Le pouvoir russe, contesté à Moscou, cherche à soigner son image à l’extérieur – par Natalie Nougayrède

Article  •  Publié sur Souria Houria le 16 décembre 2011

Confronté en Russie à une contestation de rue qui, pour la première fois en dix ans, fragilise la légitimité de son pouvoir, Vladimir Poutine semble soucieux d’envoyerquelques signaux sur la scène internationale pour dissuader les critiques.

Deux annonces concomitantes, faites jeudi 15 décembre, ont donné cette impression. La première : une promesse d’aides financières russes pour la zone euro, survenue alors que le président Dmitri Medvedev participait à Bruxelles à un sommet Union européenne-Russie où l’atmosphère était alourdie par le constat de multiples fraudes électorales lors des législatives russes du 4 décembre, ainsi que les arrestations d’opposants qui avaient suivi.

Le second signal est survenu à l’ONU, où après des mois de blocage sur la Syrie, la diplomatie russe a soudainement mis sur la table un projet de résolution épinglant l’« usage disproportionné de la force par les autorités syriennes » et exhortant « le gouvernement syrien à cesser de réprimer ceux qui exercent leur droit à la liberté d’expression ».

Sans satisfaire, tant s’en faut, toutes les demandes des Occidentaux – puisque ce texte met sur un même plan les violences perpétrées par les forces de l’ordre syriennes et celles attribuées à des groupes en lutte contre le régime de Bachar Al-Assad – ce retournement russe traduit un souci manifeste de se sortir de l’ornière d’un isolement diplomatique qui risquait de devenir gênant en termes d’image. Moscou avait pu observer en effet ces derniers temps que son partenaire traditionnel à l’ONU, la Chine, s’était mise plus en retrait.

Chose frappante, le geste russe, aussi dosé soit-il, survient à l’approche d’une nouvelle réunion, prévue samedi, de la Ligue arabe, consacrée à la crise en Syrie. La Russie, sans lâcher complètement son allié syrien – point d’appui majeur au Moyen-Orient avec lequel elle entretient d’importants liens militaires (livraisons d’armements) et différents calculs stratégiques (base navale russe de Tartous en Méditerranée) – semble ainsi soucieuse de ne pas se couper de l’organisation arabe régionale, dont le rôle n’a cessé de se rehausser.

Le régime de Vladimir Poutine paraît ainsi rechercher à l’extérieur le moyen deneutraliser l’effet négatif produit par la vague de contestation politique qui le menace en interne. Il envoie un double message : l’un adressé aux Européens à propos de l’euro, dont la fragilité est présentée comme une préoccupation commune ; l’autre à l’ONU, où Moscou semble vouloir donner des gages de multilatéralisme.

Le dossier de la Syrie avait donné lieu ces derniers temps à une série de commentaires cinglants des Occidentaux, en particulier de la France, en pointe pour la mobilisation contre le régime de Bachar Al-Assad: Moscou se voyaitreprocher de mettre à mal toute l’autorité du Conseil de sécurité de l’ONU.

Le pouvoir russe semble chercher à sortir, par une forme de tactique des petits pas, d’un positionnement qui risquait de miner sa marge de manœuvre, à l’heure où d’autres dossiers demeurent des contentieux avec les Occidentaux : le bouclier antimissile de l’OTAN en particulier.

L’aide russe offerte à la zone euro illustre la conviction de l’équipe au pouvoir à Moscou que les Européens se trouvent en position de faiblesse pour lui faire des reproches à propos de ses dérives autoritaires. La contribution russe pourrait s’élever à 20 milliards d’euros, parle biais du FMI, a indiqué jeudi un conseiller de la présidence russe.

 source: http://www.lemonde.fr/europe/article/2011/12/16/le-pouvoir-russe-conteste-a-moscou-cherche-a-soigner-son-image-a-l-exterieur_1619734_3214.html#ens_id=1481132