Intervenir en Syrie : le Conseil de sécurité de l’ONU dit non, réformons-le ! – par Sêvê Izol-aydin Avocat

Article  •  Publié sur Souria Houria le 2 décembre 2011

Sêvê Izol-aydin, avocate au barreau de Paris et secrétaire pour la France de la Déclaration de Damas s’en prend au système du veto au Conseil de Sécurité de l’ONU qui permet, comme l’illustre le cas de la Syrie, à une minorité de pays de bloquer toute action de la communauté internationale alors que le régime se rend coupable de crimes contre l’humanité.

Alors que la communauté internationale a réussi grâce au « devoir d’ingérence humanitaire » à sauver des milliers de vies humaines au Kurdistan irakien, en Somalie, au Rwanda, au Kosovo… cette même communauté reste aujourd’hui paralysée malgré la « très inquiétante situation humanitaire en Syrie », à cause du veto sino-russe qui se retranche derrière l’interdiction de l’ingérence dans les affaires intérieures d’un Etat membre de l’ONU.

Cette situation a incité les Verts et les socialistes à lancer la semaine dernière le débat sur la réforme du Conseil de sécurité onusien. Même si ce débat intervient dans le cadre de la campagne présidentielle, il conserve toute son importance car la question de la démocratisation du Conseil de sécurité est une question qui se pose à la communauté internationale depuis plusieurs années sans recevoir de réponse.

Ce qui se passe actuellement en Syrie en est la démonstration : la communauté internationale est incapable d’apporter une aide humanitaire à la population civile se trouvant tragiquement massacrée par un régime dictatorial, elle est même incapable de saisir la Cour pénale Internationale (CPI) alors que des actes qualifiés de « crimes contre l’humanité » ont été et continuent à être perpétrés dans ce pays.

Le devoir d’ingérence humanitaire : l’exemple des Kurdes irakiens

La mise en œuvre du « devoir d’ingérence humanitaire » – concept français ayant vu le jour par l’adoption de la résolution 688 du 5 avril 1991 suite à l’exode massif des Kurdes irakiens massacrés par le régime de Saddam Hussein – nécessite l’intervention du Conseil de sécurité de l’ONU pour décider des mesures coercitives conformément aux articles 41 et 42 du Chapitre VII de la Charte de l’ONU. Il en va de même pour faire examiner un dossier par la CPI à l’encontre d’un Etat qui n’a pas ratifié les statuts de la Cour.

L’exode des Kurdes irakiens a permis la création en droit international d’un précédent selon lequel un Etat ne peut plus invoquer ses affaires intérieures ou son domaine réservé pour réprimer sa population civile en toute impunité car désormais, on considère que la violation massive des Droits de l’homme constitue au même titre que les actes d’agressions une menace à la paix et à la sécurité internationale justifiant l’intervention du Conseil de sécurité sur le fondement du chapitre VII de la Charte de l’ONU.

Par cette interprétation extensive de la notion de menace contre la paix et la sécurité internationale, la communauté internationale a pu réagir par la création d’une zone d’interdiction aérienne au nord de l’Irak et l’établissement de couloirs humanitaires à travers les Etats voisins permettant d’acheminer une aide humanitaire de première nécessité à la population sinistrée.

Vers un mode de vote majoritaire ?

La situation actuelle en Syrie exige un traitement identique et l’intervention de la communauté internationale ne pose en principe pas de difficulté sur le plan juridique. Seul le droit de veto accordé aux grandes puissances mondiales de l’époque de l’après Seconde guerre mondiale mène au blocage actuel.

Depuis plusieurs années, des voix se sont élevées pour demander la démocratisation du Conseil de sécurité par la suppression du droit de veto aux cinq grandes puissances et l’élargissement du nombre de ses membres afin qu’il soit représentatif de la communauté internationale actuelle notamment en y englobant l’Allemagne et les pays émergents.

Dans cette hypothèse, le mode de vote à l’unanimité avec veto devait être remplacé par un mode de vote majoritaire et rien n’empêche que les grandes puissances puissent disposer de voix prépondérantes proportionnellement à leur stature internationale.

En attendant ces réformes, on ne saurait admettre que l’action de la majorité des Etats composant la communauté internationale (Ligue Arabe, Union Européenne, Turquie, Etats-Unis d’Amérique) puisse être paralysée par une toute mince minorité composée de deux Etats qui de surcroît ne se trouvent pas en position de donner des leçons en matière de démocratie et de respect des droits fondamentaux.

La population civile en Syrie fait face toute seule depuis plus de neuf longs mois à des actes de cruauté inimaginable, à une répression sanglante et survit dans des conditions surréalistes sans pouvoir bénéficier d’aucun soutien de l’extérieur. Outre les milliers de morts et disparus, il existe aujourd’hui en Syrie des milliers de personnes blessées qui n’ont accès à aucun soin, des milliers d’enfants, de femmes, de vieillards déplacées à l’intérieur de la Syrie, sans domicile et sans accès à leurs besoins vitaux et élémentaires de survie tels que du lait pour les nourrissons, de l’eau potable, de la nourriture, des couvertures, des sacs de couchage, des chaussures, etc.

Des réfugiés entassés

Des milliers de personnes déplacées à la frontière de la Turquie, du Liban, de la Jordanie et de l’Irak, sont entassées dans des conditions humiliantes, à la limite de la dignité humaine, voire sans garantie de sécurité dans des camps « d’invités » sur lesquels le Haut Comité pour les Réfugiés (HCR) ne peut exercer aucun contrôle.

Il existe aujourd’hui en Syrie plus de 11.500 détenus qui ont été arrêtés pendant les manifestations, en plein été, vêtus d’un petit t-shirt et qui avec l’arrivée de l’hiver sont frigorifiés dans les geôles du régime syrien… et une majorité d’entre eux n’ont même pas de chaussures et sont conduits au Palais de Justice pieds nus… Ces jeunes ont besoin de pulls et de chaussures.

A défaut pour la communauté internationale de faire arrêter les massacres à l’encontre de la population civile, à défaut de faire libérer les détenus politiques, cette communauté doit de toute urgence se mobiliser pour fournir aux Syriens dans le besoin une assistance humanitaire de première nécessité. Il s’agit pour cette population d’une question de vie ou de mort auquel le veto russe et chinois ne devrait pas constituer un obstacle insurmontable.

source: http://leplus.nouvelobs.com/contribution/219226;intervenir-en-syrie-le-conseil-de-securite-de-l-onu-dit-non-reformons-le.html