En Syrie, on enferme aussi les psy – Par Fernando De Amorim Psychanalyste

Article  •  Publié sur Souria Houria le 27 octobre 2011

LE PLUS. Son tort est-il d’avoir organisé des groupes de paroles sur le thème de la peur ? La psychanalyste syrienne Rafah Nached est incarcérée depuis plus d’un mois et demi par le régime de Bachar al-Assad. Fernando De Amorim, président du Réseau pour la psychanalyse à l’hôpital, lance un appel pour sa libération.

Prouvant que la Syrie peut aussi avoir des psychanalystes, que la psychanalyse est possible où la parole est possible, Rafah Nached a été arrêtée et incarcérée le 10 septembre dernier à Damas, au moment d’embarquer pour être proche de sa fille qui accouchait à Paris.

Rafah était formée à l’Université Paris VII et par des psychanalystes français. C’est à Paris que nous avons créé un comité de soutien pour sa libération. Depuis, ce mouvement est devenu mondial.

Rafah Nached a été arrêtée par les services secrets syriens entre deux contrôles de douanes. Elle a eu le temps de passer un bref coup de fil pour prévenir ses proches, qui restèrent ensuite cinq jours sans nouvelles. Ces cinq jours, Rafah Nached les passe dans une cellule minuscule où elle dort à même le sol et répond à des interrogatoires à répétition.

Pourquoi Rafah Nached est-elle soupçonnée de porter atteinte à la sécurité du pays ? Étant donné qu’aucun chef d’inculpation n’a encore été officiellement prononcé, on suppose que c’est à cause de sa pratique en tant que psychanalyste. Ouverte aux citoyens de toute obédience, sa consultation était destinée à aider les Syriens.

En 2010, cette femme de 66 ans déclarait dans la revue freudienne Topique  : « Le paradoxe c’est que tout le monde a peur en Syrie ».

 Dans le cadre du cabinet du psychanalyste, la parole est la plus libre possible. Cette recherche d’une parole dite, au plus près du vrai est difficile pour tous, que ce soit dans un régime démocratique ou non. Dire la vérité est impossible, mais mettre la gomme pour dire au plus près est au cœur même de l’éthique du psychanalysant.

Rafah Nached n’est pas un danger pour le régime syrien. Elle, comme tous les psychanalystes, libère la parole étranglée dans le cadre du cabinet. Elle ne veut pas détruire le régime et elle ne veut pas faire la révolution. Elle n’est nullement un danger pour le régime syrien. Qu’il se rassure.

Rafah Nached souffre d’une cardiopathie et se trouve sans traitement, sa vie est en danger.

Les psychanalystes, les intellectuels, les hommes politiques, les journalistes se mobilisent pour la défendre. Tout naturellement. Cette femme a créé la première école de psychanalyse en Syrie. Les cliniciens français, d’Europe et du monde s’indignent de cette arrestation.

Elle exerce à Damas depuis plus de 26 ans, pour quelle raison l’arrêter maintenant ? Elle a organisé en novembre 2010 le premier colloque international de psychanalyse à Damas, d’une qualité scientifique exceptionnelle.

Rafah Nached vient régulièrement à Paris pour s’entretenir avec des psychanalystes, suivre les dernières avancées en psychiatrie et, sur le fonctionnement des hôpitaux. Elle a établi des liens suivis avec la Croix-Rouge Française pour que les membres de son École de psychanalyse aient accès à des stages, en convention avec des Centres médico-psycho-pédagogiques de la Croix-Rouge Française.

Elle a toujours mis ses compétences professionnelles et humaines – dont nous avons pu apprécier la richesse – au service de la Syrie, sa patrie, à laquelle elle est très attachée.

Avec les confrères et collègues de la psychanalyste Rafah Nached, nous appelons à sa libération immédiate.

 source: http://leplus.nouvelobs.com/contribution/208495;en-syrie-on-enferme-aussi-les-psy.html