«Les troupes d’Al-Assad y croient de moins en moins» interview avec Riad Seif – Hala Kodmani

Article  •  Publié sur Souria Houria le 8 juillet 2012

Réfugié à Paris, l’opposant Riad Seif a officialisé son appartenance au Conseil national syrien :

Par HALA KODMANI

Figure majeure de l’opposition, Riad Seif, 65 ans, vient de quitter la Syrie où il vivait à Damas sous étroite surveillance. Il fut l’un des principaux animateurs du printemps de Damas en 2000, et a fait deux séjours de plusieurs années en prison.

Pourquoi êtes-vous parti ?

J’ai longtemps hésité à franchir le pas, tant j’avais mauvaise conscience, mais il ne m’était plus possible de travailler à cause de la surveillance étouffante dont je faisais l’objet à Damas et des menaces sur ma vie. Je m’étonne encore de pouvoir maintenant parler librement à haute voix alors que je ne pouvais que chuchoter, même chez moi. Des caméras de surveillance étaient aussi braquées en permanence sur mes proches. A Paris, j’ai déclaré pour la première fois publiquement que j’étais membre du Bureau exécutif du Conseil national syrien [le CNS, ndlr], ce qui signifie que je ne pourrai pas rentrer tant que le régime est en place.

Vous êtes venu à Paris pour vous adresser aux «Amis du peuple syrien». Etes-vous convaincu de l’utilité de ces conférences ?

Il est certain que le peuple syrien se sent très seul aujourd’hui, et qu’il est très déçu par l’incapacité de la communauté internationale à lui venir en aide. Mais, après toute la détermination qu’il a montrée, le peuple est sûr de sa victoire. Les sanctions économiques internationales sont efficaces et entament les moyens du régime mais, pour que la population n’en subisse pas aussi les conséquences, il faut en parallèle lui donner les moyens de résister. Il s’agit d’apporter une aide financière et humanitaire aux civils, aux réfugiés, aux déplacés et, en général, aux familles victimes de la répression, mais aussi aux réseaux de résistance et à l’Armée syrienne libre[l’ASL]. Nous demandons une aide logistique et des moyens défensifs pour qu’elle puisse continuer à protéger la population et à faire face à la répression féroce des forces du régime. S’il est impossible, pour l’heure, d’établir des couloirs humanitaires ou des zones sécurisées en raison du blocage au Conseil de sécurité, une telle zone peut être envisagée, même à l’intérieur du territoire turc. Elle pourrait servir de base arrière pour les déserteurs de l’armée et pour l’ASL.

Le régime de Bachar al-Assad est-il en train de perdre le contrôle de la situation ?

Il continue de disposer d’une supériorité militaire écrasante, mais ses troupes croient de moins en moins à leur victoire. Seul le soutien de la Russie et de l’Iran permet au régime de tenir en faisant croire à ses partisans qu’il peut encore l’emporter. S’il est lâché par ces pays, il s’écroulera. C’est pourquoi nous allons répondre très vite à l’invitation adressée au CNS de venir à Moscou. Il nous faut rappeler aux Russes que c’est dans leur intérêt de soutenir le peuple syrien, qui tient à garder des liens d’amitié vieux de soixante ans.

L’après-Bachar al-Assad suscite de fortes craintes. Quelle peut être la transition ?

Un processus de transition claire et détaillé figure dans les documents adoptés à l’issue de la conférence qui vient de se tenir, au Caire, entre les différentes formations de l’opposition. Aussitôt après le départ de Bachar al-Assad et des principaux responsables qui l’entourent, la première étape est la formation d’un gouvernement de transition comprenant les forces d’opposition et des responsables du pouvoir en place qui n’ont pas de sang sur les mains – comme le vice-président, Farouk al-Chareh. De même, nous appelons les officiers de haut rang qui n’ont pas de sang sur les mains à faire partie d’un Conseil de sécurité nationale, prévu également par les documents du Caire.

Source : http://www.liberation.fr/monde/2012/07/06/les-troupes-d-al-assad-y-croient-de-moins-en-moins_831751

Date : 6/7/2012