Alerte à l’arme chimique en Syrie – Editorial du journal LE MONDE

Article  •  Publié sur Souria Houria le 19 janvier 2013

Une guerre chasse l’autre, ou l’occulte, hélas. Alors que l’attention est concentrée sur le conflit au Mali, alors que l’armée française combat au Sahel des groupes armés affiliés à Al-Qaida, dont les abominations contre la population civile des régions du nord du Mali ont été abondamment documentées par les défenseurs des droits de l’homme, alors, donc, que la crise dans les vastes espaces du Sahara mobilise la diplomatie internationale, un autre théâtre de crimes de grande ampleur ne doit pas être oublié : la Syrie.

Rappelons-le : l’ONU y a dénombré plus de 60 000 morts, la plupart ayant péri au cours du semestre écoulé. En Syrie, on peut dire que c’est un régime, un pouvoir d’Etat, celui de Bachar Al-Assad, qui endosse le rôle du « terroriste » auteur de crimes de masse incessants contre sa propre population. Récemment encore, un massacre perpétré à l’université d’Alep a fait plus de 80 morts, le régime de Damas et la rebellion syrienne se renvoyant chacun la responsabilité de ce drame.

Face à l’ampleur du drame syrien, la diplomatie internationale n’a cessé de patiner. L’attitude de l’administration Obama, qui avait laissé entendre à certains alliés européens que sa politique pourrait se durcir, une fois passée l’élection présidentielle américaine, continue pourtant à se limiter à une stratégie d’endiguement. La priorité, au-delà de l’indignation générale exprimée par les Occidentaux, consiste à empêcher que la crise ne se répande vers d’autres pays du Moyen-Orient.

Petite lueur d’espoir : à l’ONU, des pays membres du Conseil de sécurité, dont la France, s’activent en faveur d’une saisine de la Cour pénale internationale, pour envoyer le signal qu’il n’y aura pas d’impunité pour les auteurs des crimes les plus graves. Il faudra, cependant, pour que cette démarche aboutisse à une résolution, parvenir à surmonter l’obstacle du veto russe. Déjà opposé à trois reprises, ce veto, soutenu par la Chine, a offert une « couverture » diplomatique majeure au régime de Damas.

Un élément nouveau met en lumière le souci manifeste des pays occidentaux d’éviter à tout prix d’être entraînés dans quelque intervention ouverte que ce soit en Syrie. Il s’agit de données faisant état d’un possible emploi d’armes chimiques à Homs, le 23 décembre 2012.

Selon des informations recueillies par Le Monde auprès de services de renseignement occidentaux, une arme chimique non létale, à effet incapacitant, a été employée par le régime syrien contre des opposants ce jour-là, dans le quartier d’Al-Bayyada, où se déroulaient des combats entre les forces gouvernementales et l’insurrection anti-Assad. Ces informations corroborent, pour partie, des témoignages d’habitants et de médecins de Homs. Le Quai d’Orsay et le département d’Etat américain mettent en doute cette version, affirmant ne pas disposer d’éléments suffisants pour la confirmer.

Or l’emploi d’armes chimiques a été identifié, en 2012, par des dirigeants occidentaux, dont François Hollande, comme une « ligne rouge » qui justifierait, si elle était franchie, une intervention en Syrie. Y a-t-il, aujourd’hui, esquive ? La gravité des faits allégués exige que toute la transparence soit faite. Que les responsables occidentaux expliquent ce qu’il savent des faits qui se sont produits le 23 décembre à Homs.

Source: http://www.lemonde.fr/idees/article/2013/01/19/alerte-a-l-arme-chimique-en-syrie_1819481_3232.html