Dans la chambre de torture des escadrons d’inquisition d’ Assad – Charlotte McDonald-Gibson

Article  •  Publié sur Souria Houria le 27 février 2012

Traduit de l’anglais par SouriaHouria

Charlotte McDonald-Gibson à Damas parle avec un activiste qui a survécu à 21 semaines d’interrogatoire mené par les forces de sécurité syriennes.

C’est juste un œuf qui a fait réaliser à Jolan, un activiste de 28 ans, qu’il allait survivre aux célèbres chambres de torture de Syrie. Il avait les yeux bandés et était enfermé dans ce qu’il décrit comme un cercueil de métal, et chaque matin ses tortionnaires poussaient un petit morceau de pain et un œuf dur à travers une étroite ouverture près de sa tête. Mais sa boîte étroite – si petite qu’il ne pouvait pas étendre ses jambes – était inclinée, et ses mains étaient liées, alors pendant cinq jours l’œuf a juste roulé au loin et tombé sur le sol à travers un trou au niveau de ses pieds.

Quelques jours plus tôt, Jolan était assis dans un parc de Damas par un matin ensoleillé, attendant un ami du mouvement de protestation en plein essor destiné à forcer Bashar al-Assad à quitter le pouvoir. Au lieu de cela, environ 30 agents de sécurité du régime l’ont cerné. Avant qu’il ne puisse même penser à s’enfuir, un coup de crosse à l’arrière de la tête l’a assommé.

Ligoté et contraint de se soulager là où il gisait, Jolan ne sais pas combien de temps il est resté là. Il ne savait pas comment il pourrait survivre. Mais il savait que d’une manière ou d’une autre il devait manger l’œuf. «Alors, le cinquième jour,» dit-il, «j’ai mis mon talon dans ce trou et j’ai empêché l’œuf de rouler à l’extérieur. J’ai réussi à remonter l’œuf tout au long de mon corps jusqu’à ma bouche. Il était sale, il y avait encore sa coquille, mais je l’ai mangé et, quand je l’ai fait, j’ai su que j’allais vivre. »

Jolan, qui a donné un pseudonyme parce qu’il reste actif dans le mouvement de protestation de Syrie, est l’un des milliers de prisonniers politiques dont les associations de défense des droits de l’Homme disent il a été jeté en prison par un régime déterminé à utiliser toutes ses forces pour écraser la plus grande menace pour son règne depuis que la famille Assad a pris le pouvoir il y a 41 ans.

Depuis un endroit tenu secret à Damas, Jolan a livré à l’Independent on Sunday un témoignage détaillé de la torture qu’il a subie pendant 21 semaines de détention. Bien que son compte-rendu complet soit impossible à corroborer de manière indépendante, Human Rights Watch, l’organisme de contrôle international, a confirmé que nombre des techniques de torture qu’il a décrites sont bien connues. Beaucoup de groupes syriens de défense des droits ont aussi attesté du séjour de Jolan en détention.

Le régime a nié les accusations de torture perpétrées dans ses prisons. Ses porte-parole affirment qu’ils combattent un soulèvement armé soutenu par des groupes islamistes. Mais Human Rights Watch a interviewé plus de 100 personnes détenues depuis que les manifestations ont commencé en mars de l’année dernière, et le groupe a recueilli des témoignages atroces de torture contre des enfants à peine âgés de 13 ans et de morts en détention.

Pour Jolan, ses sept jours passés dans la boîte de métal était la première de douzaines d’humiliations et de supplices. Ensuite, les yeux toujours bandés, il a été mis dans une pièce minuscule de seulement un mètre de hauteur, où il a été obligé de se tenir debout, plié en deux, pendant sept autres jours. Ensuite ses ravisseurs ont finalement commencé à l’interroger.

«Pendant huit heures par jour, ils m’ont tout demandé sur la coordination, sur les gens de la révolution. Ils voulaient savoir comment ils travaillaient, comment ils déplaçaient les blessés de place en place, » dit-il.

 

Jolan a refusé de parler, ce qui a rendu son supplice plus cruel encore. On lui a administrait 50 coups de fouet avec un câble métallique le matin et 50 le soir. Il a ensuite été soumis à ce Nadim Houry de Human Rights Watch décrit comme la méthode «dulab». Un pneu est placé de force sur le cou de la victime et sur ses jambes de manière à ce qu’il soit rabattu vers l’avant. Il est ensuite basculé sur le dos, immobile, et roué de coups. Un autre jour, raconte Jolan, il a été suspendu au plafond par un câble. A son 45e jour de détention, ils ont finalement retiré le bandeau de ses yeux. Mais Jolan n’était pas préparé au spectacle qui l’attendait. «Quand j’ai ouvert les yeux, je pouvais voir deux filles qui avaient été arrêtées dans des manifestations. C’était des filles religieuses – en général elles portaient le voile – mais elles étaient totalement nues : la seule chose qu’elles portaient c’était un bandeau sur les yeux, » dit-il. «A ce moment-là, j’ai commencé à pleurer. »

 

Avec cette image gravée dans son esprit, il a été ramené dans la salle d’interrogatoire et on lui a dit qu’à moins qu’il ne parle, sa mère et sa sœur seraient amenées là, déshabillées et torturées devant lui. Le rapport de l’ONU décrit des «tortures psychologique » similaires, « y compris des menaces d’ordre sexuel contre eux et leur famille ».

Mais Jolan refusait toujours de parler. Exaspérés, ses ravisseurs l’ont transféré dans la prison civile d’Adra à Damas, où il a été détenu dans un environnement dégoûtant et exigu. Durant les mois suivants, il a été appelé devant un tribunal pour répondre à une litanie d’accusations, dont celles d’attaquer la position de l’Etat, d’encourager les problèmes avec les minorités, de se rendre à une manifestation sans autorisation, et de mettre en place un hôpital de campagne sans licence. On lui a autorisé la présence d’un avocat, mais il affirmé que ses déclarations ont été ignorées par la cour. Jolan dit qu’il n’a été sauvé que par la pression de certaines organisations internationales de défense des droits de l’Homme. Finalement, vers la fin décembre, il a été libéré avec une amende de 1000 livres syriennes (£11).

Depuis, il a continué son travail, se déplaçant la nuit dans des maisons sûres pour collecter des provisions, essayant de réunir davantage de monde pour les manifestations hebdomadaires après la prière du vendredi. Il y a des signes physiques de son séjour derrière les barreaux – il est maigre, quatre dents de devant lui manquent à cause des coups. Il enchaîne les cigarettes nerveusement. Mais il est déterminé à continuer le combat. Il y a quinze jours, les autorités ont dit à son oncle que Jolan devait cesser son activisme ou faite face à «une balle dans la tête». Il a donc changé de numéros de téléphone mobile et est entré dans la clandestinité pendant 10 jours.

M. Houry déclare : « les chambres de torture de la Syrie appartiennent au Moyen-Age. Les forces de sécurité sont persuadées qu’en torturant les gens, y compris des enfants, ils vont rétablir le mur de la peur en Syrie. Mais ces bourreaux doivent savoir que leurs méthodes n’ont servi qu’à stimuler les manifestants et que ce n’est qu’une question de temps avant qu’ils doivent faire face à leurs responsabilités. »

Les Syriens fuient vers la Jordanie tandis que la violence s’intensifie

Les réfugiés syriens qui fuient vers la Jordanie ont décrit une escalade dramatique de la violence et une augmentation du nombre de morts et de blessés dans la ville de Deraa au sud et dans la région centrale meurtrie du pays. Les militants ont déclaré que 26 civils ont été tués vendredi, beaucoup d’entre eux dans la ville centrale de Homs.

Les combats à Homs, ajoutés à une nouvelle violence dans Deraa, ont déclenché une nouvelle vague de réfugiés blessés qui traversent la frontière jusqu’en Jordanie. Durant les deux derniers jours, 170 familles – environ 850 personnes – ont fui vers Ramtha, à sept miles de la frontière. La plupart étaient originaires de Deraa. A l’hôpital de Ramtha, des portes nouvellement installées protègent des chambres d’hôpital où des Syriens blessés sont soignés, gardés par la police de sécurité jordanienne.

La Syrie voit l’une des plus sanglantes répressions depuis que la vague de soulèvements arabes a commencé il y a plus d’un an. L’Organisation des Nations Unies indique que plus de 5.400 personnes ont été tuées l’an dernier, et le nombre de morts et de blessés continue de croître chaque jour. En outre, on estime à 25.000 le nombre de personnes qui ont cherché refuge dans les pays voisins et plus de 70.000 déplacés à l’intérieur.

David Cameron a déclaré que la Grande-Bretagne envoie des rations alimentaires pour 20.000 personnes et du matériel médical pour les personnes touchées par les combats dans Homs et ailleurs.

source: http://www.independent.co.uk/news/world/middle-east/inside-the-torture-chamber-of-assads-inquisition-squads-7180869.html