Autour d’un article de presse sur la distribution spatiale des Syriens officiellement enregistrés à Istanbul en mai 2017 – par Jean-François Pérouse

Article  •  Publié sur Souria Houria le 20 mai 2017

On sait que l’État turc souhaite avoir le monopole de la reconnaissance et de la connaissance des Syriens en Turquie. Cette volonté a été formulée à plusieurs reprises, notamment en direction des chercheurs étrangers sommés de ne pas se mêler de cette question jugée sensible1. En conséquence nous sommes tributaires des données officielles, parfois reprises par la presse et par quelques centres de recherche turcs, spécialisés, interlocuteurs privilégiés des autorités. Le quotidien Dünya, ainsi, a publié dans son édition du 9 mai 2017 une carte intéressante de la distribution par arrondissement des Syriens à Istanbul. Avec 540 000 Syriens enregistrés dans le seul département Istanbul est en tête des départements turcs, en valeur absolue. Ces 540 000 Syriens d’Istanbul représentent 17,4 % du total des Syriens dénombrés dans le pays. En pourcentage, avec un peu plus de 5 % de sa population constituée de Syriens enregistrés, Istanbul se situe cependant à peine au-dessus de la moyenne turque (4 %).

À l’échelle des arrondissements on note que 4 arrondissements – tous les quatre situés sur la rive européenne – comptent plus de 7 % de leur population totale constituée de Syriens : Zeytinburnu (8,63 %), Arnavutköy (7,55 %), Başakşehir (7,48 %) et Fatih(7,33 %). Deux de ces arrondissements sont d’anciens arrondissements : Fatih – dont les limites recouvrent désormais toute la péninsule historique– et Zeytinburnu, arrondissement connu pour sa tradition d’accueil des immigrés, des Balkaniques des années 1950 aux Afghans des années 1980. Fatih, en outre est réputé pour sa concentration d’associations et de fondations comme pour l’infrastructure dense de ses services divers aux migrants internationaux (notamment dans le secteur Aksaray-Horhor).

Les deux autres arrondissements sont des arrondissements périphériques très récemment institués (mai 2008), caractérisés, pour Başakşehir, par une offre immobilière abondante à l’adresse des classes moyennes turques ou étrangères et, pour Arnavutköy, à l’adresse de classes plus défavorisées. À Başakşehir se trouve le siège de plusieurs associations humanitaires ou caritatives (à fortes références religieuses), de création récente, dont la localisation et l’activité ont sans doute des effets cristallisateurs pour les Syriens ; à l’instar de İmkander2. Avec plus de 6 %, suivent des arrondissements comparables à Arnavutköy du point de vue de leur profil social, de leur jeunesse et de leur positionnement périphérique dans l’aire urbaine : Sultangazi sur la rive européenne, et Sultanbeyli, sur la rive anatolienne. Pour finir, on soulignera les valeurs très faibles des deux anciens arrondissements anatoliens, Kadıköy et Üsküdar, qui comptent chacun moins de 1 % de leur population formé par des Syriens.

  1. Pour un premier travail collectif réalisé avant la sommation, voir : http://books.openedition.org/ifeagd/1829 ; voir aussi « Vulnerability Assessment of Syrian Refugees in Istanbul », April 2016 : http://data.unhcr.org/syrianrefugees/download.php?id=13065
  2. Voir son site Internet : www.imkander.org.tr

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· 11/05/2017
Géographe Directeur de l’Institut Français d’Études Anatoliennes