Intervention de l’ancien ministre Jack Ralite en soutien au peuple syrien – par Ignace Leverrier

Article  •  Publié sur Souria Houria le 9 juin 2013

Rassemblement de soutien au peuple syrien
Place de la Fontaine des Innocents
Samedi 8 juin 2013

Intervention de Jack Ralite
ancien ministre et sénateur de la Seine-Saint-Denis,
maire honoraire d’Aubervilliers

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Jack Ralite

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Chacune et chacun d’entre vous, surtout vous amis syriens, partis il y a longtemps de Syrie ou récemment…

Depuis 2 ans, chaque samedi, jadis au Châtelet, et depuis peu à la Fontaine des Innocents, les Syriens de la région parisienne se retrouvent pour témoigner de la terrible situation que connaît leur pays.

Chacune et chacun d’entre vous veut se montrer solidaire avec le peuple syrien, dont le mouvement de révolte, à l’origine exclusivement pacifiste, connaît aujourd’hui la pire situation de son histoire.

L’indigne président de la Syrie, Bachar Al-Assad, a décidé directement ou indirectement de tenter de noyer dans le sang l’appétit de liberté qui s’est emparé de ce peuple dont l’histoire est si précieuse pour l’Humanité, puisque là a été bâtie la première maison du Monde, est apparu le premier alphabet du Monde, ont été construits des édifices classés par l’Unesco trésors de l’Humanité.

Vous connaissez les résultats de cette guerre atroce d’un chef d’Etat qui veut assassiner son opposition. Elle tient en 3 chiffres : en 2 ans 100.000 morts, 1 500 000 départs à l’étranger et 4 500 000 en transhumance dans la Syrie qui n’a que 21 millions d’habitants.

C’est une saignée terrible et horrible que connaît le peuple syrien. Malgré cela il tient encore, il n’a pas renoncé, il refuse de se mettre à genoux. Il refuse d’être bafoué en recherchant sa liberté.

En vérité, Bachar Al-Assad a pris dans ses actes la figure d’un tyran. Il est soutenu par l’Iran, la Russie, et depuis quelque temps le Hezbollah libanais, entré en Syrie avec des milliers de membres de sa milice. Cette horde lui a permis de venir à bout de la ville de Qouseïr. La possession de cette ville stratégique ne contredit pas le fait pas que, pour plus des deux tiers, votre pays est libéré du dictateur de Damas.

Énumérer les pays et mouvements, c’est déjà dire le déséquilibre des forces. Mais énumérer les outils de mort dont dispose Bachar Al-Assad, c’est dire le déséquilibre des armes. La Russie livre sans arrêt des armes lourdes, des avions, des chars, des Scuds. L’Iran procure aussi des armes et envoie des djihadistes. La horde du Hezbollah a plusieurs milliers de membres. Qui plus est, comme il a été constaté en quelques endroits, Bachar Al-Assad a utilisé du gaz sarin, qui donne la mort sans être vu. Le Président Obama en avait fait une « ligne rouge » à ne pas franchir. Elle a été franchie. Mais le Président Obama demande toujours plus de preuves, la preuve de la preuve de la preuve…, autrement dit il revient sur son engagement.

La Syrie devient une soufrière abandonnée, oubliée comme la Palestine. Je dis « abandonnée » et « oubliée », car ceux qui font ou laissent faire cette guerre contre les civils qui veulent leur liberté, ont accumulé et continuent d’accumuler toutes les lâchetés, les reculades, les abdications, les faux-semblant que l’on puisse imaginer. Souvenons-nous de la non-intervention en faveur des républicains espagnols. Souvenons-nous aussi tout récemment de l’épouvantail djihadiste, utilisé par certains comme prétexte pour ne pas aider les révolutionnaires syriens. L’aide ne venant pas et la nature ayant horreur du vide, des djihadistes sont effectivement venus.

Pour ma part, je suis de ceux qui ne veulent ni de près ni de loin laisser détruire et tuer, pour avoir à venir ensuite aider les mourants et les affamés. Je ne veux pas être un passant dans ces moments les plus déshonorés.

J’entends dire que c’est difficile. Mais « si tu n’espère pas l’inespéré, tu ne le trouveras pas ».

La France, en d’autres temps qui ont fait sa gloire, n’a attendu personne pour inventer et proclamer les Droits de l’Homme. Il faut s’inspirer de cet exemple, car nous sommes tous concernés. Là-bas c’est ici. Là-bas c’est un morceau d’avenir du Proche-Orient. Nous exigeons de nos gouvernants, de l’Europe et de l’ONU des actes, alors qu’ils en restent à jurer fidélité.

Je n’oublierai jamais Srebrenica en Bosnie. Là aussi l’Occident était attentiste… et le massacre a eu lieu. La Communauté Européenne le sait bien. Pourquoi s’évertue-t-elle à reproduire son inaction d’alors ? Elle sait pourtant où cela a conduit.

Aujourd’hui, les Américains qui hésitent et les Russes qui n’hésitent pas ont décidé de convoquer une conférence internationale. On voit bien que sa préparation est d’une extraordinaire difficulté. La conférence qui pour le moment n’aboutit pas, sert de prétexte à ne pas être solidaire sur le plan des armes. Comme si 100 000 morts ne suffisaient pas. Qu’attendons-nous aussi pour nous occuper de l’humanitaire ? Il y a de grandes parties de la Syrie où rien ne se passe, sauf d’avoir faim et de manquer d’abris. Que faisons-nous ? Presque rien.

Il est vrai que l’opposition à Bachar Al-Assad a du mal à s’entendre. Elle ne facilite pas sa représentation à une conférence pour la paix. Mais la durée de la situation actuelle accentue ses difficultés. L’opposition doit se ressaisir. De toute façon, pour ce qui concerne un pays comme la France, elle doit accroître sa solidarité humanitaire, comme elle doit chercher comment aider les opposants au plan militaire.

Si rien ne bouge on va vers un conflit confessionnel inextricable, avec ses possibles conséquences sur l’ensemble du Proche-Orient. Le trou noir actuel est une catastrophe. S’il n’y est pas porté remède rapidement, les défaillants – pour s’inspirer du lieu où nous sommes – ne seront pas des innocents. Aujourd’hui, il y a un mot qui résume tout : la nécessité pour chacune et chacun d’utiliser son pouvoir d’agir pour assurer une solidarité concrète avec le peuple syrien. Cela est aussi un devoir impérieux des gouvernements occidentaux et de l’ONU… qui a été créée notamment pour cela.

source : http://syrie.blog.lemonde.fr/2013/06/08/intervention-de-lancien-ministre-jack-ralite-en-soutien-au-peuple-syrien/

date : 08/05/2013