En Syrie, Homs au bord de la guerre civile – par Georges Malbrunot

Article  •  Publié sur Souria Houria le 9 novembre 2011

L’armée fait le siège de cette ville, où les heurts confessionnels se multiplient.

Pour le cinquième jour consécutif, Homs était encerclée mardi par les forces de sécurité, qui cherchent à venir à bout de la révolte de nombreux habitants de cette ville mosaïque, théâtre d’affrontements confessionnels, parfois meurtriers.

Une fois encore, c’est le quartier résidentiel de Bab Amro qui a le plus souffert. «Les soldats sont entrés dans les maisons pour arrêter des personnes recherchées», précise l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), une ONG proche de l’opposition au régime de Bachar el-Assad. Un civil a été tué lors des perquisitions, tandis que dans un autre quartier, une fillette est morte dans l’explosion d’une roquette qui a touché sa maison.

Le pilonnage de Bab Amro a commencé en fin de semaine dernière. Puis la nuit de dimanche à lundi, les redoutés chabiha, ces miliciens à la solde du pouvoir, ont lancé leur assaut contre ce quartier où de nombreux déserteurs ont trouvé refuge avec leurs armes. Tous ses habitants n’ont pas eu le temps de fuir. Plusieurs dizaines de civils ont été tués et de très nombreux autres blessés, en cinq jours de violences.

Les premiers enlèvements

«Des corps jonchent le sol», affirmait mardi un responsable du Conseil national syrien (CNS), principale formation de l’opposition, qui a déclaré Homs «ville sinistrée», et réclamé «l’envoi immédiat d’observateurs arabes et internationaux» dans ce bastion du soulèvement.

Mais à Homs, plus que dans les autres villes jusque-là soumises par la force, la guerre civile rode. Sa majorité sunnite n’a jamais vraiment accepté l’arrivée massive d’alaouites qui, depuis les années 1960, ont souvent trusté les postes dans l’administration et les entreprises publiques. En septembre, les premiers meurtres confessionnels sont apparus, régulièrement suivis de vengeance. À l’assassinat de 10 ouvriers sunnites dans une usine a répondu le massacre de 11 alaouites.

Dans les écoles, les enfants alaouites sont désormais séparés des sunnites, et plus grave encore, les enlèvements ont commencé. «Ma nièce a été kidnappée par des chabiha, il y a trois semaines», affirme au Figaro Bouran Ghalioun, le président du CNS, qui est originaire de Homs. En représailles, des insurgés sunnites ont enlevé plusieurs filles alaouites, ce qui a permis un échange de prisonnières.

À Homs, la révolte a également perdu le caractère pacifique de ses débuts. «Le régime a armé les alaouites en leur disant : «vous êtes avec nous, sinon vous aurez des problèmes»», ajoute Ghalioun, qui prétend que «le pouvoir a exercé un chantage à la guerre civile, et il a en partie gagné, car les alaouites ont peur».

Sur le conseil de ses alliés russes, ­Bachar el-Assad avait reporté, ces dernières semaines, l’assaut contre Homs. Mais sur le terrain ses hommes se tenaient prêts, comme le confiait il y a dix jours un officier à son cousin résidant en France : «Le président nous demande de nous limiter à des opérations chirurgicales, il ne veut pas de tirs de chars. On fait face à des rebelles très mobiles, mais si on reçoit l’ordre d’écraser la révolte, on pourra le faire en quelques jours», indiquait alors ce militaire.

Qu’est-ce qui a poussé Assad à changer d’avis ? La récente initiative de la Ligue arabe, répondent certains opposants. Le régime, selon eux, tiendrait à «nettoyer» Homs, avant de retirer ses forces de la ville, comme il s’y est engagé auprès de la Ligue. Déjà certains habitants de Homs ont remarqué que les shabiha ont revêtu une tenue de policier, une ruse pour maquiller un pseudo­retrait militaire. Car le régime, lui aussi, n’a rien à gagner d’une dérive vers la guerre civile, dont ses soutiens alaouites seraient alors les principales victimes. «Il lui faut montrer que les siens ne se feront pas massacrer, après un retrait des forces de sécurité», explique un expert libanais.

source : http://www.lefigaro.fr/international/2011/11/08/01003-20111108ARTFIG00640-en-syrie-homs-au-bord-de-la-guerre-civile.php