La coalition anti-EI obtient le soutien de l’ONU

Article  •  Publié sur Souria Houria le 16 septembre 2014

LE MONDE |  • Mis à jour le  |Par Alexandra Geneste (New York, Nations Unies, correspondante), Yves-Michel Riols,Gilles Paris (Washington, correspondant) et Nathalie Guibert (à Paris)

Le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, et le secrétaire d'Etat américain, John Kerry, à New York le 19 septembre. | DON EMMERT/AFP

Le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, et le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, à New York le 19 septembre. | DON EMMERT/AFP

New York (Nations unies), Washington Envoyés spéciaux
Le Conseil de sécurité n’a pas abordé la question d’une éventuelle coopération avec la Syrie

Donner une onction onusienne à la coalition internationale qui se met en place contre l’« Etat islamique » (EI). Tel était l’objectif principal de la réunion du Conseil de sécurité des Nations unies, convoquée vendredi 19 septembre, à New York, à quelques jours de l’ouverture du débat à l’Assemblée générale de l’ONU, le 24 septembre, qui sera dominé par ce dossier. Le résultat a été atteint au prix d’une omission de taille, celle du territoire syrien, où le mouvement djihadiste est également implanté mais où la coalition se refuse à coopérer avec le régime de Bachar Al-Assad.

A l’issue de cette réunion ministérielle, présidée par le secrétaire d’Etat américain John Kerry et à laquelle participaient les représentants d’une trentaine de pays, les 15 pays membres du Conseil ont adopté une déclaration exhortant « la communauté internationale, dans le respect du droit international, à renforcer et étendre le soutien au gouvernement irakien dans sa lutte contre l’EI et les groupes armés qui lui sont liés ».

Cette rencontre, souligne un diplomate, visait avant tout à « donner du relief » à la mobilisation diplomatique amorcée à la suite de l’offensive de l’EI, qui a conduit les djihadistes aux portes de Bagdad et amené les Etats-Unis à engager, le 8 août, une campagne de frappes aériennes en Irak. Une campagne à laquelle la France s’est associée, vendredi matin, en procédant à des premiers bombardements sur le sol irakien.

« CHAQUE PAYS A UN RÔLE À JOUER, Y COMPRIS L’IRAN »

Dès l’ouverture de la réunion, le ministre irakien des affaires étrangères, Ibrahim Al-Jaafari, s’est montré alarmiste. « L’aide militaire, économique et financière à l’Irak doit continuer (…) pour soutenir la contre-offensive irakienne contre l’EI. » « Combattre ces terroristes en Irak et les empêcher d’y répandre le mal est dans l’intérêt du monde dans son ensemble », a-t-il insisté. C’était une façon de souligner que les contours de la coalition internationale contre l’EI restaient encore à définir. En dehors de la France, aucun pays ne s’est associé à l’opération militaire déclenchée par Washington en Irak.

M. Kerry l’a reconnu à demi-mots. Même si « plus de cinquante pays » ont indiqué leur volonté d’être associés, d’une façon ou d’une autre, à la coalition, « nous ne sommes pas encore là où nous devrions être », a-t-il observé. « Pratiquement chaque pays dans le monde a un rôle à jouer, y compris l’Iran », a ajouté M. Kerry.

En quittant la salle du Conseil, Laurent Fabius, le chef de la diplomatie française, a pudiquement relevé « qu’il y a des pays qui sont plus rapides que d’autres à prendre leurs responsabilités », précisant que « nous ne savons pas encore » combien d’Etats sont prêts à s’associer à l’opération militaire en Irak.

FRAPPES PRÉCÉDÉES D’OPÉRATIONS DE RENSEIGNEMENT 

D’où l’insistance avec laquelle John Kerry a salué les premières frappes françaises contre l’EI, vendredi, dans la région de Mossoul, à Zoumar, selon des sources locales. Une ancienne base de l’armée irakienne, utilisée comme dépôt de munitions et de carburant par l’EI, a été détruite.

« D’autres actions auront lieu dans les prochains jours avec le même but : affaiblir cette organisation terroriste et venir en appui des autorités irakiennes, c’est-à-dire les soldats irakiens et les peshmergas du Kurdistan irakien », a déclaré François Hollande, à Paris. Cette mission a été effectuée, selon l’état-major, « en coordination avec les Américains, mais sous commandement national » depuis la base d’Al-Dhafra, à Abou Dhabi.

La coalition internationale voulue par Barack Obama n’est donc pas encore à l’œuvre, même si des officiers français sont présents dans le Centcom, le commandement américain chargé de la région basé à Tampa, en Floride, et dans un centre de coordination des opérations aériennes partagé au Qatar.« On peut comparer cette intervention aux dix premiers jours de la confrontation en Libye, en 2011, quand la France a dit aux Etats-Unis qu’elle participerait mais en frappant les objectifs qu’elle avait elle-même identifiés », explique le général Patrick Charaix, ancien commandant des Forces aériennes stratégiques. Ces frappes ponctuelles ont été précédées d’opérations de renseignement qui visaient à préserver la sacro-sainte« autonomie de décision » défendue par Paris.

PARIS EXCLUT D’ÉLARGIR SON ACTION AU TERRITOIRE SYRIEN

Si elle peut être très efficace, l’action militaire française reste limitée. « Les Etats-Unis y voient un intérêt politique, montrer qu’ils ne sont pas seuls, et ils pourront être amenés à gonfler un peu l’importance de la participation française », ajoute le général Charaix.

Avec une réserve de taille : la France exclut en effet d’élargir son action au territoire syrien. En l’absence d’un consensus parmi les membres permanents du Conseil de sécurité, où la Russie et la Chine ont opposé à quatre reprises leur veto à des projets de résolution ciblant Bachar Al-Assad, aucune forme de mandat onusien n’est envisageable à court terme.

Lire aussi (édition abonnés) : Syrie : l’aide militaire américaine aux rebelles « modérés » semble insuffisante

A Washington, le vote du Congrès sur le plan d’aide de l’opposition syrienne a par ailleurs mis en évidence les réticences d’une forte minorité d’élus et de nombreux militaires ont émis des doutes sur l’efficacité d’une stratégie qui proscrit, pour l’instant, le déploiement de forces combattantes américaines au sol.

« AGIR POUR L’IRAK EST UN DEVOIR POUR NOUS TOUS »

Tout au long de la réunion du Conseil de sécurité, le sujet qui fâche, à savoir la Syrie, a été soigneusement évité. Il est pourtant essentiel car comment éradiquer l’EI sans agir contre ses bases arrière en Syrie ? La priorité, vendredi, était de conforter le consensus et d’envoyer un message fort d’unité. « En 2003, agir contre l’Irak avait divisé ce Conseil, en 2014, dans un contexte très différent, agir pour l’Irak et contre les terroristes de Daech est un devoir pour nous tous », a notamment déclaré M. Fabius.

La Syrie a malgré tout figuré en filigrane dans bien des discours. Notamment pour rappeler combien l’inaction du Conseil sur le dossier syrien a contribué à l’extension du conflit en Irak. La ministre rwandaise des affaires étrangères a estimé « intenable » le fait que chaque fois que l’organe exécutif de l’ONU « échoue à agir », en Syrie aujourd’hui, au Rwanda, il y a vingt ans, le tribut à payer est un drame humanitaire. « Bagdad est bien loin de Kigali, mais le sort des Irakiens est semblable à celui de nombreux Rwandais il y a vingt ans », a déploré Louise Mushikiwabo.

http://abonnes.lemonde.fr/proche-orient/article/2014/09/20/la-coalition-anti-ei-obtient-le-soutien-de-l-onu_4491249_3218.html