Homs, symbole de l’échec international en Syrie

Article  •  Publié sur Souria Houria le 9 novembre 2011

Le pilonnage de la ville de Homs signe non seulement l’échec de la récente initiative de la Ligue arabe en Syrie mais inflige surtout un désaveu cinglant à la communauté internationale, incapable de faire cesser une répression qui a fait plus de 3.500 morts en huit mois.

L’acceptation par Damas du plan de l’organisation panarabe prévoyant l’évacuation des troupes déployées dans les villes, la libération de prisonniers politiques et l’ouverture de pourparlers avec l’opposition n’a pas été suivie d’effets sur le terrain.

Depuis le 2 novembre, le quartier résidentiel de Bab Amro à Homs est assiégé par les forces de sécurité syriennes qui ont déployé blindés et tireurs d’élite pour débusquer les déserteurs de l’armée qui ont trouvé refuge dans cette ville bastion des manifestants pro-démocratie.

« Le plan de paix arabe est mort-né« , estime Murhaf Jouejati, un universitaire syrien à Washington. « Il n’y a eu aucun répit dans la violence. Le régime d’Assad est en position de défi. »

Face à l’échec patent de leur initiative, les ministres arabes des Affaires étrangères ont prévu de revoir le plan de la Ligue arabe samedi mais les opposants au président Bachar al Assad ne sont font guère d’illusion.

« Je ne pense pas qu’il y ait une seule personne saine d’esprit qui s’attende à ce qu’Assad retire ses troupes des rues et autorise les manifestations pacifiques« , souligne Walid al Bunni, avocat et dissident syrien de longue date qui s’est réfugié à Paris il y a deux semaines.

« L’absence de menace d’intervention internationale est perçue par les autorités comme un permis de tuer« , ajoute-t-il.

L’incapacité évidente des pays arabes à détourner Assad de la voie qu’il s’est fixée pour réprimer un mouvement lancé selon lui par des militants islamistes et des gangs armés soutenus par l’étranger redonne la main à l’Occident dont les appels au calme sont pour l’instant restés lettre morte.

Assad, qui reste sourd aux appels à la démission ou à la fin de la répression, joue sur la peur de l’Occident de voir la Syrie plonger dans la guerre civile ou dans une insurrection islamiste susceptible de provoquer un « séisme régional« .

BARRIERE DE LA PEUR

Pour Nadim Shehadi, du centre de réflexion londonien Chatham House, Assad a d’ores et déjà perdu le pouvoir en terme de légitimité mais l’Occident l’y maintient en l’appelant à lancer des réformes et à mettre un terme à la répression.

« Le peuple qui manifeste en Syrie semble avoir brisé la barrière de la peur, ce n’est pas le cas de la communauté internationale« , note-t-il.

Malgré une répression brutale qui a fait plus de 3.500 morts depuis mi-mars selon l’Onu, les Syriens continuent quotidiennement de braver le fort dispositif militaire et policier déployés dans plusieurs villes du pays.

A l’inverse du dossier libyen où l’Otan est rapidement intervenue avec un mandat de l’Onu pour protéger la population civile des forces de Mouammar Kadhafi, l’Occident semble réticent à répéter le même scénario en Syrie, mettant en avant la complexité géopolitique du pays.

Même timidité à la Ligue arabe, qui avait suspendu dès le mois de mars l’adhésion de la Libye à l’organisation pour protester contre les violences contre les civils et qui dans le dossier syrien semble faire preuve de davantage de clémence.

L’organisation panarabe est paralysée par les divergences de ses membres face au dossier syrien, entre l’Algérie, le Liban et le Yémen hostiles à toute sanction, et l’Irak, le Soudan et la Mauritanie indécis, souligne Waheed Abdel Maguid, du Centre de recherches et d’études politiques du Caire.

« Cela place la Ligue dans une position embarrassante« , dit-il. « Elle se réunit mais elle est incapable d’agir. »

Les mises en garde d’Assad contre toute intervention militaire semblent avoir porté leurs fruits et refroidi la plupart de ses voisins comme le Liban, l’Irak, Israël, la Jordanie ou la Turquie, inquiets des éventuelles retombées d’un conflit armé.

Sur le plan intérieur, Assad continue de jouir du soutien de la minorité alaouite, dont il est issu, des Chrétiens et d’autres citoyens qui redoutent plus que tout l’arrivée de fondamentalistes islamistes en cas de vacance du pouvoir.

« Jusqu’à présent il y a des pans de la population syrienne qui restent en marge, qui craignent pour leur vie s’ils sortent dans les rues ou qui parient sur la survie politique d’Assad« , dit un opposant en Syrie, sous le sceau de l’anonymat.

L’OPTION MILITAIRE ECARTEE

On retrouve cette indécision et ces divisions en Occident même si tous les pays s’accordent pour rejeter une intervention militaire. « Dans ces conditions, il n’est pas impossible que la Turquie agisse avec le soutien implicite de Washington et des principales capitales européennes« , avance Murhaf Jouejati.

Mais la Turquie, jadis alliée de Damas et désormais en pointe pour dénoncer le régime d’Assad, doit déjà imposer la série de sanctions promises il y a plusieurs semaines ou envoyer un signal clair en faveur d’une zone d’exclusion aérienne en Syrie.

« Aujourd’hui, l’opposition reste fragile et l’armée syrienne garde la haute main« , estime Joshua Landis, spécialiste de la Syrie à l’université d’Oklahoma.

« La situation pourrait changer si l’opposition commence à mettre en place une véritable insurrection, si la Turquie lance une guerre contre la Syrie en soutenant l’insurrection, ou si une intervention étrangère est lancée, comme en Libye« , ajoute-t-il. « Aucune de ces possibilités ne se profile à l’horizon. »

Avec Khaled Yacoub Oweis à Ammas, Marine Pennetier pour le service français, édité par Gilles Trequesser

source: http://www.lexpress.fr/actualites/2/monde/homs-symbole-de-l-echec-international-en-syrie_1049148.html