les promesses jamais tenues de Bachar el-Assad – Par Catherine Gouëset et Sébastien Lavandon

Article  •  Publié sur Souria Houria le 13 septembre 2013

Le régime syrien a promis de cesser la production d’armes chimiques. Voilà deux ans et demi que ses engagements restent lettre morte, tandis que la guerre ravage le pays. Retour sur le double langage du dictateur syrien.

Sous la menace de frappes occidentales, le régime syrien promet de se joindre à la Convention sur l'interdiction des armes chimiques et d'en cesser la production. afp.com/Abo Shuja En savoir plus sur http://www.lexpress.fr/actualite/monde/proche-orient/les-promesses-jamais-tenues-de-damas_1063649.html#m7e3PXB6Hp1M6BFC.99

Une ruse de plus d’un régime qui ne cesse de piétiner ses engagements. « Nous sommes prêts à annoncer où se trouvent les armes chimiques, cesser la production d’armes chimiques et montrer ces installations aux représentants de la Russie, d’autres pays et de l’ONU », a déclaré mardi le ministre syrien des Affaires étrangères Walid Mouallem. « Notre attachement à l’initiative russe a pour objectif de cesser de posséder toutes les armes chimiques ».

Mais voilà deux ans et demi que le régime de Bachar el-Assad multiplie les déclarations d’innocence et les annonces vertueuses, tout en exerçant une répression de plus en plus féroce contre le peuple syrien qui s’est soulevé pour réclamer la fin de plus de 40 années de tyrannie, au moyen de chars, d’hélicoptères, de bombardiers, de missiles scud et d’armes chimiques. Retour sur les mensonges du boucher syrien.

16 avril 2011: levée de l’état d’urgence

La contestation débute à la mi-mars. Dès les premiers jours, le régime tire sur les manifestants: un mois plus tard, on compte une centaine de morts. Le 16 avril, le régime annonce la prochaine levée de l’état d’urgence -en vigueur depuis 50 ans- et l’autorisation des manifestations pacifiques, mais la répression redouble. Le 22 avril, les forces de l’ordre tirent sur les dizaines de milliers de Syriens qui sont descendus dans la rue, tuant 40 personnes. Le 25, Deraa est assiégée et pilonnée.

31 mai 2011: amnistie générale pour les opposants

Le régime promet l’amnistie générale pour tous les membres des Frères musulmans et les détenus politiques, le 31 mai. Le 3 juin, 34 personnes sont tuées à Hama par les forces de police. Un mois plus tard, Amnesty international déclare que « des centaines (de prisonniers) se trouvent toujours en détention; beaucoup sont détenus au secret et risquent la torture et d’autres formes de mauvais traitements ». Fin juin, une nouvelle « amnistie générale » est décrétée, mais elle exclut plusieurs centaines de personnes incarcérées pour leur implication dans des manifestations politiques pacifiques, selon Amnesty.

20 juin 2011: Assad propose un dialogue national

Confronté à des manifestations grandissantes, le régime propose la tenue, début juillet, d’un dialogue national, que refuse l’opposition. Selon elle, cette réunion n’ouvre pas la voie à une véritable transition politique en Syrie, au contraire elle semble confirmer l’entêtement du régime à se maintenir au pouvoir.

En marge de ce dialogue de façade, les violences et la répression ne faiblissent guère: le site d’information SNN (Shaam News Network) -des militants syriens- révèle notamment la mort de 17 soldats tués par les forces de sécurité pour avoir refusé de tirer sur des manifestants, à la frontière syro-turque.

4 août 2011: instauration du multipartisme

Le président Bachar el-Assad promulgue, le 4 août, un décret autorisant le multipartisme. La veille, la répression a fait 37 morts. Face à la multiplication des violences, sans perspective de paix, la communauté internationale commence à faire pression sur Damas. Plusieurs pays arabes, dont l’Arabie Saoudite, rappellent leurs ambassadeurs.

17 août 2011: fin des opérations militaires et policières

Le chef d’Etat syrien annonce la fin des « opérations militaires et policières » contre les contestataires, dans une conversation téléphonique avec Ban Ki-moon, secrétaire général des Nations Unies, le 17 août. Deux jours plus tard, 14 morts sont recensés dans le sud du pays. Entretemps, une mission d’enquête de l’ONU publie un rapport indiquant que la répression est telle qu’elle pourrait « relever de crimes contre l’humanité ».

D’août à octobre 2011: Damas promet des réformes et la fin de la répression

Le 10 septembre, la Ligue arabe convient avec le président syrien d’une série de mesures destinées à mettre fin à la répression. Mais une semaine plus tard, les Syriens qui descendent dans la rue sont la cible des balles des forces de sécurité. Bilan: 22 morts.

Le 7 octobre, Assad assure que « le processus de réforme se poursuit », mais alors que la répression depuis le début de la crise a fait plus de 2700 morts, la Chine et la Russie opposent leur veto à l’ONU à un projet de résolution condamnant la répression et menaçant Damas de « mesures ciblées ».

2 novembre 2011: signature du Plan de paix de la Ligue arabe

Un plan de la ligue arabe prévoyant le retrait de l’armée, la libération des prisonniers, la venue d’observateurs de la Ligue arabe et la reprise des négociations avec l’opposition est sur la table des pourparlers. Le 2 novembre, la Syrie l’accepte sans conditions. Mais, dans les six jours qui suivent, 70 personnes sont tuées par le régime.

Malgré les pressions qui se multiplient -éviction de la Syrie de la Ligue arabe, sanctions économiques par les pays arabes et occidentaux-, la Ligue revoit à la baisse la portée de son plan de paix, en se limitant au seul envoi d’observateurs étrangers sur le territoire syrien.

19 décembre 2011: la Syrie accepte la venue d’une délégation d’observateurs arabes

Damas accepte, le 19 décembre, la venue d’observateurs arabes, qui arrivent trois jours plus tard dans le pays. Mais sur le terrain rien ne change: au 29 décembre, on dénombre 400 tués depuis l’arrivée des observateurs. Leur mission coïncide avec l’une des semaines les plus meurtrières depuis le début de la vague de contestation. Parmi les victimes, des soldats déserteurs qui tentent de fuir leurs postes de l’armée régulière ainsi que des manifestants venus acclamer la délégation de la Ligue arabe.

15 janvier 2012: Assad promulgue une troisième amnistie générale

Le président syrien décrète une nouvelle amnistie générale (après celles de mai et juin 2011) pour les « crimes commis pendant les événements ». Mais l’Organisation syrienne des Droits de l’Homme dit disposer de « preuves que plusieurs personnes qui devaient bénéficier de ces mesures sont toujours en détention ».

26 février 2012: les Syriens appelés à voter pour une nouvelle Constitution

Bachar el-Assad organise un référendum sur une nouvelle Constitution fondée sur le pluralisme, qui supprime l’hégémonie du parti Baas. 26 personnes sont tuées au cours de la même journée.

27 mars 2012: Damas approuve le plan de paix de Kofi Annan

L’émissaire de l’ONU, parvient à une entente avec le chef de l’Etat syrien sur l’adoption d’un texte qui permettrait de régler le conflit. Ce texte, qui a obtenu l’aval de la Russie et de la Chine, mentionne l’arrêt immédiat de toute forme de violence armée par toutes les parties (en commençant par un retrait des forces syriennes des centres de population), le renoncement à utiliser des armes « lourdes », le secours à toutes les zones de combats et la libération de prisonniers détenus arbitrairement.

3 avril 2012: Damas accepte de commencer à appliquer le plan de paix

Le régime syrien promet à Kofi Annan d’entamer « immédiatement » un désengagement militaire. un cessez-le-feu entre en application. Une résolution de l’ONU prévoit l’envoi d’observateurs qui arrivent en Syrie le 15. Mais pas plus que les précédentes, la promesse d’accalmie n’est pas tenue, et la mission des observateurs, sans cesse entravée, est suspendue en juin, en raison de l’intensification de la violence, alors qu’on a atteint un bilan de 10 000 morts.

Le 2 août, le médiateur de l’ONU et de la Ligue arabe jette l’éponge après cinq mois d’efforts infructueux. Début décembre, l’ONU retire son « personnel non essentiel » du pays. .

27 janvier 2013: suspension de toute poursuite judiciaire contre l’opposition

Le régime annonce la suspension de toute poursuite judiciaire contre les membres de l’opposition politique autorisés à participer au « dialogue national » -non sans préciser que « ces forces de l’opposition seront désignées par le gouvernement « … Le 30 janvier, l’ONU publie ses derniers chiffres: le conflit a fait 60 000 morts.

Au cours des mois suivants, renforcé par l’engagement du Hezbollah et les hésitations de la communauté internationale à soutenir les rebelles, le régime cesse ses promesses et multiplie au contraire les déclaration guerrières et triomphalistes sur la proche élimination des « terroristes ».

26 juillet 2013: Damas accepte une enquête de l’ONU sur les armes chimiques

Après les accusations répétées d’utilisation d’armes chimiques et les preuves qui s’accumulent, l’ONU parvient à un accord avec Damas pour enquêter sur ces armes. Mais le régime d’Assad insiste pour que les experts n’enquêtent que sur ses affirmations selon lesquelles les rebelles auraient fait usage d’armes chimiques dans la ville de Khan Al-Assal, le 19 mars. Dix inspecteurs de l’ONU arrivent à Damas, le 18 aout, mais il n’est pas prévu qu’ils cherchent à établir qui a utilisé ces armes.

24 aout 2013: Damas autorise une enquête sur l’attaque de la Ghouta orientale

La très vive indignation internationale provoquée par l’attaque chimique du 21 août qui a fait plus d’un millier de morts dans la Ghouta orientale, contraint le régime à autoriser une enquête de l’ONU.

10 septembre: la Syrie veut « se joindre à la Convention sur l’interdiction des armes chimiques »

Alors que les Etats-Unis et la France tentent d’organiser une coalition militaire pour mener des frappes punitives contre le régime syrien qu’ils accusent d’être l’auteur de l’attaque du 21 aout, la Syrie saisit la perche tendue par la Russie la veille: Moscou propose que l’ arsenal chimique syrien soit placé sous contrôle international. Damas annonce vouloir « se joindre à la Convention sur l’interdiction des armes chimiques » et cesser leur production.

Après tous les engagements non tenus, un bilan de 110.000 morts et plus de 6 millions de déplacés, qui peut encore croire à ces engagements de pacotille.

Source: http://www.lexpress.fr/actualite/monde/proche-orient/les-promesses-jamais-tenues-de-damas_1063649.html