En Syrie, l’opposition reste morcelée Par LEXPRESS.fr

Article  •  Publié sur Souria Houria le 25 novembre 2011

Le Conseil national syrien est un interlocuteur « légitime » et « crédible » pour Paris et Washington. Mais l’opposition syrienne ne se résume pas à cette seule formation. Passage en revue.

Le Conseil national syrien (CNS), regroupant la majorité des courants de l’opposition en Syrie, est « l’interlocuteur légitime », a déclaré mercredi le ministre des Affaires étrangères Alain Juppé, sans toutefois aller encore jusqu’à une reconnaissance formelle. Qui sont les différents mouvements qui représentent l’opposition?

Le Conseil national syrien

Formé à Istanbul, le 2 octobre, le « Conseil national syrien », est une coalition des plus importants partis de l’opposition qui inclut des islamistes, notamment des membres des Frères musulmans, interdits en Syrie, des libéraux, des nationalistes, ainsi que des partis kurdes et assyriens. L’appel, le 21 septembre, de l’opposition sur le terrain, fédérée au sein des Comités locaux pour la coordination (LCC), à rejoindre le Conseil national syrien a lui a permis de franchir un pas important.

Composé de 230 membres, dont près d’une centaine vivent en Syrie, le CNS a annoncé, le 20 novembre, un projet de programme politique avec pour objectifs la chute du régime syrien et la tenue d’élections pour former une assemblée constituante à l’issue d’une période transitoire d’un an. Le Conseil est doté d’un secrétariat général de 29 personnes, représentant sept factions de l’opposition: six représentants des LCC, cinq pour les Frères musulmans et les tribus, quatre pour la Déclaration de Damas, quatre pour le courant « libéral » mené par Burhane Ghalioune, quatre Kurdes, un chrétien et cinq indépendants.

Le CNS a été adoubé par Washington et par Paris qui le privilégient comme interlocuteur dans l’opposition. Les Etats-Unis voient en cette organisation « un interlocuteur crédible », a déclaré à Washington Mark Toner, un porte-parole du département d’Etat, en évitant de reprendre à son compte le terme de « légitime ». « Nous pensons que le Conseil national syrien est une force dirigeante, mais il est l’un parmi plusieurs groupes », a-t-il expliqué.

Le président du CNS, Burhane Ghalioune, 66 ans est un universitaire basé à Paris et opposant de longue date. Il avait auparavant été désigné à la tête d’une autre structure de l’opposition, le Conseil national de transition syrien, qui comptait des opposants islamistes et des nationalistes.

Sur la question de l’intervention étrangère, le CNS, qui est divisé à ce sujet, s’est contenté de menacer d’en faire la demande auprès de la communauté internationale. « Un désaccord interne persiste sur cette question », analyse Ignace Leverrier, ancien diplomate et auteur d’un blog sur la Syrie. « Certains représentants du Conseil souhaiteraient limiter une telle intervention, qui apparaît de plus en plus inévitable, à des sanctions économiques et à un isolement diplomatique du régime syrien. »

Les Comités locaux de Coordination

Les Comités locaux de Coordination (LCC), regroupés au sein de la plus large Instance générale de la révolution syrienne, fédèrent le mouvement de contestation à l’intérieur, par quartier et par ville. Cette force d’opposition est composée d’une majorité de jeunes, sans passé militant connu, qui communiquent par les réseaux sociaux. Ils ont organisé un système parallèle d’entraide, notamment pour soigner leurs militants blessés hors des hôpitaux surveillés par les forces syriennes de sécurité. Ils sont, « de l’avis de tous, les formations les plus représentatives de l’opposition sur le terrain », estime Ignace Leverrier. Les LCC ont rejoint le Conseil national syrien en septembre.

Le Comité national pour le changement démocratique

Le Comité national pour le changement démocratique (CNCD), dirigé par Hassan Abdel Azim, s’est réuni mi-septembre près de Damas et regroupe des partis « nationalistes arabes », kurdes, socialistes et marxistes ainsi que des personnalités indépendantes tel l’économiste Aref Dalila. Il a élu son conseil central. Le CNCD refuse toute idée d’intervention militaire étrangère en Syrie et reste ouvert au dialogue avec les « éléments modérés du régime ».

L’Armée syrienne libre (ASL)

L’ASL est née en juillet dernier à la frontière avec la Turquie, à l’initiative d’un colonel déserteur, Riad al-Assad. Fin septembre, elle a fusionné avec un autre groupe de déserteurs, le Mouvement des Officiers Libres, selon Ignace Leverrier. Elle grossit à chaque vague de désertions de soldats de l’armée régulière syrienne: en effet, ceux qui refusent de tirer sur la foule risquent la mort. L’ASL entend « travailler main dans la main avec le peuple en faveur de la liberté et de la dignité, renverser le régime, protéger la révolution et les ressources du pays, et se dresser contre la machine militaire irresponsable qui protège le régime », selon son texte fondateur. L’ASL, qui revendique quelque 17 000 « soldats libres », a annoncé avoir attaqué récemment le centre des services de renseignements aériens situé à l’entrée de Damas à la roquette et aux grenades RPG, faisant 34 morts.

« Pour l’instant, on ne peut pas parler d’armée », nuance le général à la retraite Akil Hachem interrogé parChristophe Ayad du Monde. « Ce sont des groupes de soldats qui se rallient à une bannière. Mais ils n’ont ni commandement, ni communications, ni armes lourdes. Dans ces conditions, ils ne peuvent pas représenter une menace pour le régime », explique-t-il. « Pour que le régime commence à être menacé, il faudrait qu’un commandant de division se retourne avec tous hommes « .

L’ASL affirme soutenir « le Conseil national syrien et sa vision politique », mais de son côté, le président du CNS, Burhane Ghalioun a appelé mercredi l’ASL à ne pas mener « d’actions offensives contre » l’armée régulière.

Les opposants historiques

Les personnalités historiques, tels Michel Kilo, Haytham al-Manna, Ryad Seif, Ryad Turk, ont été les acteurs d’un « Printemps de Damas », mouvement réformateur rapidement étouffé en 2000, lorsque Bachar el-Assad a succédé à son père. Ces opposants « bénéficient du respect de la population au-delà du cercle restreint des militants de leurs partis » explique Ignace Leverrier. Ils gardent une certaine distance avec les mouvements d’opposition, à l’exception de Ryad Turk, 81 ans, qui a apporté son soutien au CNS le mois dernier.

Les bannis du régime

Deux anciens proches du régime ont tenté récemment de revenir sur le devant de la scène, mais ne disposent d’aucune assise.Rifaat Al-Assad, le frère de Hafez-el Assad, exilé depuis 1984, prône la création d’une alliance internationale qui négocierait la démission de Bachar al-Assad en échange de garanties pour sa sécurité et permettrait de le remplacer… par un membre de sa famille. Longtemps membre du sérail, il est accusé d’avoir lancé ses troupes en 1982 à l’assaut de Hama (nord). La répression contre les Frères musulmans avait fait entre 10 000 à 25 000 morts selon Amnesty International.

Abdel Halim Khaddam, 79 ans, ancien vice-président, a participé pendant 35 ans à la construction du système autoritaire Assad qu’il n’a quitté qu’en 2005. Ces deux anciens apparatchiks n’ont aucune crédibilité, mais leurs récentes prises de position sont « le signe qu’ils ont compris que Bachar al-Assad est fini », analyse Ziad Majed, professeur à l’Université américaine de Paris.

source: http://www.lexpress.fr/actualite/monde/proche-orient/en-syrie-l-opposition-reste-morcelee_1054772.html