter à la Syrie la catastrophe vers laquelle elle se dirige. Un événement qui entraine l’abandon immédiat et instantané de la violence et de la tuerie, et surtout l’abandon de ce principe hégémonique, qui est l’un des sommets de la violence politique et culturelle, tel qu’exprimé dans le huitième article de la constitution. Un principe dont le moindre qualificatif serait qu’il est humiliant pour le peuple syrien, pour l’histoire de la Syrie et pour la raison et l’intelligence, et qu’il est une totale annihilation des libertés de l’Homme et de ses droits.
Source en Arabe :
http://www.assafir.com/article.aspx?EditionId=1911&ChannelId=45075&ArticleId=255