Fawwaz TRABOULSI : Sur la réalité des révolutions arabes et des forces de la contre-révolution par Omar Al Assaad

Article  •  Publié sur Souria Houria le 13 août 2015

Fawwaz TRABOULSI : Sur la réalité des révolutions arabes et des forces de la contre-révolution

Par Omar El-Assaad – Traduit par Léa Plée.

Omar AlAssaad

Omar AlAssaad

Deux rencontres consécutives organisées par l’association Souria-Houria et dirigées par Monsieur Farouk MARDAM BEY, éditeur syrien, ont été réalisées dans les deux langues : arabe et française, avec Monsieur Fawaz TRABOULSI écrivain et académicien. Elles portent sur la réalité des révolutions dans le monde arabe, notamment la révolution syrienne, devenue la scène de luttes politiques avec l’apparition des courants des forces de la contre-révolution.

Dans ces entretiens et dans un premier lieu, Monsieur TRABOULSI passe en revue les situations économique et sociale réelles dans les pays du monde arabe ; à ce propos, il estime que la hausse du taux du chômage, plus précisément chez les jeunes, la baisse du niveau de vie et des prestations attribuées aux citoyens, et de surcroit, la mauvaise planification et l’adoption de politiques économiques néolibérales engendrant corruption et perversion, ont constitué des facteurs économiques déterminants qui ont poussé la rue arabe à une explosion, qui s’est traduite par des révolutions successives, d’abord en Tunisie, puis en Egypte, en Libye, au Yémen et en Syrie.

Puis, l’auteur de l’ouvrage « La Démocratie est une Révolution » établit un lien de cause à effet, entre cette réalité économique, et le contenu des slogans lancés dans la rue par les mouvements de protestation, précisément le suivant : « Travail, Liberté, Dignité et Justice sociale ». Il estime que les pays qui, sur le plan économique, souffrent le plus et vivent une hausse inquiétante du clivage social, enfin dont l’économie productive envahie par une économie usufruitière et financière; ces pays, gouvernés par des régimes politiquement tyranniques, étaient plus susceptibles que d’autres, de connaître le déclenchement de révolutions. Il en fut ainsi pour l’Egypte et la Tunisie, pays qui, en l’an 2010, avaient occupé les premiers rangs parmi les meilleurs Etats respectant les conseils et les plans émis par le Fonds Monétaire International. De même en Libye, la famille EL-KADHAFI a bâti une fortune estimée à 162 milliards de dollars, et s’est accaparée le pouvoir pendant 42 ans. Au Yémen, Ali Abdallah Saleh a gouverné pendant 34 ans, et a amassé une fortune estimée à 61 milliards de dollars dans un pays qui se présente comme un des plus pauvres de la région arabe.

Ce mode de corruption économique était accompagné d’une dictature tyrannique qui régnait sur l’ensemble des pays arabes. A cet égard, la Syrie semblait constituer l’exemple le plus marquant, avec la transmission de la « République » en héritage à ASSAD fils, directement lors la disparition d’ ASSAD père, fait qui constitua un précédent grave dans la région arabe.

Ensuite, l’auteur de « L’Histoire du Liban » et de « Soie et Fer », critique ceux qui accusent les révolutions arabes d’avoir manqué de projet. A cet effet, M. TRABOULSI précise que le projet de ces révolutions s’avère être très clair à travers les slogans que la révolution arbore et qui sont basés sur « la liberté, la dignité, le travail et la justice sociale ». Il estime que ces révolutions ne sont en rien, différentes des autres révolutions dans l’Histoire, d’autant qu’elles comprennent des composantes complexes et différentes.

Il affirme qu’il ne peut exister des révolutions ne possédant que des forces uniques et centrales ; bien au contraire, dans les révolutions, l’antagonisme et les composantes différentes sont propres aux forces politiques et sociales multiples.

  1. TRABOULSI critique également l’attitude que les Etats du Golfe adoptent vis-à-vis des révolutions du monde arabe. Selon lui, ces pays ont toujours tenté de contenir les forces opposées aux révolutions dans les différents pays qui ont vécu des soulèvements successifs. Ils ont même appuyé les forces contre-révolutionnaires existantes dans ces pays, participant au renforcement des positions de ces forces dans les différents pays du printemps arabe, et mettant de fait à l’écart, les forces les plus libérales et les plus radicales vis-à-vis des Régimes en place.

Par la suite, M. TRABOULSI passe en revue une partie du phénomène du salafisme jihadiste et son déploiement dans la région ; à cet effet, il présente un ensemble d’idées, notamment le rattachement du phénomène jihadiste à la mauvaise situation économique, aux conditions de vie et au développement du chômage chez les jeunes. Selon TRABOULSI, force est de constater qu’il est impossible de comprendre ou d’expliquer ces mouvements par la religion; bien au contraire, il est indispensable de les comprendre et de les étudier en se référant à des éléments temporels réels et concrets. L’importance du facteur économique est donc mis en exergue, ainsi que le despotisme politique et la violence que les autorités manifestent pour faire face aux révolutions du printemps arabe et aux ralliements des groupes de jeunes aux mouvements du salafisme jihadiste.

A cet égard, l’auteur rappelle que le phénomène jihadiste n’a pas commencé dans les Etats du monde arabe. Il s’était plutôt déclenché lors de la guerre soviétique en Afghanistan, où les combattants connus sous le nom de « moujahidine arabes » recevaient l’appui des Etats Unis et des Etats du Golfe. Puis, la guerre de l’Irak de 2003, a été un tournant dans l’action des moujahidine et leur installation dans la région arabe.

Par ailleurs, l’auteur de l’ouvrage « Les promesses d’Aden – Voyages Yéménites » évoque le rôle de la jeunesse et des forces de la société civile dans les révolutions arabes ; il critique les personnes qui estiment que « la Place Tahrir » constitue « l’exemple » de référence, et le lieu où les révolutions devraient se suffire. Il estime que la meilleure preuve de l’inexactitude d’un tel raisonnement, se manifeste dans la persévérance de la mobilité révolutionnaire dans sa lutte, allant au-delà de « la Place Tahrir » aussi bien en Egypte, que dans les autres pays du printemps arabe.

De surcroit, M. TRABOULSI estime que les révolutions arabes ont généré un changement radical dans la construction des sociétés, ainsi que dans leur réalité et la composition de leur autorité. Il termine en déclarant que les forces de la jeunesse avaient réussi à jouer un rôle déterminant dans ce contexte ; mais, leur irrégularité et leur désorganisation politiques ont constitué un écueil, les empêchant d’atteindre des résultats politiques satisfaisants.

Dans l’ensemble de ses déclarations, M. TRABOULSI critique le rôle que jouent les associations de la société civile aujourd’hui dans le monde arabe, qui ne polarisent et n’orientent pas les efforts fournis par la jeunesse au-delà du contexte politique, quand bien même leurs actions, sur le fond, y sont étroitement liées.

Enfin, M. TRABOULSI passe en revue les différentes situations politiques régionales au sein du monde arabe, particulièrement avec la proéminence des deux forces régionales à savoir la Turquie et l’Iran. Ces deux derniers voient la région arabe comme un domaine vital pour déployer leur influence en l’absence de tout projet arabe, et au sein d’un climat territorial de tension alimentée par l’existence d’Israël ; enfin, la capacité de l’Iran à maîtriser le pouvoir décision de quatre capitales arabes, éleva le taux de tension dans la région ; et de fait, poussa la société internationale à considérer cet Etat comme une force régionale principale voire incontournable.

 

version en arabe : فواز طرابلسي عن واقع الثورات العربية وقوى الثورة المضادة – عمر الأسعد