Les militants syriens, prix du net-citoyen 2012 – par Damien Leloup

Article  •  Publié sur Souria Houria le 13 mars 2012

Le centre des médias des comités locaux de coordination en Syrie a reçu, lundi 12 mars, le prix du net-citoyen 2012 décerné par l’organisation de défense de la liberté d’expression Reporters sans frontières, avec le soutien de Google, pour la journée contre la cybercensure. Entretien avec Jasmine, Syrienne expatriée qui a reçu ce prix au nom de l’organisation.

Comment fonctionnent les comités locaux de coordination ?

Nous travaillons vingt-quatre heures sur vingt-quatre pour rapporter des informations fiables sur la situation en Syrie. Nos membres recueillent des témoignages sur le terrain, qui sont ensuite vérifiés, puis traduits de l’arabe en anglais et diffusés au plus grand nombre. Nous sommes également en contact avec de nombreux journalistes pour leur apporter directement des informations sur la situation, leur donner des contacts sur place… Et nous avons également créé des branches financières ou légales pour conseiller les personnes qui en ont besoin.

Tout cela s’est mis en place de manière spontanée au début du soulèvement. Mais encore aujourd’hui, nous sommes régulièrement contactés par des volontaires, et nous avons toujours besoin d’aide, notamment pour traduire nos rapports quotidiens sur la situation en Syrie.

Comment assurez-vous la sécurité des personnes qui vous transmettent des informations ?

Nous avons mis en place des protocoles de sécurité très stricts pour nous assurer que les couvertures de nos témoins et journalistes sur place ne soient pas percées à jour. La première règle est de ne jamais donner d’informations personnelles : aucun nom, aucun détail de localisation, aucun visage.

Chaque militant est potentiellement sous surveillance ; il est impératif que les seules informations qui nous parviennent concernent les événements sur place et ne permettent pas d’identifier le témoin.

Des logiciels européens et américains de surveillance d’Internet ont été vendus au régime syrien. Faut-il interdire la vente de ces programmes ?

Bien sûr : il faut que le monde sache que lorsque l’on fournit la technologie qui permet de commettre un crime, on est complice de ce crime. Vendre au régime syrien des technologies qui permettent de traquer des activistes, c’est se rendre complice de la répression. Nous supplions les pays et les entreprises concernés de cesser de fournir ce type d’outils à la Syrie et aux autres régimes.

Les événements de ce week-end montrent que les derniers soutiens de Bachar Al-Assad s’amenuisent, mais l’armée a de nouveau pilonné plusieurs villes et fait des dizaines de morts. Comment voyez-vous la suite des événements ?

Le régime syrien voit ses derniers alliés le lâcher et il est sur le point de s’effondrer. Nous restons très optimistes sur l’issue de ce conflit. C’est, au pire, une question de mois avant que le régime ne s’écroule si la mobilisation se poursuit.

Nous demandons au gouvernement français, comme à tous les gouvernements, d’envoyer un message clair : il faut cesser les violences, et Bachar Al-Assad doit quitter le pouvoir. C’est aussi simple que cela, mais il faut agir vite ; à chaque minute qui passe, un enfant meurt en Syrie.

Propos recueillis par Damien Leloup

source: http://www.lemonde.fr/technologies/article/2012/03/12/les-militants-syriens-prix-du-net-citoyen-2012_1656721_651865.html#ens_id=1481132