Sur « l’expérience de Saidnaya » et sur ses répercussions sur la révolution et sur la Syrie

Article  •  Publié sur Souria Houria le 17 février 2014

Une organisation islamiste et une première répétition pour aboutir à un conflit civil

Par Firas SAAD – Traduit par Léa Plee et Rafif Rifaï pour Souria Houria

26 décembre 2013

De sang froid et avec une indifférence sans précédent, les appareils de sécurité « assadistes » mettent en œuvre depuis l’an 2005, un plan pratique d’entraînement pour former des Islamistes Jihadistes, constituant ainsi une partie d’une expérience plus vaste d’un conflit civil potentiel, le lieu de ladite expérience étant la camp militaire de détention de Saidnaya sis au nord-ouest de Damas.

La prison a été progressivement remise aux détenus islamistes et ce, dès la première mutinerie du 27/3/2008, et par la suite, plus concrètement après la deuxième mutinerie du 5/7/2008 lorsque la séparation fut rétablie. Cependant, les détenus islamistes se déplaçaient d’étage en étage par les conduits d’aération, au moyen de cordes.

L’expérience de Saidnaya fournit une riche et vaste matière de recherche pour les sociologues et les psychologues, ainsi que pour les psychiatres et les spécialistes dans les mouvements islamiques, vu qu’elle constitue un laboratoire vivant pour les membres de ces mouvements et pour des civils formés pour faire partie de ces mouvements.

Le programme a été dressé pour masser des centaines de détenus islamistes, mais également des détenus innocents, jetés en prison en vue d’être islamisés, après avoir subi une pression morale et physique pendant des années durant.

Le camp de détention de Saidnaya ne constituait pas uniquement un lieu pour mettre à exécution le programme d’entraînement susvisé, et dont la direction dépasserait les capacités des forces de sécurité syriennes ; mais il constituait également un lieu, pour organiser des mouvements islamistes virulents apparus dans le courant de la dernière révolution et guerre syrienne, le mouvement le plus important étant dirigé par Zahran Allouch, chef de « l’armée de l’Islam »,

Hassan Abboud alias Abou Abed Al-Hamoui, chef du « mouvement Ahrar al-Cham » (les libres de Cham), Ahmad Issa al-Cheikh alias Abou-Issa, chef de « Souqour al-Cham » (Les aigles d’al-Cham), et enfin, le plus dangereux parmi eux, Nadim Ballouch dont le rôle est apparu dans le nord de Lattaquiyé, lors de l’enlèvement et la liquidation d’un officier de l’armée libre en Turquie qui fut par la suite tué, et lors de l’assassinat d’Abou Bacir al-Ladquani ; et enfin, dans l’intrigue qui consistait à accuser l’opposition d’avoir commis des attaques chimiques (en effet et en collaboration avec les services de renseignement russes, le régime avait essayé de propager des informations graves aux termes desquelles ceux qui ont fait usage de gaz chimique dans l’attaque d’al-Ghoutta, font partie de la brigade « Arrih Assarsar » dont le chef est Nadim al-Ballouch ; à cet effet, le régime a diffusé des vidéos montées, sur « yu tube », afin d’essayer de prouver cela). Par ailleurs, la prison de Saidnaya constituait un lieu pour expérimenter un conflit civil réduit, qui accompagnera ou précèdera la déclaration de la constitution d’un Etat islamique au sein de la prison, déclaration qui sera une première dans l’histoire moderne de la Syrie.

Suite à l’assassinat de Rafik al-Hariri en 2005 et accusé de ce meurtre, le régime syrien devait effectuer une opération adéquate, afin d’échapper à une condamnation. A cet effet, il s’est repositionné face à deux sujets fondamentaux dans la région : la guerre contre le terrorisme, et la question du Liban. Il se retira donc rapidement du Liban suite à un ordre américain clair et ferme, donné à Bachar al-Assad. Pour ce qui concerne la guerre contre le terrorisme, un officier d’Assad s’engagea auprès des Américains, d’arrêter les éléments d’al-Qaïda, Syriens soient-ils ou non Syriens, qui étaient de retour en Syrie, ou bien ceux qui quittaient La Syrie via la frontière avec l’Irak. Le régime « assadiste » réussit à résoudre deux problèmes qui semblaient contradictoires mais qui en réalité, étaient complémentaires, à savoir : la « fabrication » de terroristes d’une part, et la traque de ces derniers d’autre part et ce, en fonction des exigences territoriales et internationales dictées par la guerre froide.

Par voie de conséquence, les appareils de sécurité écrouèrent et jetèrent des centaines de jeunes et d’enfants innocents, dans les bâtisses des sections de sécurité, sans une accusation particulière ou bien, pour des accusations futiles ; de plus, ils leur inspiraient, ainsi qu’à la société dans laquelle ils avaient été arrêtés, qu’ils sont des terroristes et des islamistes dangereux.

Par ailleurs, ces opérations d’arrestations houleuses firent accroire aux Américains que le régime « assadiste » tenait son engagement pour combattre le terrorisme.

Par ailleurs et bien que les opérations précitées laissaient apparaitre l’obéissance du régime aux Américains dans la lutte contre le terrorisme, ce régime – avec la connaissance des Américains ou hors de leur connaissance – procédait à la préparation de nouvelles vagues de terroristes en vue de les utiliser plus tard dans des lieux et à des dates que lui seul fixait, chose qui parut opportune avec le début de la révolution syrienne, lorsqu’il procéda à la libération de près de mille islamistes de Saidnaya et des sections de sécurité en Syrie, et parmi lesquels certains n’avaient même pas encore purgé toute leur peine.

« Le programme de Saidnaya » ou « l’expérience de Saidnaya » s’il pourrait être appelé ainsi, comprend dans sa partie fondamentale, une expérience pour un conflit civil au sein même des organisations islamiques, un conflit moral, politique et pratique, et un conflit de négociations, qui comprend des vraies élections démocratiques qui se réalisent probablement pour la première fois dans l’histoire moderne de la Syrie et en dehors de l’autorité du régime ; ainsi qu’un conflit de négociations et politique avec le régime, ou plus exactement avec les appareils de sécurité (ceci est ce qui apparaît dans les négociations qui s’étaient tenues pour préparer la sortie de Saidnaya, entre le comité composé de neuf chefs islamistes et un comité représentant le régime ; ces négociations durèrent deux jours et se terminèrent par l’annonce de la sortie de Saidnaya).

Le conflit civil au sein de la prison de Saidnaya s’était produit entre l’ensemble des éléments islamistes de différentes conceptions, de différentes voies et de différentes trajectoires, à partir des salafistes dans leurs trois ordres (prédicateurs, jihadistes, takfiri [jetant l’anathème]), jusqu’au « parti islamique de libération » avec les Kurdes et ceux qui étaient restés parmi les « frères musulmans » ; de plus, il comprend essentiellement des éléments d’al-Qaïda (près de 300 éléments), ainsi que des Palestiniens islamistes et des organisations islamiques violentes constitués de petits nombres de combattants (Jound al-Cham et Fath al-Islam).

Au tout début, les groupes et les organisations précités, réussirent à cohabiter en paix, bien que les différentes sortes de fractures et de luttes morales aient été établies et dissimulées entre eux.

La situation évolua après la deuxième et célèbre mutinerie (5 juillet 2008) et peu avant la troisième mutinerie (6 décembre 2008 ;

les formes du conflit moral s’étaient trouvées modifiées, les liens s’étaient publiquement rompus, et les accusations mutuelles d’apostasie s’étaient échangées.

La deuxième partie du programme de Saidnaya porta sur l’expérimentation, pour annoncer un état islamique et pour fonder un gouvernement islamique qui comprendra des néo officiers responsables de la défense et de la sécurité, des ministres pour la santé la subsistance et l’approvisionnement, ainsi qu’un tribunal islamique au sein de la prison. Tout se passa ainsi, lors de la troisième mutinerie et sous le nom de « l’Etat islamique de Saidnaya » que les chefs radicaux à Saidnaya avaient déclaré. Cet Etat constituait pour la grande partie des chefs précités, le coup de départ pour déclarer l’instauration d’un Etat islamique en Syrie et les pays du cham, tel que cela apparut sur les slogans écrits sur les murs du grand camp ; ainsi, la prison devenait quasiment un champ de bataille creusé de tranchées. Les fenêtres furent bouchées par des sacs de sable de peur que les francs-tireurs du régime (qui, le premier jour de la troisième mutinerie, avait tué 4 ou 5 détenus), et certaines ailes étaient devenues, suite à la deuxième mutinerie, des terrains d’entraînement sportifs et militaires, et les complets militaires à pois firent leur apparence ainsi que les tenues islamiques, les sabres et des poignards et des cours de sciences dont certains comprenaient également des cercles pour définir les différentes formes de l’apostasie.

 

La mise à exécution du programme

Les appareils de sécurité du régime adoptaient des mesures grâce auxquelles ils garantissaient la transformation de civils innocents en des islamistes radicaux ; et souvent ces derniers portaient une conception takfiri (d’excommunication); ainsi, ils se transformaient en terroristes. Ce processus s’accomplissait lentement pendant une durée de deux ou trois ans, certes, mais efficacement.

Le programme commençait par l’arrestation d’enfants et de petits jeunes, pour des accusations frôlant le ridicule à savoir : le port d’une cassette audio de tel cheikh islamiste, ou bien un ouvrage de paroles rapportées au prophète, objets facilement trouvés partout sur les marchés principaux de Damas, notamment dans le quartier de Halbouni, ou dans le quartier Bahsa dans le centre ville de la capitale et dans la plupart des librairies à Damas, le régime ayant pris pleine connaissance de ces objets (à une question posée à un officier sur la raison de tels agissements de la part du régime, ce dernier répondit qu’il s’agissait d’un piège tendu aux jeunes). Certains parmi ces derniers étaient même arrêtés dans des dansing, pour par la suite, être accusés de salafistes ou de jihadistes, bien qu’une grande partie parmi eux n’accomplissaient même pas leurs prières. Un parmi ces derniers qui n’avait même pas touché le Coran de sa vie et ne savait même pas lire, s’était retrouvé en prison, pour le chef d’être un « émir » (un chef à la fois spirituel et guerrier) islamique, (il se serait tué en prison, lors de la troisième mutinerie).

En tout état de cause, certaines personnes avaient été liquidées parmi celles que le régime avait utilisé, pour accomplir des actes dangereux et précis. Tel fut le cas d’une ou de deux personnes qui étaient convoquées de la prison de Sidnaya pour rencontrer le comité d’enquête internationale dans l’affaire de l’assassinat d’al-Hariri, la rencontre avait été réalisée dans un hôtel à Damas. Ces personnes furent par la suite, assassinées.

La direction de la prison avait mis des enfants originaires de Arbine et de Jobar, et dont les âges ne dépassaient pas quinze ans, dans une cellule qui comprenanit des islamistes endurcis à l’instar de Haïdar Azzammar assistant de Ben Laden en Tchétchénie, Abou Hadhifa le Jordanien condamné à la peine capitale en Jordanie pour des actes terroristes, Ibrahim Azzaher « émir » d’Al-Anbar dans l’organisation al-Qaïda en Irak, et Ibrahim Acchaafati, coordonateur de l’organisation al-Qaïda en Irak.

Il avait été procédé à un mélange de civils avec des éléments d’al-Qaïda qui rentraient de l’Irak où ils avaient combattu, pour se faire soigner en Syrie ou pour se reposer entre deux tours de combats, ou bien encore qui rentraient dans leurs domiciles et retrouver leur famille, de plus ; et avec une minorité de « restes » de Frères musulmans, un certain nombre de salafistes jihadistes et les éléments de « Jound al-Cham » (les soldats de Cham), ceux de « Fath al-Islam », et la totalité des membres du « parti de libération islamique ».

 

Entamer l’opération de la préparation

1)    La préparation débutait de la part des sections de sécurité, par l’exercice d’une pression morale et corporelle sur les détenus. A cet effet, le geôlier portait volontairement atteinte à l’honneur et à la dignité ; il insultait Dieu, l’Islam et le messager ; enfin, il affamait ses prisonniers et les assoiffait ; il interdisait le moindre mouvement et la moindre voix, et ne tolérait pas les conversations de groupe qui dépasserait deux personnes. Enfin, il fallait que les détenus dorment comme le sabre (cela signifie se coucher sur le côté et allongé à côté des autres prisonniers, en raison de la surface réduite de la pièce) ; de surcroît, les humiliations pleuvaient en permanence et la torture était pratiquée lors des interrogatoires. Bien évidemment, toute communication avec le monde extérieur était interdite et le sentiment confessionnel était provoqué vue que le geôlier devait nécessairement être alaouite ou druze dans la majorité des cas, d’autant qu’il était reconnu de par son accent villageois qu’il révélait volontairement ; et il était de coutume que tous les autres geôliers imitaient cet accent (alaouite) afin da faire accroire aux prisonniers qu’ils étaient également alaouites ; en conséquence, la pression demandée était atteinte (elle se manifestait par la sensation d’être le meilleur, par la ségrégation et par la persécution confessionnelle)

2)    Les détenus accusés d’islamistes étaient transférés jusqu’au camp de détention de Saidnaya ; plus tard, ils étaient regroupés avec des islamistes ordinaires, ou combattants, de provenance de l’Irak. Là, une opération de réaction s’opérait : ils ressentaient mutuellement qu’ils partageaient le sentiment d’une injustice ; ensuite, il était procédé à l’agrandissement, à l’approfondissement et à l’explication du sentiment de persécution confessionnelle, d’injustice du « régime alaouite » et ce, par le fait que d’une part, les geôliers étaient alaouites, et d’autre part, les accusations d’islamisme qui pesaient sur les détenus. Par la suite et d’une manière spontanée, une fois que l’unité des conditions devenait équivalente dans les deux camps, les nouveaux arrivants suivaient les rituels de la prière et du jeun face à un sentiment de supériorité encré dans l’esprit des islamistes ; ces derniers étaient des anciens détenus ou bien des combattants ayant combattu en Irak ou en Afghanistan, ou bien, ils était reconnus par leur appel à la prière et le respect des autres rituels religieux avec d’autres slogans religieux tels que le jeun le lundi et le jeudi, les règles générales de l’islam dans la nourriture, la tenue, les règles de la prière et la lecture par coeur du Coran…

3)    Les réactions de ces détenus s’exprimèrent de deux manières ou positionnements: Le  premier positionnement fut de s’engager dans la prière individuelle, mais non pas dans  la collective, car elle était interdite à Saidnaya du temps de Ali Kheir Beik, et dans la lecture du Coran, car il n ‘y avait pas d’autres livres dans la prison. En effet, après la première mutinerie, les Islamistes interdirent tous les livres dans leurs quartiers, excepté le Coran et les livres du Hadith ( prêches du prophète), (durant la période précédant la première mutinerie on trouvait encore quelques rares livres interdits); mais, par la suite, les Islamistes brûlèrent la grande bibliothèque de la prison, après la deuxième mutinerie, et, durant la troisième, utilisant les livres comme moyen de combustion pour le chauffage et la cuisson. Les nouveaux détenus gardaient une distance entre eux et les Islamistes; cela pouvait durer deux ans voire plus, jusqu’à la date du jugement. La distance observée s’effaçait alors, selon la nature du jugement. L’accusation d’appartenance islamique les rapprochait du groupe, ou alors, les en éloignait, lorsqu’ils en étaient innocentés.

Le deuxième positionnement fut pour ces nouveaux détenus, pour la plupart des enfants, jeunes hommes ou d’autres individus crédules, sans véritable expérience de vie, de se laisser attirer par les Islamistes sans vraiment mesurer les dangers de cette captation. Je crois en effet, que toute personne se laissant entraîner par les Islamistes était par la suite, accusée d’inculpation islamique, les services de renseignements s’assurant ainsi de ses penchants islamiques et s’assurant qu’il était possible de l’embrigader par la suite dans ces mouvances là. En effet, nombre de ceux- là furent “cernés” durant les cours de religion, grâce aux “rapports” des indicateurs de la prison. L’objectif de ces “délations” étant de faire empirer leur peine, ou de les mettre devant le fait accompli et par conséquent, de les encourager à s’enrôler davantage dans cette mouvance, secrètement désirée. Ceux là, alors, finissaient par déclarer leur engagement avec les Islamistes, les services secrets les ayant dénoncés, et le jugement d’accusation émis, ils se retrouvaient obligés de payer pour leur choix puisqu’ils n’avaient plus rien à perdre. Certains de ces enfants naïfs, après avoir subis un lavage de cerveau par les émirs ou combattants d’Al Qaïda, endossaient les ceintures d’explosif au su et au vu de tout le monde, dans les quartiers de détention islamiques, et cela surtout après la deuxième mutinerie, où tout était devenu loisible et visible.

4)    Les préparatifs dans la prison de Saidnaya: Ces événements se déroulaient en même temps que perduraient les pressions vitales et psychologiques. La nourriture était de mauvaise qualité même si elle était quand même meilleure que dans les sections sécuritaires. Les cercles furent interdits, les jugements ajournés, l’électricité et l’eau étaient coupées, l’interdiction d’élever la voix, la pression exercée sur les indicateurs et les chefs de cellules nommés officiellement par Ali Kheir Beik. Ce dernier, comme son prédécesseur, le directeur de la prison Louay Youssef, pratiquait la politique de la sédition entre les détenus, qualifiant les civils non islamistes d’être des mécréants et des vicieux, et disant aux civils qu’ils seront tués par les Islamiques parce qu’ils les considéraient comme renégats.

5)    La première mutinerie est survenue clairement sous l’effet des pressions exercées par Ali Kheir Beik, qui, coupant l’électricité et l’eau en priva l’un des quartiers durant plusieurs jours. Et lorsque les détenus tentèrent de subtiliser l’électricité, le directeur adjoint de la prison (Adib), entra dans ce quartier islamique et blasphéma en injuriant Dieu, ce qui poussa les détenus à marteler sur les portes. L’affaire se termina ainsi, mais lorsque le directeur de la prison Ali Kheir Beik décida de punir ce quartier la et les insulta ceci conduisit au premier soulèvement dans la prison de Saidnaya.

6)    A la prononciation du verdict contre ces civils innocents par des jugements alternant entre appartenance à des Islamistes de type Salafistes missonnaires, Salafistes djihadistes, salafistes takfiristes ( il s’agit de ceux qui accusent d’apostat tout musulman ne se conformant pas à leurs strictes règles), El Qaïda ou Frères musulmans, leur comportement envers les Islamistes se modifiait, et la dernière barrière les séparant des anciens Islamistes, des Émirs et des combattants tombait. L’espoir qu’ils conservaient d’obtenir un non lieu et d’être innocenté et libéré s’évaporant; ils se disaient alors:” Puisque le régime veut que nous devenions salafistes eh bien nous le serons, nous n’avons plus rien à perdre à présent.” Et chacun prenait acte de l’accusation qui lui était portée. C’est là que commençait le travail des Islamistes, qui entreprenaient d’exercer leur endoctrinement, suspendu jusqu’alors par l’attente du verdict.  Leur enseignement religieux commençait de manière déclarée ou semi secrète, et les cours de “maîtrise du raisonnement” démarraient.

7)     En résumé et conclusion, on pourrait supposer, la théorie suivante : il est possible que la pression et l’éclatement des émeutes aient été provoqués par le fait que la préparation idéologique islamique des dernières fournées de détenus ait été accomplie. Ou le contraire, qu’il n’ait pas été possible de convaincre et d’orienter les derniers groupes de détenus vers une croyance islamique extrémiste. Le régime aurait  alors opté pour une explosion d’émeutes qui aurait soumis ces groupes à davantage de pression, et les auraient poussé sous l’effet des balles, de la mort, de affrontements avec la police, à adopter, la démarche d’un islamisme violent. Tandis que,  pour ceux dont la préparation idéologique et l’endoctrinement était accomplis, les émeutes étaient une manière de s’entraîner, de manière réelle, pour le djihad et le combat, avec des moyens primitifs pour affronter le régime, et, en prémices de la libération et de l’heure venue pour le véritable djihad. Nous indiquons ici, qu’un certain nombre d’émirs et de chefs islamistes importants ont été extraits de la prison de Sednaya par les services de renseignement militaire( moukhabarat aaskariya), Jusqu’à cette heure leur sort demeure inconnu. Il s’agit des Jordaniens, Ibrahim Al Thaher (l’émir des Anbar d’Al Qaïda en Irak), Sami Abduldaem (accusé d’appartenance à al Qaïda) , du Palestinien Ibrahim El Shaafati d’ Al Qaïda en Irak), et de trois Syriens Fouad Elnaal, (Al Qaïda), Mohamad Keilani ( Salafiste) et Hassan Soufane (Salafiste).

 

La fin de la Révolution sera- t-elle de la même nature que la fin de la prison de Sednaya?

Les actes se définissent par leurs aboutissements: nous croyions pendant des mois que le régime tomberait en commençant par la chute de la prison. Je me souviens de nos rêves éveillés, sans parler de nos conversations journalières qui tournaient autour de la sortie de la prison, la prise des centres importants du régime dans la capitale, ces pensées dominaient les esprits de nombre de détenus.

Mais, il faut dire que, la fin de l’expérience de Saidnaya eut le pire dénouement. Après la privation, la faim, le froid, la maladie, l’humiliation, et la torture dans les cellules individuelles, après le chaos, les tueries à l’intérieur de la prison entre les quartiers extrémistes, et les plus modérés, qui refusaient de sortir de la prison et interdisaient à quiconque de sortir considérant que sortir signifiait la défaite pour eux et la victoire du régime, ou par peur des représailles pour s’être impliquées dans le meurtre d’éléments du régime ou de détenus accusés de collaborer avec les renseignements, et après la mort de 170 personnes entre détenus, policiers, officiers, et personnel du maintien de l’ordre, et après l’état islamique de Saidnaya, du gouvernement islamique de Saidnaya  avec sa sécurité, sa surveillance pratiquée sur les prisonniers surtout sur ceux qui n’étaient pas Islamistes[1] , après les élections à l’intérieur de la prison, et les pourparlers entre le comité et le régime, après tout cela ce fut la sortie de la prison. C’était la demande de 90 pour cent des détenus, nous sommes sortis, dénudés de tout sauf des vêtements que nous portions. Et ce fut le transfert à la prison d’Adra, et l’achèvement de ce qui restait des islamistes prisonniers après une bataille “cartoonnesque” avec des tuyaux, des dagues, face aux mitrailleuses du régime, de ses mines explosives, et de ses tanks. Et ce fut aussi la sortie d’un nombre important après un accord conclu avec les services de sécurité, dont le plus réputé fut Nadim Ballouch ( alors que c’était un personnage qui accusait d’apostat quiconque voulait sortir de Saidnaya!) qui, lui, était sorti en accord avec Assef Chaoukat, et selon les dires, en prévision du moment où ils auraient besoin de lui, et c’est ce qui advint plus tard.

En fin de compte, la mutinerie de Saidnaya fut un avantage pour le régime. Car les prisonniers, revenus de la prison d’Adra, recommencèrent leur parcours de prison depuis le début, comme s’ils entraient dans cette prison pour la première fois, avec des années à passer avant d’obtenir les avancées qu’ils avaient déjà obtenues, et qui allaient de soi avant la deuxième mutinerie. Ce fut du côté des détenus, la perte totale d’une partie de ces libertés conquises et dont le prix avait été payé par des fournées entières de détenus politiques, d’Islamistes et de prisonniers de droit commun. Beaucoup y laissèrent leur vie, et si les commandants islamiques avaient écouté nos propositions et s’en étaient convaincus ( sur la grève pacifique et la grève de la faim, et toutes autres  formes de résistance pacifique) peut être que le résultat aurait été meilleur.

Tout ce que l’on espère c’est que la révolution syrienne et la guerre à l’intérieur de la révolution, n’aboutissent pas à une fin semblable “à l’expérimentation de Saidnaya”. Il est certain, que le régime est en train d’appliquer les leçons de ce qu’il a expérimenté à Saidnaya , dans sa guerre contre les Islamistes qu’il a libéré pour qu’ils dévorent la révolution en premier, et pour que lui par la suite, ait les mains libres, pour les dévorer à son tour. Achevant ainsi et la révolution, et leur présence. C’est là une stratégie que j’avais dénommé dans un article en 2001 par la stratégie“ du  cochon du maïs”. C’est la tactique que les États Unis ont utilisé en Afghanistan, envoyer les Islamistes se battre contre les soviétiques et les laisser créer un état islamique; ensuite mener la guerre contre eux, après qu’ils aient semé la désolation en Afghanistan et ramené le pays à l’âge de pierre. L’Amérique et ses alliés, se sont ensuite avancés pour endiguer leur présence, et les Etats Unis apparurent alors, comme les libérateurs de l’Afghanistan.

Il semblerait aujourd’hui, que le régime d’Assad, avec toute son armée, ses appareils de sécurité, politiques et médiatiques apparaisse comme un prisonnier aux mains des agendas internationaux, qui le soumettraient à l’expérimentation de Saidnaya, et le transformeraient ainsi, en une souris de laboratoire, mais un laboratoire bien plus vaste, plus complexe et plus dangereux que Saidnaya.  Quelque chose que nous pourrions nommer malheureusement “l’expérimentation syrienne”.

Nous espérons que cette expérimentation ne se termine pas avec le réoccupation du pouvoir par le régime syrien avec l’approbation arabe et internationale, et le recul du pays vers le moyen âge, avec l’asservissement de son peuple à nouveau dans un état d’esclavage telle qu’il fut durant l’époque noire.

 

                                             Par Firas Saad,  écrivain syrien et  ancien détenu à Saidnaya

                                            article paru dans la revue Al Joumhouria le 26 décembre 2013

 

Note de l’auteur:

  1. Il s’agit des commandants des trois plus grandes formations militaires de l’opposition  dans toute la Syrie. La formation de “ Aigles de Cham” fut annoncée le 25 octobre 2011, “liwaa al Islam” se constitua  en mars 2012, et  la formation de la “Division des hommes libres de la Syrie” commença le 25 juillet 2012, alors que leur quatrième ami El Jolani est rentré  de son exil en Irak à la même période pour créer “Le Front d’AL Nusra”. Voir “l’histoire de amis de Saidnanya” dans Al Joumhouria, n° du 16/10/2013.

Notes des traducteurs:

La prison de Saidnaya se situe à trente kilomètre de Damas dans le village du même nom qui abrite un monastère important lieu de pèlerinage pour la communauté chrétienne.

Assef Chaoukat, beau frère de Bachar El Assad, nommé général et vice- ministre de la défense après avoir été, chef des renseignements militaires, le service de sécurité le plus redoutable en Syrie ( poste qu’il occupait au moment de la mutinerie de la prison de Saidnaya). Il fut tué lors de l’attentat contre la cellule de crise dans le siège de la sécurité nationale, le 12 juillet 2012. Assef Chaoukat peut être considéré comme un des co- dirigeant du régime.


Version Arabe : 
http://souriahouria.com/عن-اختبار-صيدنايا-وتداعياته-على-الث/

Source : http://therepublicgs.net/2013/12/26/عن-اختبار-صيدنايا-وتداعياته-على-الث/