Amnesty International accuse la Syrie de crimes contre l’humanité dans son dernier rapport

Article  •  Publié sur Souria Houria le 23 mai 2012

Les autorités ne toléraient toujours pas la dissidence. Les détracteurs du gouvernement, et notamment les défenseurs des droits humains, étaient en butte à des arrestations, des peines d’emprisonnement prononcées à l’issue de procès inéquitables et des interdictions de se rendre à l’étranger. Plusieurs de ces détenus étaient des prisonniers d’opinion. Des organisations non gouvernementales de défense des droits humains et des partis politiques d’opposition ne bénéficiaient pas d’une autorisation officielle. Les agents de l’État et les policiers continuaient de torturer et de maltraiter les détenus en toute impunité ; au moins huit cas de mort en détention dans des circonstances suspectes se sont produits. Le gouvernement n’a pas éclairci le sort de 49 prisonniers portés disparus depuis les événements violents de 2008 dans la prison militaire de Saidnaya, et il n’a pris aucune initiative pour donner des informations sur les milliers de personnes victimes de disparition forcée dans le passé. Les femmes subissaient des discriminations et des violences liées au genre. Vingt-deux personnes au moins, des femmes pour la plupart, ont été victimes de crimes d’« honneur ». Les membres de la minorité kurde ne bénéficiaient toujours pas du même accès que les autres citoyens aux droits économiques, sociaux et culturels. Au moins 17 prisonniers ont été exécutés. Parmi eux figurait une femme qui avait selon certaines informations été victime de sévices physiques et sexuels.

 

Contexte

 

L’état d’urgence, en vigueur sans interruption depuis 1963, n’a pas été levé. Il conférait aux autorités de vastes pouvoirs en matière d’arrestation et de détention.

 

Une loi progressiste qui prohibait le trafic d’êtres humains et l’érigeait en infraction pénale a été adoptée en janvier.

 

En juillet, le ministre de l’Enseignement supérieur a interdit aux femmes le port du niqab (voile intégral) dans les universités.

 

En septembre, le rapporteur spécial de l’ONU sur le droit à l’alimentation s’est déclaré préoccupé par le fait que deux à trois millions de Syriens vivaient dans une « extrême pauvreté » et il a instamment prié le gouvernement de mettre en place une stratégie nationale globale en vue de réaliser le droit à une nourriture suffisante.

 

Des mandats d’arrêt ont été décernés en octobre contre 33 Libanais et ressortissants d’autres pays à la suite d’une procédure engagée par Jamil al Sayyed, l’un des quatre hauts responsables libanais incarcérés sans inculpation ni jugement pendant plus de trois ans au Liban, dans le cadre de l’enquête sur l’assassinat, en 2005, de l’ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri. Ces quatre hommes avaient été remis en liberté en 2009 par les autorités libanaises après que le procureur du Tribunal spécial pour le Liban eut confirmé que cette juridiction ne pouvait pas les mettre en accusation dans le délai légal.

 

Selon certaines sources, une nouvelle loi ayant pour but de renforcer le contrôle sur les médias en ligne était envisagée.

 

Répression de la dissidence

 

Les autorités continuaient d’utiliser les pouvoirs conférés par l’état d’urgence pour réprimer et réduire au silence leurs détracteurs, parmi lesquels figuraient des militants politiques, des défenseurs des droits humains, des blogueurs et des militants des droits de la minorité kurde. Certains ont été arrêtés et incarcérés arbitrairement pendant de longues périodes sans jugement ; d’autres ont été condamnés à des peines d’emprisonnement à l’issue de procès inéquitables devant la Cour suprême de sûreté de l’État ou devant des juridictions pénales ou militaires. Les ONG de défense des droits humains ne parvenaient pas à obtenir une autorisation légale, ce qui exposait les avocats qui en étaient membres à des sanctions disciplinaires prises par l’Ordre des avocats, contrôlé par le gouvernement. Des centaines de personnes considérées comme des dissidents, dont d’anciens prisonniers politiques et les membres de leur famille, n’étaient pas autorisées à se rendre à l’étranger ; certaines se voyaient interdire de travailler dans le secteur public.

 

  • Muhannad al Hassani, un avocat de renom spécialisé dans la défense des droits humains, a été condamné en juin à une peine de trois ans d’emprisonnement. Le tribunal pénal de Damas l’avait déclaré coupable d’« affaiblissement du sentiment national » et de propagation de « fausses informations » pour avoir rendu compte sur Internet de procès iniques devant la Cour suprême de sûreté de l’État. Il était détenu dans la prison d’Adhra, non loin de Damas, où il a été agressé en octobre par un prisonnier de droit commun qui avait été transféré dans sa cellule.
  • Avocat spécialisé dans la défense des droits humains et voix critique vis-à-vis du gouvernement, Haytham al Maleh a été condamné en juillet à trois ans d’emprisonnement après avoir été déclaré coupable d’« affaiblissement du sentiment national » et de diffusion de « fausses informations ». Ces accusations étaient liées à une interview qu’il avait donnée par téléphone en septembre 2009 à une chaîne de télévision par satellite basée à l’étranger. Cet homme de 79 ans qui souffrait de diabète, entre autres maladies, était détenu dans la prison d’Adhra. Son état de santé était source de préoccupation.
  • Trois membres éminents du Parti Yeketi (Parti de l’union, une formation kurde interdite), étaient maintenus au secret dans la prison d’Adhra. Ils étaient en instance de procès devant la Cour suprême de sûreté de l’État. Accusés de « vouloir la séparation d’une partie du territoire syrien » et d’« avoir rejoint une organisation politique ou sociale internationale », Hassan Saleh, Maarouf Mulla Ahmed et Muhammad Ahmed Mustafa étaient passibles de lourdes peines d’emprisonnement. Ces trois hommes avaient été arrêtés peu de temps après avoir réclamé l’autonomie des régions kurdes de Syrie lors d’une conférence du Parti Yeketi, en décembre 2009.
  • L’écrivaine Raghdah Said Hassan a été arrêtée en février et incarcérée au secret pendant trois mois, avant d’être inculpée d’« affaiblissement du sentiment national » et de diffusion de « fausses informations ». Elle était maintenue en détention dans la prison pour femmes de Douma à la fin de l’année. Son procès était en instance devant un tribunal militaire.
  • Radeef Mustafa, avocat et membre éminent du Comité kurde des droits de l’homme en Syrie (RASED, organisation interdite), a fait l’objet de sanctions disciplinaires imposées par l’Ordre des avocats syriens pour avoir participé aux activités de ce groupe et avoir critiqué l’état d’urgence dans des articles diffusés sur Internet. Il risquait d’être frappé d’une interdiction d’exercer sa profession d’avocat.
  • Suhair Atassi, présidente du Forum Jamal Atassi, un groupe de discussion en faveur de la démocratie non autorisé, était au nombre des sept défenseurs des droits humains et militants politiques qui ont été empêchés de se rendre à l’étranger.

Lutte contre le terrorisme et sécurité

 

Des islamistes présumés et des membres présumés des Frères musulmans, mouvement interdit, ont été arrêtés de manière arbitraire, maintenus en détention prolongée, torturés, maltraités et jugés selon une procédure inéquitable, pour la plupart devant la Cour suprême de sûreté de l’État, qui prononce rarement des peines inférieures à cinq ans d’emprisonnement. Les personnes déclarées coupables d’appartenance aux Frères musulmans ont été condamnées à mort et leur sentence a été immédiatement commuée en une peine de 12 ans d’emprisonnement. Plusieurs centaines d’islamistes condamnés étaient détenus dans la prison militaire de Saidnaya, où régnaient des conditions éprouvantes.

 

  • On ignorait toujours le sort et le lieu de détention de Nabil Khilioui, un islamiste présumé arrêté en août 2008 par des agents du Service de renseignement militaire. Il a été soumis à une disparition forcée.
  • Arrêtée le 2 janvier, Usra al Hassani a été maintenue au secret pendant plusieurs mois. Elle était toujours détenue sans inculpation dans la prison d’Adhra à la fin de l’année. Cette femme avait déjà été placée au secret pendant près d’un an, jusqu’en juillet 2009, pour avoir pris contact avec une organisation internationale au sujet de son mari, détenu par les États-Unis à Guantánamo.
  • Ziad Ramadan, ancien collègue de travail d’un individu soupçonné d’être impliqué dans l’assassinat, en 2005, de l’ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri, était détenu sans inculpation depuis juillet 2005 dans des conditions éprouvantes à Damas, dans les locaux de la Section Palestine du Service de renseignement militaire, alors même que le Tribunal spécial pour le Liban avait informé les autorités syriennes que son incarcération n’était selon lui pas fondée.

Torture et autres mauvais traitements

 

La torture et les autres formes de mauvais traitements étaient monnaie courante dans les postes de police et les centres de détention des services de sécurité. Ces agissements étaient commis en toute impunité. Selon certaines sources, les islamistes présumés et les membres de la minorité kurde étaient soumis à des sévices particulièrement durs. La Cour suprême de sûreté de l’État ainsi que d’autres juridictions étaient souvent accusées de condamner des personnes sur la base d’« aveux » arrachés sous la torture ou d’autres moyens de contrainte.

 

  • Arrêté en septembre 2008, Abdelbaqi Khalaf, un Kurde de Syrie qui militait en faveur de la démocratie, aurait été attaché au mur avec des fers aux poignets pendant huit jours. Il aurait été torturé et régulièrement soumis à d’autres formes de mauvais traitements durant sa détention au secret, qui a duré plus d’un an. On a appris en août que des tortures lui étaient infligées pour le contraindre à « avouer » l’homicide de deux membres des forces de sécurité. Abdelbaqi Khalaf était détenu dans la prison d’Adhra.

 

En mai, le Comité contre la torture [ONU] a exprimé sa préoccupation à propos des allégations « nombreuses, persistantes et cohérentes » de recours à la torture par les fonctionnaires chargés de l’application des lois et des enquêtes, à leur instigation ou avec leur consentement, en particulier dans les lieux de détention. Il a également déploré le caractère « quasi permanent » de l’état d’urgence, qui « permet de suspendre les droits et les libertés fondamentaux ». Le gouvernement n’a pas répondu. À la fin de l’année, il n’avait mis en œuvre aucune des nombreuses recommandations du Comité.

Morts en détention

 

Huit cas de mort en détention pouvant être intervenue à la suite de tortures ont été signalés. À la connaissance d’Amnesty International, aucun n’avait fait l’objet d’une enquête de la part des autorités.

 

  • Jalal al Koubaisi est mort pendant sa détention par des agents de la Sécurité criminelle quelques jours après son interpellation. Arrêté le 27 mai, apparemment parce qu’il incitait les gens à faire leurs achats dans un magasin particulier, il avait été placé au secret. Sa famille a été informée le 1er juin qu’elle devait aller récupérer son corps dans un hôpital. Il présentait des contusions, entre autres marques laissant penser qu’il pourrait avoir été torturé. Aucune enquête officielle n’a été effectuée, à la connaissance d’Amnesty International.

Impunité

 

Les autorités n’avaient toujours pas donné d’informations sur le sort de plusieurs milliers de personnes – des islamistes pour la plupart – disparues à la fin des années 1970 et au début des années 1980, ni sur celui des personnes enlevées au Liban par les forces syriennes ou des milices libanaises et palestiniennes prosyriennes qui les avaient ensuite remises aux forces de Damas dans les années précédant le retrait syrien du Liban, en avril 2005. Elles n’avaient pas non plus éclairci les circonstances dans lesquelles 17 prisonniers et cinq autres personnes auraient été tués dans la prison militaire de Saidnaya, en juillet 2008 ; on ne disposait depuis lors d’aucune information sur 49 prisonniers détenus à l’époque dans cet établissement et avec lesquels personne n’a pu entrer en contact. En mai, le Comité contre la torture [ONU] a exhorté les autorités à mener une enquête indépendante et à « faire savoir aux familles des prisonniers […] si leurs proches [étaient] encore vivants et détenus dans la prison ».

 

  • Le prisonnier d’opinion Nizar Ristnawi est l’un des 49 détenus de Saidnaya dont on était sans nouvelles. Il aurait dû être libéré le 18 avril 2009 à l’expiration de sa peine de quatre ans d’emprisonnement. En mars 2009, le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire avait estimé que la détention de cet homme était arbitraire et il avait exhorté le gouvernement à « prendre les mesures nécessaires pour remédier à cette situation ».

Discrimination et violences faites aux femmes et aux filles

 

Les femmes étaient victimes de discrimination dans la législation et en pratique, et elles subissaient des violences graves, tout particulièrement au sein de la famille. Les lois qui donnaient aux femmes un statut inférieur à celui des hommes, en particulier la Loi relative au statut personnel, qui régit notamment le mariage et sa dissolution ainsi que l’héritage, restaient en vigueur. Cette discrimination était renforcée par les coutumes sociales.

 

Les femmes et les filles n’étaient pas suffisamment protégées contre la violence au sein de la famille. Le Code pénal prévoit des peines plus légères en cas de meurtre ou d’autres crimes violents commis contre des femmes, lorsque la défense de l’« honneur » de la famille est retenue comme circonstance atténuante. Au moins 16 femmes, deux hommes et quatre enfants de moins de 18 ans auraient été victimes de meurtre pour des questions d’« honneur ». En novembre, une étude conjointe du gouvernement syrien et du Fonds des Nations unies pour la population a révélé qu’une femme sur trois était victime de violence domestique. Selon certaines sources, le gouvernement envisageait de créer un Bureau national de protection de la famille et un Observatoire national de la violence domestique.

 

Discrimination – la minorité kurde

 

Les Kurdes, qui représentent quelque 10 % de la population et vivent essentiellement dans le nord-est du pays, continuaient de souffrir de discrimination fondée sur leur identité, et notamment de restrictions frappant l’utilisation de leur langue et les manifestations de leur culture. Des dizaines de milliers de Kurdes de Syrie étaient de fait apatrides et ne bénéficiaient donc pas pleinement de leurs droits économiques et sociaux.

 

  • Luqman Ibrahim Hussein et trois autres personnes ont été détenus pendant 39 jours, apparemment pour avoir observé une minute de silence le 10 septembre à Amudah. Ils protestaient contre le décret-loi n° 49 de 2008, qui imposait de nouvelles restrictions au droit au logement et à la propriété dans les régions frontalières, et notamment dans les zones du nord-est du pays, à majorité kurde. Remis en liberté sous caution, ils ont été condamnés le 9 novembre à un mois d’emprisonnement. Ils n’ont toutefois pas été incarcérés car ils avaient déjà passé plus d’un mois en prison.

Réfugiés et demandeurs d’asile

 

Des centaines de milliers de réfugiés irakiens se trouvaient toujours en Syrie. Ils avaient accès à l’éducation et aux infrastructures de santé, mais n’avaient toujours pas le droit de travailler.

 

Le 1er février, les autorités et les agences des Nations unies ont fermé définitivement le camp d’al Tanf, situé dans une zone désertique à la frontière irako-syrienne, où vivaient des réfugiés palestiniens installés de longue date en Irak. Environ 1 000 des 1 300 réfugiés palestiniens qui avaient vécu à différentes périodes dans ce camp ont été réinstallés dans des pays tiers tandis que les autres étaient transférés temporairement dans le camp d’al Hol, dans le nord-est de la Syrie.

Peine de mort

 

Comme les années précédentes, des condamnations à mort ont été prononcées. Au moins 17 personnes ont été exécutées. Le nombre réel était probablement plus élevé, les autorités ne fournissant que rarement des informations à ce sujet.

 

  • Eliaza al Saleh, Ahmed al Abbas et Mazen Bassouni ont été exécutés le 4 novembre. Ils avaient été déclarés coupables du meurtre du mari d’Eliaza al Saleh. Des éléments démontrant que cette femme avait subi pendant des années des sévices physiques et sexuels infligés par son mari n’ont de toute évidence pas été pris en compte lors de son procès de première instance ni en appel. La famille d’Eliaza al Saleh a été informée de son exécution trois jours plus tard.

 

En décembre, la Syrie a été l’un des quelques pays qui ont voté contre une résolution de l’Assemblée générale des Nations unies en faveur d’un moratoire universel sur les exécutions.
source: http://www.amnesty.org/fr/region/syria/report-2011

Les autorités ne toléraient toujours pas la dissidence. Les détracteurs du gouvernement, et notamment les défenseurs des droits humains, étaient en butte à des arrestations, des peines d’emprisonnement prononcées à l’issue de procès inéquitables et des interdictions de se rendre à l’étranger. Plusieurs de ces détenus étaient des prisonniers d’opinion. Des organisations non gouvernementales de défense des droits humains et des partis politiques d’opposition ne bénéficiaient pas d’une autorisation officielle. Les agents de l’État et les policiers continuaient de torturer et de maltraiter les détenus en toute impunité ; au moins huit cas de mort en détention dans des circonstances suspectes se sont produits. Le gouvernement n’a pas éclairci le sort de 49 prisonniers portés disparus depuis les événements violents de 2008 dans la prison militaire de Saidnaya, et il n’a pris aucune initiative pour donner des informations sur les milliers de personnes victimes de disparition forcée dans le passé. Les femmes subissaient des discriminations et des violences liées au genre. Vingt-deux personnes au moins, des femmes pour la plupart, ont été victimes de crimes d’« honneur ». Les membres de la minorité kurde ne bénéficiaient toujours pas du même accès que les autres citoyens aux droits économiques, sociaux et culturels. Au moins 17 prisonniers ont été exécutés. Parmi eux figurait une femme qui avait selon certaines informations été victime de sévices physiques et sexuels.

Contexte

L’état d’urgence, en vigueur sans interruption depuis 1963, n’a pas été levé. Il conférait aux autorités de vastes pouvoirs en matière d’arrestation et de détention.

Une loi progressiste qui prohibait le trafic d’êtres humains et l’érigeait en infraction pénale a été adoptée en janvier.

En juillet, le ministre de l’Enseignement supérieur a interdit aux femmes le port du niqab (voile intégral) dans les universités.

En septembre, le rapporteur spécial de l’ONU sur le droit à l’alimentation s’est déclaré préoccupé par le fait que deux à trois millions de Syriens vivaient dans une « extrême pauvreté » et il a instamment prié le gouvernement de mettre en place une stratégie nationale globale en vue de réaliser le droit à une nourriture suffisante.

Des mandats d’arrêt ont été décernés en octobre contre 33 Libanais et ressortissants d’autres pays à la suite d’une procédure engagée par Jamil al Sayyed, l’un des quatre hauts responsables libanais incarcérés sans inculpation ni jugement pendant plus de trois ans au Liban, dans le cadre de l’enquête sur l’assassinat, en 2005, de l’ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri. Ces quatre hommes avaient été remis en liberté en 2009 par les autorités libanaises après que le procureur du Tribunal spécial pour le Liban eut confirmé que cette juridiction ne pouvait pas les mettre en accusation dans le délai légal.

Selon certaines sources, une nouvelle loi ayant pour but de renforcer le contrôle sur les médias en ligne était envisagée.

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Répression de la dissidence

Les autorités continuaient d’utiliser les pouvoirs conférés par l’état d’urgence pour réprimer et réduire au silence leurs détracteurs, parmi lesquels figuraient des militants politiques, des défenseurs des droits humains, des blogueurs et des militants des droits de la minorité kurde. Certains ont été arrêtés et incarcérés arbitrairement pendant de longues périodes sans jugement ; d’autres ont été condamnés à des peines d’emprisonnement à l’issue de procès inéquitables devant la Cour suprême de sûreté de l’État ou devant des juridictions pénales ou militaires. Les ONG de défense des droits humains ne parvenaient pas à obtenir une autorisation légale, ce qui exposait les avocats qui en étaient membres à des sanctions disciplinaires prises par l’Ordre des avocats, contrôlé par le gouvernement. Des centaines de personnes considérées comme des dissidents, dont d’anciens prisonniers politiques et les membres de leur famille, n’étaient pas autorisées à se rendre à l’étranger ; certaines se voyaient interdire de travailler dans le secteur public.

  • Muhannad al Hassani, un avocat de renom spécialisé dans la défense des droits humains, a été condamné en juin à une peine de trois ans d’emprisonnement. Le tribunal pénal de Damas l’avait déclaré coupable d’« affaiblissement du sentiment national » et de propagation de « fausses informations » pour avoir rendu compte sur Internet de procès iniques devant la Cour suprême de sûreté de l’État. Il était détenu dans la prison d’Adhra, non loin de Damas, où il a été agressé en octobre par un prisonnier de droit commun qui avait été transféré dans sa cellule.
  • Avocat spécialisé dans la défense des droits humains et voix critique vis-à-vis du gouvernement, Haytham al Maleh a été condamné en juillet à trois ans d’emprisonnement après avoir été déclaré coupable d’« affaiblissement du sentiment national » et de diffusion de « fausses informations ». Ces accusations étaient liées à une interview qu’il avait donnée par téléphone en septembre 2009 à une chaîne de télévision par satellite basée à l’étranger. Cet homme de 79 ans qui souffrait de diabète, entre autres maladies, était détenu dans la prison d’Adhra. Son état de santé était source de préoccupation.
  • Trois membres éminents du Parti Yeketi (Parti de l’union, une formation kurde interdite), étaient maintenus au secret dans la prison d’Adhra. Ils étaient en instance de procès devant la Cour suprême de sûreté de l’État. Accusés de « vouloir la séparation d’une partie du territoire syrien » et d’« avoir rejoint une organisation politique ou sociale internationale », Hassan Saleh, Maarouf Mulla Ahmed et Muhammad Ahmed Mustafa étaient passibles de lourdes peines d’emprisonnement. Ces trois hommes avaient été arrêtés peu de temps après avoir réclamé l’autonomie des régions kurdes de Syrie lors d’une conférence du Parti Yeketi, en décembre 2009.
  • L’écrivaine Raghdah Said Hassan a été arrêtée en février et incarcérée au secret pendant trois mois, avant d’être inculpée d’« affaiblissement du sentiment national » et de diffusion de « fausses informations ». Elle était maintenue en détention dans la prison pour femmes de Douma à la fin de l’année. Son procès était en instance devant un tribunal militaire.
  • Radeef Mustafa, avocat et membre éminent du Comité kurde des droits de l’homme en Syrie (RASED, organisation interdite), a fait l’objet de sanctions disciplinaires imposées par l’Ordre des avocats syriens pour avoir participé aux activités de ce groupe et avoir critiqué l’état d’urgence dans des articles diffusés sur Internet. Il risquait d’être frappé d’une interdiction d’exercer sa profession d’avocat.
  • Suhair Atassi, présidente du Forum Jamal Atassi, un groupe de discussion en faveur de la démocratie non autorisé, était au nombre des sept défenseurs des droits humains et militants politiques qui ont été empêchés de se rendre à l’étranger.

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Lutte contre le terrorisme et sécurité

Des islamistes présumés et des membres présumés des Frères musulmans, mouvement interdit, ont été arrêtés de manière arbitraire, maintenus en détention prolongée, torturés, maltraités et jugés selon une procédure inéquitable, pour la plupart devant la Cour suprême de sûreté de l’État, qui prononce rarement des peines inférieures à cinq ans d’emprisonnement. Les personnes déclarées coupables d’appartenance aux Frères musulmans ont été condamnées à mort et leur sentence a été immédiatement commuée en une peine de 12 ans d’emprisonnement. Plusieurs centaines d’islamistes condamnés étaient détenus dans la prison militaire de Saidnaya, où régnaient des conditions éprouvantes.

  • On ignorait toujours le sort et le lieu de détention de Nabil Khilioui, un islamiste présumé arrêté en août 2008 par des agents du Service de renseignement militaire. Il a été soumis à une disparition forcée.
  • Arrêtée le 2 janvier, Usra al Hassani a été maintenue au secret pendant plusieurs mois. Elle était toujours détenue sans inculpation dans la prison d’Adhra à la fin de l’année. Cette femme avait déjà été placée au secret pendant près d’un an, jusqu’en juillet 2009, pour avoir pris contact avec une organisation internationale au sujet de son mari, détenu par les États-Unis à Guantánamo.
  • Ziad Ramadan, ancien collègue de travail d’un individu soupçonné d’être impliqué dans l’assassinat, en 2005, de l’ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri, était détenu sans inculpation depuis juillet 2005 dans des conditions éprouvantes à Damas, dans les locaux de la Section Palestine du Service de renseignement militaire, alors même que le Tribunal spécial pour le Liban avait informé les autorités syriennes que son incarcération n’était selon lui pas fondée.

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Torture et autres mauvais traitements

La torture et les autres formes de mauvais traitements étaient monnaie courante dans les postes de police et les centres de détention des services de sécurité. Ces agissements étaient commis en toute impunité. Selon certaines sources, les islamistes présumés et les membres de la minorité kurde étaient soumis à des sévices particulièrement durs. La Cour suprême de sûreté de l’État ainsi que d’autres juridictions étaient souvent accusées de condamner des personnes sur la base d’« aveux » arrachés sous la torture ou d’autres moyens de contrainte.

  • Arrêté en septembre 2008, Abdelbaqi Khalaf, un Kurde de Syrie qui militait en faveur de la démocratie, aurait été attaché au mur avec des fers aux poignets pendant huit jours. Il aurait été torturé et régulièrement soumis à d’autres formes de mauvais traitements durant sa détention au secret, qui a duré plus d’un an. On a appris en août que des tortures lui étaient infligées pour le contraindre à « avouer » l’homicide de deux membres des forces de sécurité. Abdelbaqi Khalaf était détenu dans la prison d’Adhra.

En mai, le Comité contre la torture [ONU] a exprimé sa préoccupation à propos des allégations « nombreuses, persistantes et cohérentes » de recours à la torture par les fonctionnaires chargés de l’application des lois et des enquêtes, à leur instigation ou avec leur consentement, en particulier dans les lieux de détention. Il a également déploré le caractère « quasi permanent » de l’état d’urgence, qui « permet de suspendre les droits et les libertés fondamentaux ». Le gouvernement n’a pas répondu. À la fin de l’année, il n’avait mis en œuvre aucune des nombreuses recommandations du Comité.

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Morts en détention

Huit cas de mort en détention pouvant être intervenue à la suite de tortures ont été signalés. À la connaissance d’Amnesty International, aucun n’avait fait l’objet d’une enquête de la part des autorités.

  • Jalal al Koubaisi est mort pendant sa détention par des agents de la Sécurité criminelle quelques jours après son interpellation. Arrêté le 27 mai, apparemment parce qu’il incitait les gens à faire leurs achats dans un magasin particulier, il avait été placé au secret. Sa famille a été informée le 1er juin qu’elle devait aller récupérer son corps dans un hôpital. Il présentait des contusions, entre autres marques laissant penser qu’il pourrait avoir été torturé. Aucune enquête officielle n’a été effectuée, à la connaissance d’Amnesty International.

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Impunité

Les autorités n’avaient toujours pas donné d’informations sur le sort de plusieurs milliers de personnes – des islamistes pour la plupart – disparues à la fin des années 1970 et au début des années 1980, ni sur celui des personnes enlevées au Liban par les forces syriennes ou des milices libanaises et palestiniennes prosyriennes qui les avaient ensuite remises aux forces de Damas dans les années précédant le retrait syrien du Liban, en avril 2005. Elles n’avaient pas non plus éclairci les circonstances dans lesquelles 17 prisonniers et cinq autres personnes auraient été tués dans la prison militaire de Saidnaya, en juillet 2008 ; on ne disposait depuis lors d’aucune information sur 49 prisonniers détenus à l’époque dans cet établissement et avec lesquels personne n’a pu entrer en contact. En mai, le Comité contre la torture [ONU] a exhorté les autorités à mener une enquête indépendante et à « faire savoir aux familles des prisonniers […] si leurs proches [étaient] encore vivants et détenus dans la prison ».

  • Le prisonnier d’opinion Nizar Ristnawi est l’un des 49 détenus de Saidnaya dont on était sans nouvelles. Il aurait dû être libéré le 18 avril 2009 à l’expiration de sa peine de quatre ans d’emprisonnement. En mars 2009, le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire avait estimé que la détention de cet homme était arbitraire et il avait exhorté le gouvernement à « prendre les mesures nécessaires pour remédier à cette situation ».

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Discrimination et violences faites aux femmes et aux filles

Les femmes étaient victimes de discrimination dans la législation et en pratique, et elles subissaient des violences graves, tout particulièrement au sein de la famille. Les lois qui donnaient aux femmes un statut inférieur à celui des hommes, en particulier la Loi relative au statut personnel, qui régit notamment le mariage et sa dissolution ainsi que l’héritage, restaient en vigueur. Cette discrimination était renforcée par les coutumes sociales.

Les femmes et les filles n’étaient pas suffisamment protégées contre la violence au sein de la famille. Le Code pénal prévoit des peines plus légères en cas de meurtre ou d’autres crimes violents commis contre des femmes, lorsque la défense de l’« honneur » de la famille est retenue comme circonstance atténuante. Au moins 16 femmes, deux hommes et quatre enfants de moins de 18 ans auraient été victimes de meurtre pour des questions d’« honneur ». En novembre, une étude conjointe du gouvernement syrien et du Fonds des Nations unies pour la population a révélé qu’une femme sur trois était victime de violence domestique. Selon certaines sources, le gouvernement envisageait de créer un Bureau national de protection de la famille et un Observatoire national de la violence domestique.

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Discrimination – la minorité kurde

Les Kurdes, qui représentent quelque 10 % de la population et vivent essentiellement dans le nord-est du pays, continuaient de souffrir de discrimination fondée sur leur identité, et notamment de restrictions frappant l’utilisation de leur langue et les manifestations de leur culture. Des dizaines de milliers de Kurdes de Syrie étaient de fait apatrides et ne bénéficiaient donc pas pleinement de leurs droits économiques et sociaux.

  • Luqman Ibrahim Hussein et trois autres personnes ont été détenus pendant 39 jours, apparemment pour avoir observé une minute de silence le 10 septembre à Amudah. Ils protestaient contre le décret-loi n° 49 de 2008, qui imposait de nouvelles restrictions au droit au logement et à la propriété dans les régions frontalières, et notamment dans les zones du nord-est du pays, à majorité kurde. Remis en liberté sous caution, ils ont été condamnés le 9 novembre à un mois d’emprisonnement. Ils n’ont toutefois pas été incarcérés car ils avaient déjà passé plus d’un mois en prison.

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Réfugiés et demandeurs d’asile

Des centaines de milliers de réfugiés irakiens se trouvaient toujours en Syrie. Ils avaient accès à l’éducation et aux infrastructures de santé, mais n’avaient toujours pas le droit de travailler.

Le 1er février, les autorités et les agences des Nations unies ont fermé définitivement le camp d’al Tanf, situé dans une zone désertique à la frontière irako-syrienne, où vivaient des réfugiés palestiniens installés de longue date en Irak. Environ 1 000 des 1 300 réfugiés palestiniens qui avaient vécu à différentes périodes dans ce camp ont été réinstallés dans des pays tiers tandis que les autres étaient transférés temporairement dans le camp d’al Hol, dans le nord-est de la Syrie.

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Peine de mort

Comme les années précédentes, des condamnations à mort ont été prononcées. Au moins 17 personnes ont été exécutées. Le nombre réel était probablement plus élevé, les autorités ne fournissant que rarement des informations à ce sujet.

  • Eliaza al Saleh, Ahmed al Abbas et Mazen Bassouni ont été exécutés le 4 novembre. Ils avaient été déclarés coupables du meurtre du mari d’Eliaza al Saleh. Des éléments démontrant que cette femme avait subi pendant des années des sévices physiques et sexuels infligés par son mari n’ont de toute évidence pas été pris en compte lors de son procès de première instance ni en appel. La famille d’Eliaza al Saleh a été informée de son exécution trois jours plus tard.

En décembre, la Syrie a été l’un des quelques pays qui ont voté contre une résolution de l’Assemblée générale des Nations unies en faveur d’un moratoire universel sur les exécutions.