De la difficulté de mobiliser pour la Syrie – par Henrik Lindell

Article  •  Publié sur Souria Houria le 7 juin 2012

Sourd aux appels au dialogue, le régime de Bachar Al-Assad continue de réprimer toute opposition dans le sang, multipliant les massacres de civils. En Occident, les Etats restent impuissants, et cette guerre mobilise peu l’opinion publique.

Près d'un millier de personnes étaient présentes sur le parvis de l'Hôtel de Ville le 15 mars suite à l'appel à mobilisation en soutien au peuple Syrien © Medhi Fedouach / AFP

Près d’un millier de personnes étaient présentes sur le parvis de l’Hôtel de Ville le 15 mars suite à l’appel à mobilisation en soutien au peuple Syrien © Medhi Fedouach / AFP

Quinze mois après le début de la révolte syrienne, le régime autoritaire de Bachar al-Assad continue de martyriser une partie de la population. A défaut d’une solution politique, tout va de mal en pis. Au moins 10 000 personnes ont été tuées, selon l’ONU et Amnesty International, des secteurs entiers de l’économie sont hors jeu et des dizaines de milliers de déplacés cherchent à se réfugier au Liban ou ailleurs.

Pendant ce temps, la communauté internationale ne reste pas inactive. L’Union européenne et les Etats-Unis ont pris des mesures de rétorsion, dont par exemple le gel des avoirs à l’étranger des Al-Assad. Plusieurs Etats, dont la France, ont renvoyé les ambassadeurs syriens chez eux. Kofi Annan, émissaire des Nations-unies en Syrie, a lancé en mars dernier un plan de paix, obtenu notamment avec l’appui de la Russie, grande alliée du régime d’Al-Assad.

Mais rien n’y fait. Le cessez-le-feu proclamé en avril n’a jamais été respecté, ni par Damas, ni par les différentes milices de l’opposition, dont l’Armée syrienne libre. Le 25 mai, des troupes gouvernementales, avec l’appui des chabihas (milices privées de Bachar Al-Assad), ont tué 108 personnes, dont 49 enfants, dans la ville d’Houla. Un des pires massacres perpétrés jusqu’alors, tout à fait emblématique d’une situation qui vire à la catastrophe.

La communauté internationale a certes condamné toutes ces tueries. Toutes sorte d’instances morales, notamment les Eglises, catholique et protestantes, les ont également condamnées. Mais les ventes d’armes en direction de la Syrie continuent de facto, notamment via la Russie et l’Iran. Tandis que l’Arabie saoudite finance d’une façon évidente l’opposition armée. Le Conseil de sécurité des Nations-unies est divisé entre ceux qui pourraient envisager une action militaire (les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni) et ceux qui y sont opposés (la Russie et la Chine).

Dans ce contexte-là, il est frappant de constater que la situation en Syrie mobilise peu l’opinion publique en France. « Pourtant, chacun sait que la situation s’aggrave au jour le jour. On est maintenant proche de la guerre civile », estime Michel Fournier, responsable à Amnesty International France du département Moyen-Orient-Afrique-du-Nord. « A cela, il faut ajouter des signes évidents d’une contagion au Liban et donc le risque d’une extension internationale du conflit », poursuit cet observateur. Comme d’autres organisations de défense des droits de l’homme, Amnesty travaille avec des associations syriennes, comme par exemple Souria Houria (Syrie Liberté), et relayent leurs informations.

Elles cherchent à alerter des médias. « Mais il est très difficile de mobiliser l’opinion publique », confie Michel Fournier. Et de comparer la situation en Syrie avec celle de la Libye il y a un an : « C’était beaucoup plus facile. Le Conseil de sécurité avait alors autorisé des opérations militaires. En plus, le général Kadhafi était un personnage très connu et très craint. Mais en Syrie, les choses sont plus compliquées. Tout ce qu’on sait est qu’un régime est en train de martyriser les populations civiles en toute impunité. »

De fait, la situation politique est bloquée, aussi bien en Syrie qu’au niveau international. Ni le régime d’Al-Assad, ni la partie visible de l’opposition armée ne peuvent prétendre à une représentativité populaire. Et entre les deux camps, la majorité silencieuse n’a aucune possibilité de construire une alternative politique.

source: http://www.lavie.fr/actualite/monde/de-la-difficulte-de-mobiliser-pour-la-syrie-05-06-2012-28195_5.php