Mise au point d’un prélat sur la situation des chrétiens en Syrie – par Ignace Leverrier

Article  •  Publié sur Souria Houria le 26 juin 2012

Audience papale aux congressistes de la ROACO

Les Associations catholiques d’aide aux chrétiens du Proche-Orient (ROACO) ont tenu à Rome, au cours de la semaine écoulée, leur réunion annuelle. Le quotidien La Croix en a rendu compte.

Audience papale aux congressistes de la ROACO

Une haute personnalité ecclésiastique, qui vit et qui travaille en Syrie, a fourni à cette occasion sur la situation des chrétiens syriens, source de préoccupation pour un grand nombre d’occidentaux, des éléments qui méritent d’être entendus.

Selon ce prélat, l’insurrection est une véritable insurrection populaire. Elle est dirigée contre un régime dictatorial sanglant qui a favorisé depuis longtemps un réseau de corruption éhonté et qui a continûment brimé les libertés individuelles. Une révolte n’était cependant pas vraiment attendue, car la situation économique était plutôt satisfaisante, comparée à celle de certains pays voisins, et quelques progrès avaient été enregistrés au cours de la décennie écoulée dans le sens d’une moins grande férocité du régime.

S’agissant des éléments salafistes et étrangers infiltrés dans l’insurrection, que le régime évoque depuis les premiers jours de la contestation pour justifier son recours aux formes les plus extrêmes de répression, cette haute personnalité considère que leur présence ne fait pas l’ombre d’un doute. Mais elle précise aussitôt que, dans leur majorité, les cadres de l’insurrection ne sont pas radicaux et certainement pas anti-chrétiens. Elle reconnaît d’ailleurs qu’elle a eu et qu’elle continue d’avoir avec eux d’excellentes relations.

Elle affirme par ailleurs qu’il n’y a pas de chasse systématique aux chrétiens de la part des insurgés. Même à Homs ou à Qusayr, où la situation extrêmement critique est due en partie à des rivalités intertribales voire maffieuses qui ne datent pas d’hier. Selon elle, si des chrétiens ont été victimes de bombardements ou d’escarmouches, un sort qu’ont aussi connu nombre de sunnites et d’alaouites, il n’est pas vrai qu’ils aient été ciblés parce qu’ils étaient chrétiens. Elle ajoute que, à sa connaissance,aucun sanctuaire chrétien n’a été attaqué en tant que tel, de façon délibérée.

Elle dénonce la rhétorique alarmiste de certains hiérarques, comme Mgr Jeanbart, évêque d’Alep, et le patriarche grec-melkite-catholique Gregorios III, et les déclarations de certains religieux et religieuses, comme Mère Agnès-Mariam de la Croix, qui prétendent que les chrétiens sont traqués par les forces révolutionnaires et que celles-ci veulent leur éradication. Selon elle, ceux qui tiennent de tels propos se livrent à de la désinformation. Elle est convaincue que ces personnalités ecclésiastiques, si elles ne sont pas stipendiées, sont au moins manipulées par le régime. En attisant les rumeurs, elles confortent la prétention du pouvoir en place à être le seul défenseur de la minorité chrétienne et elles entretiennent le spectre d’un scénario à l’irakienne. Elle redoute que cette attitude qui confine à la collaboration finisse par leur coûter très cher.

Le prélat a fourni maints exemples d’extraordinaires actes de solidarité entre chrétiens et musulmans au plus fort de la tourmente. Il précise que loin d’être « persécutés », les chrétiens, du moins jusqu’à présent, sont plutôt respectés et ménagés, tant par l’armée que par les forces insurrectionnelles. Il ajoute qu’il suffit d’être reconnu comme chrétien à un barrage ou un check point pour éviter toute difficulté majeure.

Lors de la même réunion de la ROACO, la hiérarchie catholique a attiré l’attention surl’activisme du prétendu Mgr Philippe Tournyol du Clos, « évêque de l’Eglise grecque-melkite-catholique ». Un grand nombre de médias ont relayé la « mission en Syrie », au terme de laquelle il a critiqué le caractère islamiste de l’insurrection, les massacres systématiques de chrétiens et la désinformation à l’œuvre dans les médias internationaux (ici ou ici), pour en appeler au « parler vrai  » et à la dénonciation du génocide dont seraient victimes les chrétiens de Syrie.

Jean-Paul II et l’abbé Tournyol du Clos en 1999

Le Saint-Siège précise que ce personnage n’est absolument pas membre de la hiérarchie catholique. Il n’a droit à aucun des titres dont il se revendiqueSes allégations sont fausses et lui sont inspirées. Il est tout sauf un représentant du « parler vrai ». Le prélat dont les propos sont ici rapportés a rencontré l’intéressé à Damas, revêtu d’habits ecclésiastiques usurpés… Le personnage lui a avoué ne s’être jamais rendu à Homs alors qu’il prétend avoir été témoin oculaire de la chasse aux chrétiens.

Pendant la réunion , Mgr Philippe Gollnisch, directeur de l’Œuvre d’Orient, a reçu un appel urgent des pères jésuites de Homs. Ils lui ont demandé d’intervenir auprès du St-Siège et de l’Agence Fides, qui avait reproduit les propos du pseudo Mgr Tournyol, car ceux-ci mettent en danger les jésuites qui ont toujours tenu à maintenir le dialogue entre toutes les communautés. En fait, ledit Tournyol est un transfuge des milieux catholiques intégristes et d’extrême-droite. Il est inconnu de ceux qui ont une bonne connaissance et une longue fréquentation des chrétiens d’Orient.