Le Guernica multiplié par 6 de la Syrie – Bernard Guetta

Article  •  Publié sur Souria Houria le 11 février 2012

Le Guernica multiplié par 6 de la Syrie

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    Il n’y a bien sûr pas que la Syrie. Jusqu’en Europe, jusqu’en France, la misère et le désespoir ne sont que trop présents partout mais, entre la plus odieuse des misères et le massacre organisé d’un peuple par son propre gouvernement, il y a toute la différence entre l’injustice et la barbarie.

Hier, les soldats… Non, pas les soldats, les tueurs de Bachar al-Assad en étaient à leur sixième jour de pilonnage de la ville de Homs, centre industriel et troisième ville de pays. Pour la sixième journée consécutive et, sans doute pas la dernière, ils écrasaient sous les bombes des quartiers entiers, des maisons, des immeubles dont les occupants ne peuvent pas même fuir puisque Homs est cernée et que les tueurs tirent sur tout ce qui bouge, hommes, femmes, enfants et vieillards.

 

On ne compte plus les blessés. On dit 60 morts tel jour, 100 tel autre mais qui va lever les décombres et compter les cadavres ? Les bilans, ce sont les corps que l’on voit, projetés sur la chaussée, les enfants tués dans les bras de leurs mères qui avaient préféré leur faire tout risquer plutôt que l’ensevelissement. Les bilans ne veulent rien dire car c’est en un mot, Guernica, la ville martyre de la Guerre d’Espagne elle aussi délibérément anéantie sous les bombes, mais Guernica fois 6, six jours déjà de Guernica.

Alors comment dire ?

Comment dire une ville qui n’a plus rien, ni médicaments ni pansements, ni nourriture ni électricité ? Comment dire les tentatives d’opération sans anesthésie dans des caves où ceux des médecins qui ont échappé aux tueurs tentent, malgré tout, contre tout, de sauver des vies tandis que d’autres blessés se vident de leur sang sans que personne ne puisse rien pour eux ?

Comment dire les pleurs, les cris, les gosses hallucinés dont les parents viennent de mourir déchiquetés sous leurs yeux, cet assassinat collectif et programmé d’une ville que ces sauvages veulent plus que briser. Ils veulent la décimer, la noyer dans le sang, la torturer car elle est la capitale de l’insurrection syrienne, celle qui n’a jamais cédé, jamais reculé, et dont il faut brandir sa tête pour faire un exemple et tenter d’intimider la Syrie entière.

Au point où sont les tueurs, qu’importe pour eux que le monde sache. Ils ont déjà cent fois de quoi justifier cent condamnations à perpétuité devant la Cour pénale internationale. Ils n’ont plus rien à perdre et veulent, au contraire, que le monde sache afin que les télévisions satellitaires répercutent cette tuerie jusque dans chaque foyer syrien pour décourage de nouvelles manifestations.

A ce degré d’horreur, on ne sait plus. On en viendrait presque à souhaiter qu’ils gagnent pour que cela cesse mais, s’ils gagnaient, leur vengeance serait plus effroyable encore et les deux seuls espoirs sont donc que les désertions deviennent vraiment massives et que, malgré la Chine, l’Iran et la Russie, malgré les complices de ce crime, l’Europe, la Turquie, les Etats-Unis et la Ligue arabe trouvent les moyens de faire reculer l’assassin de Damas.

Mobilisés, leurs gouvernements s’y essaient mais l’heure tourne et Homs se meurt.

Source: http://www.franceinter.fr/emission-geopolitique-geopolitique-32