La politique de la terre brûlée d’Assad par Antoine AJOURY

Article  •  Publié sur Souria Houria le 27 janvier 2016

La politique de la terre brûlée d’Assad

Une photo prise le 30 janvier 2015 montrant la partie est de Kobane, à la frontière avec la Turquie, complètement détruite suite aux combats qui ont eu lieu pour récupérer la ville kurde de l’emprise de l’État islamique. AFP Photo/Bulent Kilic

SYRIEPour se maintenir au pouvoir, le président syrien a brillamment transformé les contestations populaires contre son régime en un conflit aux ramifications régionales et internationales.

Antoine AJOURY | OLJ | 25/01/2016

La Syrie existe-t-elle encore? Presque cinq années après le début des manifestations pacifiques à Deraa contre la pauvreté et l’injustice sociale le 15 mars 2011, la contestation populaire en Syrie s’est vite transformée en une guerre civile aux ramifications régionales et internationales.

Depuis 2012, le pays est tellement divisé et meurtri à cause de la politique de terre brûlée appliquée par le président syrien Bachar el-Assad pour se maintenir au pouvoir coûte que coûte, qu’aucune solution ne semble en vue. En effet, le régime syrien ne contrôle plus que 25 % du territoire, comprenant ce qu’on qualifie par la Syrie utile, à savoir Damas et le littoral méditerranéen de Lattaquié, fief des alaouites, relié par la région de Homs.
Détruisant symboliquement le poste-frontière entre l’Irak et la Syrie, les jihadistes du groupe État islamique (EI) s’installent en Syrie dès 2013, notamment à Raqqa et Deir ez-Zor, puis progressent vers le centre et le nord du pays, prenant la ville de Palmyre et touchant la banlieue d’Alep et de Damas. En gros, près de la moitié du pays. Le reste de la Syrie est entre les mains de plusieurs groupes jihadistes affiliés à el-Qaëda à l’instar du Front al-Nosra, ou de groupes rebelles chapeautés par l’Armée syrienne libre (ASL). Sans oublier les milices kurdes qui tentent de créer une zone autonome dans le Nord-Est, appelée Rojava.

Encore plus grave que les divisions géographiques et démographiques, la répression du régime syrien a complètement détruit les villes rebelles, et brisé tout lien possible entre une population martyre, terrorisée d’une part par les sbires et alliés du pouvoir comme les chabbiha et le Hezbollah, mais aussi par les exactions barbares des jihadistes. Rappelons aussi qu’en août 2013, le régime Assad a été accusé d’avoir utilisé des armes chimiques sur des zones tenues par les rebelles dans la banlieue de Damas (Ghouta orientale).
Le conflit syrien a fait en cinq ans près de 260 000 morts, et des centaines de milliers de disparus. Près de la moitié de la population est déplacée ou réfugiée à l’intérieur du pays ou dans les États voisins, et plus d’un million a émigré en Europe créant l’une des plus graves crises humanitaires depuis la Seconde Guerre mondiale.

Polarisation
La déchirure syrienne est d’autant plus profonde que le pouvoir machiavélique d’Assad a su transformer la contestation populaire contre son régime en une guerre communautaire entre la majorité sunnite, d’une part, et les minorités terrifiées de la montée de l’extrémisme islamique, d’autre part, notamment les alaouites, druzes et chrétiens qui sont tombés dans le piège annoncé par Assad : lui ou les terroristes.
L’autre drame des Syriens a été l’échec de l’opposition à s’unir contre Assad. Divisée entre ceux de l’intérieur et ceux de l’extérieur, entre les différents courants idéologiques, manipulée entre les différents parrains (Arabie saoudite, Turquie, Qatar), délaissée par les Occidentaux, l’opposition syrienne n’a pas été à la hauteur des enjeux.
Par contre, Bachar el-Assad a su profiter non seulement de la crainte occidentale face aux jihadistes, mais aussi d’une conjoncture régionale et internationale polarisée, pour chercher l’appui des Iraniens et des Russes. Les premiers ont envoyé des milliers de combattants chiites venant d’Irak, d’Afghanistan et du Liban pour combattre aux côtés du régime. Les seconds sont intervenus militairement depuis septembre 2015 pour soutenir une armée loyaliste essoufflée.

Sur le plan de la lutte contre le terrorisme, une coalition internationale menée par les États-Unis a été mise sur pied en 2014 pour combattre l’EI, la menace jihadiste ayant frappé l’Europe.
La guerre en Syrie est devenue un bourbier, aucun camp n’étant capable de l’emporter. Mais les choses se sont précipitées depuis 2015 : les attaques terroristes, l’intervention russe, l’accord nucléaire avec l’Iran, la crise des réfugiés… Une série d’événements a enfin permis à la communauté internationale de réagir en organisant plusieurs conférences en vue de trouver une solution politique à la crise syrienne.
Après la paralysie de l’Onu au cours de ces quatre dernières années à cause des veto russes et chinois, le Conseil de sécurité a adopté à l’unanimité une résolution soutenant un plan de paix en Syrie. Elle prévoit des négociations entre le régime et l’opposition qui doivent débuter fin janvier.
De bien minces espoirs quand on connaît les raisons de l’échec des précédentes tentatives (Genève I et II)…