Et pourtant ils créent ! (Syrie : la foi dans l’art) – par Lorraine Rossignol

Article  •  Publié sur Souria Houria le 11 mai 2014

Une restitution du chaos, par des artistes syriens déterminés à créer, en exil ou sur place, et que le cauchemar de la guerre n’a pas encore fait taire.

Depuis le début de la guerre civile en Syrie (mars 2011), Khaled Takreti ne travaille plus qu’en noir et blanc, sur fond ocre. Lui qui était « coloriste » n’a plus envie d’utiliser ses tubes. Ou seulement comme motif, alignés, tels des cadavres, sur sa toile J’ai perdu mes couleurs. Ce grand format qui ouvre l’exposition de l’Institut des cultures d’Islam (ICI) donne une impression du chaos.

 

Takreti fait partie de ces artistes syriens, qu’ils vivent en exil ou encore « là-bas », que le cauchemar de la guerre n’a pas fait taire. Ils sont au contraire plus que jamais déterminés à créer. Affaire de survie psychique et mentale, désir farouche de témoigner, de combattre à leur manière. L’ICI a choisi de montrer leur diversité, depuis les sketchs de marionnettes du collectif Masasit Mati, qui, diffusés sur le Net, ont vite été connus du monde entier, avec leur caricature d’un « Beeshu » (Bachar al-Asad) totalement timoré, jusqu’aux clichés de Muzaffar Salman, reporter de guerre, qui a toujours recherché la beauté. Comme sur cette image profilant un combattant rebelle qui veille, mégot rougeoyant dans l’obscurité, sous le ciel étoilé.

 

« L’expérience de la révolution a paradoxalement offert une liberté de création inespérée aux artistes, faisant éclater les limites de l’académisme, le conformisme du marché de l’art local, la censure du gouvernement et la morale conservatrice de la société », remarque Delphine Leccas. Après avoir vécu treize ans dans la capitale syrienne, cette ancienne collaboratrice de l’Institut français de Damas, commissaire de l’exposition de l’ICI, fut bien obligée de quitter elle aussi le pays en 2011. Mais son excellente connaissance du milieu artistique et ses nombreux contacts sur place ont permis la réalisation de cette exposition a priori impossible, et pourtant nécessaire.

Jusqu’au 27 juillet à l’Institut des cultures d’Islam à Paris (18e) | Tél : 01 53 09 99 84

source : http://www.telerama.fr/art/et-pourtant-ils-creent-syrie-la-foi-dans-l-art,111905.php

date : 10/05/2014