Femme de dictateur, un métier à risque – par Edouard Delruelle

Article  •  Publié sur Souria Houria le 27 mars 2012

Le régime de Bachar al-Assad va tomber. Il n’y aucun doute là-dessus.

Comment est-ce que je sais cela, direz-vous, alors que tant sur le plan intérieur que sur le plan international, Bachar al-Assad a encore pas mal de cartes en mains, et qu’il est visiblement prêt à tout pour garder son pouvoir ? Il y a un signe qui ne trompe pas, et qui est une règle absolue en politique, une règle jamais démentie à travers l’histoire : quand la femme du dictateur devient la cible n°1 du peuple et des médias, c’est que le régime est foutu. Voyez ce qui arrive à la très très belle Asma al-Assad, la femme de Bachar.

Jusqu’il y a peu, elle était louée par toute la presse internationale pour son côté glamour, son élégance, son ouverture, sa culture, et son engagement en faveur des femmes et des jeunes -les jeunes qu’elle exhortait, il y a quelques mois, à « s’engager dans la vie citoyenne », ça ne s’invente pas… Et voilà que maintenant, la très belle Asma, eh bien tout le monde lui tombe dessus pour avoir acheté des chaussures Louboutin chez Harrods pendant que ses compatriotes se faisaient massacrer.

Des SMS hallucinants de cynisme avec Bachar ont fini de la discréditer. On la compare, dès lors, à Marie-Antoinette, vivant dans le luxe de Versailles et du Trianon pendant que le peuple français crevait la dalle et que la Révolution grondait. On sait comment tout cela a fini. Dans la catégorie « femmes de dictateur », Asma al-Assad et Marie-Antoinette sont du style « frivoles et dépensières ».

C’est un genre à part entière, où l’on trouve aussi, dans les années ‘80, Imelda Marcos, la femme du dictateur philippin Ferdinand Marcos, la femme aux 3 000 paires de chaussures. Clara Petacci, la maîtresse de Mussolini, n’était pas mal non plus dans le genre ludique et déconnectée de la réalité : elle passait son temps à des jeux sexuels sado-maso avec son Benito chéri.

Elle finira pendue les pieds en l’air à ses côtés. Mais à côté de cela, il y a un autre type de femmes de dictateur : les femmes elles-mêmes assoiffées de pouvoir, qui traitent leurs dictateurs de maris de couilles molles s’ils ne décapitent pas chaque matin la moitié de leur état-major. Style Leila Trabelsi, la femme du pâteux Ben Ali, accaparant au profit de sa famille la richesse du pays, avant que le peuple tunisien ne montre la voie du Printemps arabe. Ou Helena Ceausescu, qui fomentait de ravir le pouvoir à son mari, avant de finir avec lui dans une mare de sang en décembre ‘89.

Ou encore Jian Qing, la femme de Mao Zedong, surnommée « l’impératrice rouge », unanimement haïe par le peuple chinois pendant la Révolution culturelle, et qui faisait tellement peur qu’après sa chute et un procès-spectacle où elle éructait des bordées d’injures à ses juges, le nouveau pouvoir n’a même pas osé lui appliquer la peine capitale à laquelle il l’avait condamnée. Donc, certaines femmes de dictateur se vautrent dans le luxe, ignorantes de la politique et des souffrances du peuple, tandis que d’autres portent la culotte, parfois trop petite pour le tyranneau qui leur sert de mari. Si vous voulez en savoir plus sur la question, reportez-vous au livre de Diane Ducret, simplement intitulé « Femmes de dictateur », qui en dit long sur la fascination des femmes pour les hommes de pouvoir, comme des hommes de pouvoir pour les femmes. Toujours est-il que les femmes sont un baromètre idéal pour savoir où en est un régime de dictature.

Car tant que le tyran est arrimé au pouvoir, sa moitié est préservée. Mais si elle commence à concentrer sur elle toute la rancœur et la haine accumulées par le peuple, c’est le signe que le régime est pourri jusqu’à l’os et que ses jours sont comptés. C’est pourquoi, si j’étais à la place de la très belle et très glamour Asma al-Assad, je mettrais soigneusement ma collection de chaussures Louboutin dans une malle et je songerais sérieusement à me la faire (la malle). Car la morale de tout cela, c’est que les histoires d’amour avec les dictateurs finissent mal en général.

Edouard Delruelle

source: http://www.rtbf.be/info/opinions/detail_femme-de-dictateur-un-metier-a-risque?id=7737302