Homs : Capitale de la révolution syrienne – par Matthew Davis

Article  •  Publié sur Souria Houria le 10 novembre 2011

Homs, la rétive ville de l’est syrien, est devenue un foyer de contestations contre le président Bashar al-Assad. Elle est aussi à présent l’une des zones les plus durement frappées par la mesures de répression sanglantes de l’Etat.

 

Homs – pour beaucoup la capitale de la révolution syrienne – était l’une des premières villes à rejoindre le soulèvement contre le gouvernement et, en avril 2011, elle a été aux premières loges pour constater sa brutalité, quand la foule protestant sur sa place de l’Horloge s’est fait tirer dessus, ce qui aurait causé la mort de 17 personnes et des douzaines de blessés.

 

Depuis sept mois, les protestations contre le gouvernement s’y poursuivent; malgré les attaques également implacables des forces de sécurité qui, cette dernière semaine, auraient tué au moins 100 personnes. L’opposition a déclaré la ville zone sinistrée.

 

« C’est un endroit où les gens ne vont pas juste abandonner, c’est devenu très symbolique » dit Rime Allaf, une experte sur la Syrie et membre du groupe d’experts Chatham House.

 

« Cette nuit d’avril a été un tournant dans la saga de Homs. Les gens sont venus avec des tentes et des sandwichs, ils s’attendaient à faire face à des gaz lacrymogènes et ils ont été abattus par des balles. »

 

Cet incident a probablement offert un motif de ralliement à ceux qui manifestaient à Homs pour la démocratie en Syrie, mais un certain nombre d’autres facteurs ont nourri les protestations durant tout l’été et l’automne.

 

En premier lieu, un nombre significatif de soldats ayant déserté l’armée syrienne ont fait de Homs une base.

 

Des déserteurs attirés vers ce qui était alors une ville libérée permettant effectivement aux manifestations d’avoir lieu. Armés et capables de riposter, ils ont assuré la sécurité et un périmètre pour les manifestations, et ils ont également aidés à extirper les collaborateurs.

 

La géographie de la troisième plus grande ville de Syrie, un centre tentaculaire de l’agriculture et de l’industrie où vivent environ 1,5 million de personnes, s’est également révélée problématique pour les forces de sécurité syriennes.

 

« C’est une ville tellement vaste, avec des banlieus étendues, des villages et des zones environnantes prenant part [aux manifestations], qu’il a été difficle pour l’armée syrienne de soumettre l’intégralité de ce territoire, en plus de partout ailleurs »; affirme Rime Allaf.

 

Le caractère unique des habitants de la ville et la forte identité territoriale locale ont également été évoquées comme explication de la résistance de Homs.

 

« Beaucoup de syriens ont été choqués par ce qu’ils décrivent comme la sauvagerie du régime et les manifestants à Homs ont réussi à afficher un sens de la civilisation qui dément la version du régime d’un sous-prolétariat brutal. »

 

Peter Harling, directeur du programme Syrie et Liban à l’International Crisis Group, dit « Les gens de Homs sont réputés pour leur sens de l’humour et cela est ressorti très fortement dans la crise – même malgré cette assaut massif du régime. »

 

«Contrairement aux environs, Homs a généralement résisté aux dynamiques sectaires, maintenu une règle de cohésion sociale, défié le régime à travers sa forte identité locale et constitué une source d’inspiration pour de nombreuses critiques du régime. »

 

« C’est pour cela qu’Homs a été la capitale que Damas n’a pas été. »

 

Les protestations en Syrie étaient d’abord concentrées dans le sud de Deraa, un centre agricole autrefois considérée comme un bastion du gouvernement.

 

Elles se sont ensuite étendues à Lattaquié dans le nord, lieu de naissance de l’ancien président Hafez al-Assad, et à la ville côtière méditerranéenne de Banias, dotée d’une composante musulmane sunnite puissante et conservatrice.

 

C’est à ce moment que les protestations se sont déplacées à l’ouest jusqu’à Homs, et jusqu’au centre-ouest à Hama, le lieu d’un soulèvement des Frères musulmans brutalement réprimé en 1982.

 

Quand une équipe de la BBC infiltrée s’est récemment rendue à Homs, elle a vu des manifestations quotidiennes – ou plus exactement des protestations tous les soirs, lorsque les manifestants descendaient dans les rues après la tombée de la nuit pour réduire au minimum le nombre de victimes; sauf les vendredis après les prières de midi.

 

Un soldat de l’armée syrienne qui a raconté à la BBC qu’on lui avait ordonné d’attaquer la ville a prétendu qu’on avait dit à ses compagnons et lui de « tuer tout ce qui bougeait, tous ceux qui marchaient dans la rue ».

 

Même dans les semaines qui ont suivi cette visite, la violence à Homs semble avoir augmenté, des deux côtés.

 

Les autorités affirment que les forces de sécurité – avec des chars et de l’artillerie – combattent des gangs terroristes qui ont tué des civils à Homs. Les opposants contestent cette version des faits et, à cause des restrictions imposées aux journalistes par la Syrie, il est difficile de vérifier exactement ce qui se passe au niveau de la rue.

 

Mais les opposants et les habitants cités dans le New York Times affirment qu’une partie de ces déserteurs de l’armée de Homs ont commencé à lancer des attaques régulières contre les services de sécurité.

 

Peter Harling dit que la situation dans certains endroits de Homs ressemble maintenant à un « champ de bataille urbain » – et dans les environs de Homs il y a eu une hausse inquiétante des violences confessionnelles qui pourraient jeter les bases d’une «guerre civile».

 

Là où le « déploiement des services de sécurité, se comportant eux-mêmes fréquemment d’une manière profondément sectaire, a eu pour effet de couper les liens sociaux entre les villes et les villages dans les environs de Homs », il y a un plus grand risque de conflits communautaires », dit-il.

 

« Cela ne semble pas être ce dont le régime se préoccupe le plus », dit-il. Mais Homs si.

 

source: http://www.bbc.co.uk/news/world-middle-east-15625642