Nous devons sauver les enfants de Syrie – par Desmond Tutu

Article  •  Publié sur Souria Houria le 26 septembre 2013

Noor – son nom a été modifié -, femme de 22 ans en fin de grossesse, a sur le visage un air de soulagement. Deux semaines plus tôt elle est arrivée, affamée et épuisée, au camp de réfugiés de Zaatari, en Jordanie, traînant ses trois enfants dans son sillage.

La faim a finalement eu plus d’impact que la violence continuelle et a forcé Noor et sa famille à quitter leur foyer. Il n’y avait tout simplement plus de nourriture. Ils ont marché pendant cinq pénibles nuits pour fuir leur ville natale, n’osant pas voyager de jour par crainte des bombardements.

Dans le camp, Noor porte son bébé avec précaution. Yazan (son nom a lui aussi été modifié) est maigre. Trop maigre. On lui a diagnostiqué une déficience en calcium. Yazan n’a toujours pas de dent – bien qu’il ait plus d’un an.

Depuis que la guerre a débuté en Syrie, le pays s’est lentement désintégré. Plus d’un tiers des hôpitaux ont été détruits, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). D’après Save the Children, 3900 écoles ont été détruites, endommagées ou occupées pour des raisons étrangères à l’éducation depuis le début du conflit.

Aujourd’hui, la Syrie n’est plus faite pour les enfants et, ô scandale, plus d’un million d’entre eux ont déjà été forcés de fuir avec leurs familles dans des camps ou des collectivités d’accueil dans les pays voisins. Ceux-là sont les plus chanceux : des milliers et des milliers ont déjà été tués. Quand on parle de scandale.

Et chaque enfant privé d’éducation, ou forcé à fuir, ou dont le développement est retardé comme celui du petit Yazan, à cause de ce conflit, est une épine dans notre conscience collective. Non contente d’échouer dans la résolution du conflit, la communauté internationale aggrave cet échec en ne se penchant pas sur ses affreuses conséquences. Dans notre impuissance à faire en sorte que le peuple syrien reçoive la nourriture et les provisions de base dont il a besoin, nous condamnons les enfants à mourir de faim sur les décombres de leur pays.

Aujourd’hui, les familles piégées en Syrie assistent aux pires horreurs jamais vues depuis le début d’un conflit qui a duré deux ans et demi. Des familles entières sont privées de l’aide dont elles ont désespérément besoin et les rares fois où leurs voix sont entendues, elles racontent leurs luttes désespérées pour survivre, la vie sous les bombardements, la menace de la violence et les provisions diminuant de jour en jour tandis que la guerre étouffe la Syrie.

Le futur est sombre pour les familles tentant de nourrir leurs enfants. Save the Children a publié cette semaine un rapport montrant à quel point le manque de nourriture combiné à l’explosion des prix fait courir de sérieux risques de malnutrition aux enfants de Syrie. Exportateur de nourriture jusqu’à récemment, la Syrie voit quatre millions de ses citoyens – dont la moitié sont des enfants – en besoin urgent d’assistance alimentaire. Tant que les destructions se poursuivront, ce nombre augmentera: des enfants qui trois ans auparavant pouvaient profiter de trois repas sains par jour iront au lit affamés, effrayés, et parfaitement conscients d’avoir été abandonnés par le reste de la planète. On recense déjà des cas d’enfants morts en Syrie parce qu’ils n’ont pas pu obtenir de nourriture ou d’assistance médicale. Quand on parle de scandale.

Même là où la nourriture est disponible, les Syriens sont confrontés à un choix épouvantable: accepter la faim ou s’exposer aux échanges de tirs. Partout on fait état de personnes prises pour cibles alors qu’elles faisaient la queue pour acheter du pain. Imaginez un peu leur situation : affamés, désespérés et exposés aux balles.

Lors de l’Assemblé générale des Nations Unies, cette semaine, nos leaders doivent reconnaître le coût humain de cette guerre. Ils doivent reconnaître le besoin de mettre à profit leurs forces alliées pour attirer l’attention du monde sur cette crise et arriver à un accord pour qu’une aide salvatrice parvienne à toute personne dans le besoin à travers la Syrie. Ils doivent comprendre pourquoi nous sommes scandalisés de voir des milliers d’enfants innocents et pleins de vie jetés au cœur de la haine humaine.

En Syrie, un vieux dicton dit qu’un endroit étroit peut cacher des milliers d’amis. Les enfants de Syrie sont dans un endroit étroit et sombre. Nous devons être leurs amis. Nous devons leur fournir de l’aide. Et nous devons mettre un terme à cette guerre.

source : http://www.huffingtonpost.fr/desmond-tutu/aide-enfants-syrie_b_3986687.html?utm_hp_ref=france

date : 25/09/2013