La stratégie du régime : Fermeture des porte d’un règlement pacifique – par Michel Kilo

Article  •  Publié sur Souria Houria le 18 octobre 2012

Il y a une idée répandue parmi les opposants syriens, qui voit les dirigeants du régime comme un groupe de fous qui se débat dans la vie d’une manière hasardeuse, sans plans, ni raison qui gouvernent leurs mouvements, ou leur objectifs qui régissent leurs comportements, sans capacité de voir au-delà de leurs petits bouts de nez. En même temps, une autre idée opposée circule dans les rangs de l’opposition, fondée sur la perplexité d’un régime possédant de tels caractère, comment a -t-il la capacité à perdurer pendant près d’un demi-siècle, en dépit de la gravité des difficultés qu’il avait rencontré souvent, et d’attribuer son existence à d’étranges coïncidences ou complots extérieurs ou événements cachés difficiles à comprendre, pourtant tout le monde était convaincu de son existence.

Durant longtemps une idée avait promu la stupidité des gens du régime et leurs retard mental, lors de l’évaluation des politiques du régime au cours de la crise actuelle, qui considérait sa politique comme une forme de pataugeage à l’aveuglette, incarnant la fuite des choses des mains de ceux qui possèdent le pouvoir et la décision, qu’ils sont incapables de comprendre ce qui se passe, que leurs choix erronés dans la prise de positions sont dictés par leurs déficiences mentales et morales, les plaçant ainsi dans des positions contraires à l’éthique de conduite nationale, et nécessitant des condamnations, (…)

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Le régime s’est préparé pour répondre à la révolte avant même qu’elle n’explose, il avait établi des plans détaillés et un processus pour l’éliminer, il avait équipé les forces nécessaires pour cela, il avait fait tout d’une manière cohérente et uniforme, et s’est lancé dans sa politique en se basant sur une surveillance minutieuse de ce qui s’est passé durant les révolutions arabes, les renseignements et les points de vues recueillis sur des perspectives d’une éventuelle révolution syrienne, mettant l’accent sur le fait de ce que représente l’esprit de cette révolution et sa véritable essence, incarnée par l’union des deux sociétés : civile et populaire, rassemblée autour des valeurs de la société, d’abord civile, adoptées par la deuxième communauté, populaire; pour la première fois dans l’histoire, le tout concentré autour du citoyen en tant qu’être humain défini par la liberté et ce qui l’exprime à travers un système démocratique participant aux affaires publiques.

Quel était le plan du régime face à cette nouveauté, d’articulations et de transformations dans l’histoire de l’Orient et des Arabes, il craignait qu’elle ne puisse le vaincre, si jamais il la laissait perdurer et croitre, sans l’écraser dès les premiers étapes de sa mobilisation ? Les patrons des plans politiques répressives ont installé des plans pour séparer les deux communautés civile et populaire l’un de l’autre, en éliminant radicalement le premier, guide de la Révolution et son organisateur, représenté par la jeunesse, les intellectuels, les enseignants, les universitaires, les artistes, les avocats, les professeurs d’université, les médecins, les ingénieurs, les petits et moyens commerçants et les hommes d’affaires, utilisant en permanence une violence énorme, susceptible à l’escalade contre la deuxième société civile, pour la forcer à marcher derrière les leadership traditionnels et confessionnels si jamais elle se présente au cours du conflit, et l’exhorter à exercer une contre violence face à la violence officielle, dont son expansion mènerait à éliminer le caractère social du mouvement, forçant ainsi une grande partie du secteur populaire à quitter la rue pour rester chez elle, et de transformer la lutte populaire pour la liberté en combats à caractère et identité sectaire, et le peuple uni et unifié en groupes et regroupements contradictoires, dont l’existence de l’un est anéanti à certains égards par l’existence de l’autre, et que le processus pour régler leurs différences, serait à travers les armes et la violence mutuelle, en confirmation d’une thèse autoritaire autour de ce qui se passe en Syrie, soit disant des combats entre une autorité légitime et des groupes armés: Banditisme hors la loi.

Ce plan a été appliqué par le régime sans relâche. Ne laissant aucune relation, ou ordres ou pression qui pourrait le dévier de son trajectoire, usant tout au long de son application d’une quantité énorme de violence voulue provocatrice, poussant les deux sociétés (civile et populaire) de sortir de leur rationalisme et leur humanisme, les plongeant dans des options violentes et factionnaires, qui ne peut redresser une nation en sa présence, parce que le régime, qui a soulevé le slogan « Al Assad ou on brûle le pays », ou« Al Assad ou personne d’autre », avait agi sur la base que le prix dont les Syriens doivent payer pour se débarrasser de lui, ne peut être inférieur à vider le pays de ses habitants ou de le brûler, le laissant au plus bas niveau, et ceci pour élever le prix de la liberté pour servir le régime, qui barre la Syrie comme équations de force dans la région, en éliminant l’état et la société, et se mettre au merci des Etats-Unis et d’Israël: les plus grands bénéficiaires de sa politique d’un escalade destructeur, basé sur une équation terrible, dont son premier tranchant est le régime, et le deuxième est la Syrie, alors, soit elle existera grâce à son existence ou elle n’existera plus si jamais, lui, il tomberait.

Ce plan, aurait dû développer un esprit d’extrémisme et d’irrationalisme du côté populaire, et éliminer les chances pour des solutions pacifiques, interne du côté politique, comme il aurait dû ouvrir une variété de façons, pour conclure des arrangements avec l’extérieur, et puisque ce régime a été créé en 1970 dans un incubateur externe, faisant partie d’une série de coups d’État que la région avait vécue à cette époque, renforçant ainsi la présence et le contrôle des Américains, et transformant l’équilibre entre eux et les Soviétiques à l’intérieur: du Soudan au sud jusqu’à la Syrie et l’Irak au nord et à l’est, en passant par l’Egypte et le Liban. Pour ce qui précède, il était nécessaire de bloquer les portes des accords de paix et ouvrir les issus de la violence, en sapant le principe du dialogue et de la négociation en tant que moyen possible pour résoudre la crise, en unifiant solidement le pouvoir et évitant à tout prix toute faille de s’y produire, tout en oeuvrant à fragmenter l’opposition, provocant un maximum de contradictions entre les parties et leurs composants; saper les aspects démocratiques en action, ainsi que les forces civiles, pacifiques et nationales en lutte, poussant la situation jusqu’à attirer les querelles entre les combattants, par un extrémisme ascendant : le pouvoir qui a dévoilé son visage comme une classe anti-sociale, et les sectaires, islamistes et laïque comme dirigeants qui ont un intérêt pour dévier le mouvement  de son trajectoire libre et démocratique, pour qu’enfin le transformer en un mouvement sectaire / confessionnel détaché de ses principes, puis l’utiliser pour intimider et terrifier les minorités, pour les forcer à soutenir le pouvoir et sa politique, jusqu’à où le pays atteint un état de conflits, développant un esprit d’extrémisme et d’irrationalisme du côté populaire, afin que la majorité puisse remplacer les moins extrémistes, atteignant ainsi l’objectif final et réel du régime : forcer le monde à faire son choix entre lui et les organisations islamiques extrémistes comme les salafistes, jihadistes et d’Al Qaïda, ne lui laissant comme préférence que son soutien par crainte de répéter l’expérience irakienne, où al-Qaïda avait mené l’armée des Etats-Unis au bord de l’effondrement entre 2003 et 2006, et que l’arrivée des islamistes fondamentalestes au pouvoir à Damas pourraient faire peur à Israël, ce qui a poussé ce dernier à continuer d’adhérer au régime, qui n’avait cessé de garantir, jusqu’ici, sa sécurité régionale, évitant de le perturber dans le Golan depuis une quarantaine d’années, malgré l’annexion du territoire, lui imposant sa propre souveraineté.

Sur le terrain : des efforts concertés des deux côtés extrémistes, les officiels et les opposants sectaires contre les forces civiles et démocratiques, c’est le régime qui s’abstenait à ordonner le bombardement de zones qui sont soumises aux organisations des extrémistes islamiques et radicales, tandis que des interventions internationales et régionales assuraient la neutralité de la plupart des officiers de l’armée officielle, qui ont fait défection, et qui vivent en Turquie et en Jordanie, tandis qu’à l’intérieur, la décision militaire des leaders comme Abu Dujana ou Abou Doujaja, domine sur des grandes zones, et où le militaire professionnel est soumis à un extrémiste qui croit que sa disponibilité à devenir un martyre avec une ceinture d’explosifs est la plus haute forme de la science militaire, que lui seul pourrait réaliser la victoire.

 

C’est la politique du régime depuis le début de la crise à ce jour. si elle n’était pas en mesure de freiner le peuple et briser son épine, ses paris sont toujours porteurs de graves risques pour la Syrie, pour son avenir et sa révolution, qui doit retrouver son premier rationalisme et la liberté demandée par son peuple, et de prendre en compte le risque que représentent l’extrémisme islamique et sectaire sur le peuple, et d’y voir dans le capitalisme du régime une raison qui pourrait forcer le monde à accepter son maintien au pouvoir, dans un pays détruit et qui a besoin de longues décennies pour se redresser, si jamais un jour donné il pourrait réussir à y parvenir.

Cette solution réaliserait la sécurité du Golfe, qui ne serait, sans doute, pas triste de l’échec de la révolution syrienne, et serait plus heureux avec un régime faible, malade et mis à genoux assez longtemps bien avant qu’il n’accepte de lui octroyer le moindre sou du pétrole arabe, d’assurer également la sécurité d’Israël, qui a exprimé beaucoup de fidélités envers ce régime durant la crise, comme elle satisferait les Amériques, qui laisserait au pouvoir un régime qui n’a d’autre ennemi que son peuple, qui, lui, est dangereux pour ses amis et pour les systèmes dans le Golfe, aussi, ce régime Assadiste serait mis du côté de l’Occident dans la lutte contre l’Iran, et représenterait un coup trop violent pour les Russes, qui hériteraient d’une catastrophe humanitaire, et risquerait de consommer beaucoup de leurs potentiels, d’autant plus qu’il aurait le fardeau de la reconstruction d’un pays devenu plus proche d’une cimetière en désolation qu’une nation, et, enfin, permettrait à chaque pays de la région d’imposer ce qu’il veut sur le régime d’Assad, qui ne serait plus en force pour lever sa main de sa jambe sans permission externe et sans intervention régionales et internationales dont il n’a pas le choix à part la soumission.

Je ne doute pas de la victoire du peuple syrien. Mais le proverbe dit: « celui qui ne compte pas ne saura par tenir ». Il est peut-être parmi les premiers principes de bon compte, c’est de cesser de considérer les dirigeants du régime comme une bande d’idiots, et de comprendre leurs choix et leurs propres idées, de développer des réponses efficaces, rationnelles et patriotiques face aux menaces qui la guettent. En fin de compte, savoir qu’elle porte beaucoup de risque pour la nation et le peuple, si nous voulions être responsables devant notre pays et notre peuple!

Michel Kilo

écrivain politique syrien