Des sanctions qui ne servent à rien – Par Issa Goraieb 

Article  •  Publié sur Souria Houria le 25 avril 2012

Les mesures prises par les Etats-Unis et l’Union européenne à l’encontre de Damas ne parviendront pas à faire tomber le régime syrien, regrette avec amertume un éditorialiste libanais.

Dessin de Bleibel, Liban.

Dessin de Bleibel, Liban.

l y a cinq ans, le dictateur de Corée du Nord était privé de caviar, de truffes et de vins fins d’importation par la grâce des sanctions européennes. Inutile de préciser qu’il a survécu sans trop de mal à cette cruelle épreuve, de même que son odieux régime, actuellement incarné par son rejeton, troisième de la dynastie Kim. C’est à nouveau l’exportation de produits de luxe, cette fois vers la Syrie, qu’interdisait jeudi 19 avril l’Union européenne, visant de toute évidence le couple présidentiel, dont le train de vie, récemment dévoilé par des fuites dans son courrier électronique, en a choqué plus d’un.

Là aussi, il est bien peu probable que la pénurie de sacs Vuitton, de robes Dior et de montres Cartier, facilement contournable au demeurant, ait quelque heureux effet sur le déroulement de la crise syrienne. Dans les palais présidentiels, on ne se résignera pas à manger des biscuits faute de pain. Mais en réalité, c’est l’impact symbolique de cette mesure qui compte, veut-on croire à Bruxelles, la baisse de prestige qui en résulte pour le président et ses proches. Allez savoir…

L’administration américaine met treize mois pour se réveiller

Non moins déconcertante est la décision annoncée le même jour par Barack Obama, qui a autorisé le principe – et seulement le principe, jusqu’à nouvel ordre – de sanctions contre les fournisseurs de systèmes électroniques susceptibles de faciliter les violations des droits de l’homme, tant en Iran qu’en Syrie. L’Amérique, comme on sait, est la patrie des gadgets et tout un chacun peut y trouver, en vente libre le plus souvent, ces petites merveilles technologiques qui feraient le bonheur de tout espion amateur. Considérablement plus sophistiqués et coûteux cependant sont les systèmes permettant aux gouvernements de surveiller les échanges téléphoniques, les SMS et le courrier électronique : autrement dit de jouer à leur tour les hackers. Ce qui surprend, dès lors, c’est qu’il aura fallu treize mois de révolution et plus de 11 000 morts pour que l’administration américaine se soucie soudain des fournitures à Damas de matériel high-tech américain menaçant gravement ce qui est l’atout premier de la révolution syrienne : la mobilisation des manifestants et l’identité secrète des animateurs.

Et puisque l’on est en pleine extravagance, que dire de la mission confiée à ces observateurs de l’ONU que l’on envoie désarmés, et en nombre ridiculement restreint, dans une Syrie où chaque ville est le théâtre d’une effroyable répression à l’artillerie lourde faisant des dizaines de morts tous les jours ? Ce ne sont pas 300 observateurs en effet, mais dix fois, vingt fois plus qu’il eût fallu pour en faire des témoins crédibles, pour contraindre le régime Assad à honorer ses engagements à faire taire le canon, à retirer ses troupes des centres urbains, à libérer les milliers de détenus politiques, sous peine de le dénoncer auprès des mêmes Nations unies qui ont jeté ces observateurs dans le chaudron syrien.

Dans de telles conditions, attendre des miracles du plan de sortie de crise de Kofi Annan paraît relever de l’angélisme.

Source: http://www.courrierinternational.com/article/2012/04/25/des-sanctions-qui-ne-servent-a-rien