Les syriens aussi veulent leur 14 juillet

Article  •  Publié sur Souria Houria le 15 juillet 2013

Les syriens aussi veulent leur 14 juillet

Lettre ouverte de la Coalition Nationale Syrienne au peuple français

Les citoyens français se sont unis cette semaine pour célébrer leur révolution. Face à l’oppression d’un régime sans partage, fondé sur les inégalités et la confiscation du pouvoir, le mouvement populaire français de 1789 fut sans égal. Mais les manifestations pacifiques d’un peuple exsangue ne suffirent pas. L’appel à prendre les armes, à la Bastille, vous apparut évident, et il l’était, motivé par la croyance fondamentale que les hommes naissent tous libres et égaux, et qu’il leur appartient de décider qui les dirige. Cette conviction a été payée au prix fort par votre nation.

Les guerres révolutionnaires, contre les forces d’un pouvoir autocratique honni puis contre ses soutiens de l’étranger venus le maintenir en place, ont ravagé une grande partie de la France, coûtant la vie à des dizaines de milliers de citoyens. Les français étaient prêts à payer ce prix du sang, et personne ne peut aujourd’hui contester le fait que la France et le monde aient bénéficié de ce sacrifice ultime, le sang de la nation versé pour la liberté.

Depuis plus de deux ans, le peuple syrien, lui aussi, a commencé sa révolution. Car depuis près de cinquante ans, notre pays est pris en otage par un régime de surveillance, de répression et de corruption, qui n’a pour seul intérêt que de servir les siens. Depuis plus de deux ans, notre peuple a souffert les mêmes horreurs que le vôtre, les mêmes combats, les mêmes excès, les pleurs et les joies, le sang, les larmes, mais encore, surtout et toujours, l’espoir. L’espoir de voir un jour s’ériger une démocratie respectueuse de tous, fondée sur l’état de droit et les libertés individuelles.

Forcés de vivre dans un état perpétuel de peur, d’intimidation et d’injustice, la vaste majorité des syriens étaient jusqu’alors réduits au silence, la parole politique interdite, les médias muselés, la liberté foulée au pied jour après jour par un régime ne reculant ni devant l’arbitraire, ni la torture, ni les massacres d’opposants, ni même les bombardements de zones civiles.

En mars 2011, les syriens se sont soulevés pour protester pacifiquement et demander des réformes politiques qui transformeraient ce système de répression automatique et aveugle en un système politique démocratique en Syrie. Dans les villes d’Homs, de Damas ou de Banyas, le peuple syrien a manifesté son opposition à des décennies d’autoritarisme. Ce qui a commencé comme des actes isolés de résistance civique s’est rapidement développé en un mouvement national puissant et irrépressible, avec des centaines de milliers de personnes dans les rues appelant de leurs vœux et de toute leur voix une Syrie libre et démocratique.

Si avec les révolutions arabes, dit-on, la parole s’est libérée, alors la Syrie constitue certainement le plus bel exemple de cette libération.

Mais l’unique réponse du régime aux appels pacifiques à des élections libres fut la violence. La police syrienne a ouvert le feu sur les manifestants civils, hommes, femmes et enfants de tous âges. Mais cela n’a pas suffit à réduire notre volonté, car la volonté du peuple grandit toujours face à un arbitraire meurtrier. Le régime de Damas a alors lancé ses soldats pour écraser nos manifestations. Ils ont tué des dizaines, des centaines et finalement des dizaines de milliers de contestataires. Réduire au silence tout dissident, voici quel a été l’objectif principal de ce sanglant régime, depuis désormais près de cinq décennies.

Confrontés aux atrocités du régime, nous, syriens, avons dû faire face à une décision difficile. Nous nous sommes demandé s’il fallait se résigner à subir la dictature en espérant un changement, si ce n’était sous Hafez al Assad, si ce n’est sous son fils Bachar, peut-être sous Assad III ou Assad IV. Espoir ténu et incertain. L’autre possibilité était de se lever, de se tenir droit, fiers de notre liberté, et d’exercer notre droit légitime en nous défendant, même si cela signifiait parfois prendre les armes, contraints et forcés, pour ériger nos libertés fondamentales, comme un jour, aussi, le fit le fier peuple de France.

Comme vous, nous avons choisi de tenir bon. Nous avons formé l’Armée Syrienne Libre (ASL), notre garde nationale à nous, pour mettre un terme à la dictature et édifier une Syrie démocratique, pluraliste et pacifiée.

Malgré la supériorité militaire du régime, auquel les soutiens étrangers fournissent jour après jour les moyens de tuer son peuple, l’ASL, même sous-armée, n’a cessé de faire courageusement front, soutenue par un grand attachement populaire.

Dans les zones qu’elle a fièrement libérées, l’ASL a été capable d’instaurer la stabilité, la loi et l’ordre. Mieux, fin juillet 2012, tous les commandants de l’ASL ont signé une déclaration de principe qui soutient la démocratie, les pleins droits pour les minorités, rejette le terrorisme et les exécutions punitives. Le mois suivant, dans le gouvernorat d’Alep, l’ASL transférait officiellement ses pouvoirs à un conseil révolutionnaire civil.

Le conseil s’est mis immédiatement au travail en fournissant les services nécessaires à la population locale. Il a ouvert une école, a rétabli les réseaux électriques, et installé des hôpitaux. Le conseil a aussi fondé des tribunaux laïcs basés sur les codes de la Ligue Arabe et créé une force de police civile pour assurer la sécurité publique.

Un syrien qui avait parcouru des dizaines de kilomètres pour aller élire ses représentants au conseil affirma que les élections représentaient « un nouvel espoir au milieu de toutes ces destructions, de tous ces meurtres. Nous obtiendrons notre liberté », avait-il conclu.

Aujourd’hui, notre expérience de la démocratie est en grand danger. Les forces du régime préparent en ce moment une offensive massive pour reprendre la province libérée d’Alep, forces d’autant plus puissantes qu’elles sont soutenues par le Hezbollah venu du Liban et entraîné par les gardes révolutionnaires iraniens. Si Alep tombait, comme ce fut le cas de Qousseir il y a peu, les coûts humains seraient catastrophiques et l’espoir d’établir une démocratie en Syrie connaîtrait alors une fin terrible.

La France et d’autres pays européens ont récemment levé leur embargo sur les armes pour l’opposition. Nous espérons que la France, pays ami de la Syrie libre et démocratique pour laquelle nous luttons, saisira cette occasion pour fournir enfin un support réel et non seulement rhétorique. Car pour repousser l’assaut imminent d’Alep, pour lutter contre l’oppression du tyran et de ses affidés étrangers, nos forces démocratiques ont besoin d’armes efficaces.

Pour qu’une transition démocratique négociée puisse avoir lieu en Syrie, le monde doit agir avec vigueur et force de conviction. Les démocraties doivent agir pour que le régime de Bachar al Assad ne puisse écraser dans le sang les aspirations démocratiques de son peuple.

Une aide militaire substantielle empêchera Bachar al Assad de continuer ses attaques aveugles sur des zones civiles, crimes condamnés par le droit international, et permettra à la révolution démocratique de continuer, et de vaincre.

Nous avons besoin de vous, français. Peuple de France, peuple ami, votre histoire et vos valeurs nous inspirent et nous aident quotidiennement à tenir devant les horreurs que nous endurons. Elles motivent notre combat. Aidez-nous à porter haut, nous aussi, les valeurs universelles de liberté et dignité qui ont inspiré votre révolution de 1789. Grâce à votre soutien et votre mobilisation, nous sommes convaincus que nous pourrons, nous aussi, un jour, fêter fièrement notre 14 juillet.

Source: http://www.syrianfacts.wordpress.com/2013/07/14/les-syriens-aussi-veulent-leur-14-juillet