Nouveaux témoignages sur le massacre de Houla, en Syrie – par Ignace Leverrier

Article  •  Publié sur Souria Houria le 24 juillet 2012


Vendredi dédié aux « Enfants de Houla, flambeaux de la Liberté » (Sur le calicot : « Le sang des enfants de Houla est un marécage où le régime se noiera »)

Destiné en partie à dégager les abords de la zone montagneuse dans laquelle le régime de Bachar Al Assad compte trouver réfuge lorsque la situation aura fini de lui échapper dans le reste de la Syrie, le massacre de Houla, qui a fait plus d’une centaine de morts dans le village de Taldou (gouvernorat de Homs) au centre de la Syrie, le vendredi 25 mai 2012, est encore dans tous les esprits.

Cette opération criminelle a provoqué une onde de choc en Syrie. Elle s’est traduite par une accélération immédiate du mouvement de défections au sein des forces armées et des services dits « de sécurité ». Elle a renforcé la conviction des Syriens aspirant à la liberté et à la dignité qu’il leur fallait désormais en finir au plus vite avec un régime capable de telles horreurs. Les massacres intervenus immédiatement après, à Treimseh en particulier , les ont confortés dans cette résolution, dont la traduction concrète est aujourd’hui visible dans les opérations menées par l’Armée Syrienne Libre à Damas et à Alep.

Elle a également ébranlé les opinions publiques, du moins dans les pays ouverts à la démocratie et soucieux des Droits de l’Homme. Leurs dirigeants ont finalement décidé, après avoir longtemps tergiversé dans l’espoir de voir émerger non pas les leaders naturels de la future Syrie mais des dirigeants à leur convenance, qu’il fallait passer à un autre stade et favoriser la mise en place d’un gouvernement de transition. Celui-ci devra respecter, avant le rapport des forces au sein de l’opposition syrienne, la diversité des composantes de la révolution sur le terrain. Autant dire, puisque ce sont eux qui posent problème aux diplomaties occidentales, que les « islamistes » – comme on dit… sans être toujours en mesure de préciser qui on englobe sous ce terme – et les Frères musulmans – mieux identifiés mais guère mieux connus pour avoir été trop longtemps tenus à bout de gaffe… par prévention et par crainte d’irriter le régime syrien – devront y être représentés.

Elle a enfin relancé le débat artificiellement entretenu autour de la question de savoir « qui tue qui » depuis des mois en Syrie. Certes, depuis qu’elle a été mise en place pour protéger la population contre des dirigeants ayant perdu tout sens de leurs responsabilités, l’Armée Syrienne Libre a provoqué, elle aussi, la mort de citoyens syriens, civils et militaires. Mais deux remarques ici s’imposent.
– Il est d’abord nécessaire de rappeler que la révolution n’a pas démarré en Syrie sur le mode de la violence. Inspirée sans doute par les changements intervenus ailleurs, dans le monde arabe, elle a été le fait de Syriens pacifiques. Ils refusaient de se laisser humilier davantage par ceux qui monopolisaient le pouvoir. Ils en avaient assez d’être rançonnés par ceux qui étaient chargés d’assurer leur protection. Ni le Qatar, ni l’Arabie saoudite, ni les Etats occidentaux, ni Al Qaïda, ni une quelconque organisation salafiste, n’ont eu à voir avec l’explosion de colère des Syriens, à laquelle, comme Bachar Al Assad, ils ne croyaient d’ailleurs pas.
– Il est surtout nécessaire de dénoncer la malhonnêteté consistant à mettre sur un pied d’égalité le criminel qui agresse, arrête, torture et tue avec pour unique obsession de se cramponner au pouvoir, source de ses privilèges, et la victime qui se défend et tente de récupérer des droits universellement reconnus, sans être capable de maîtriser à la longue les réactions de haine que les agissements délibérés des bourreaux instillent dans les esprits et dans les cœurs. Relayés par certains médias, les mensonges colportés par la propagande officielle, qui consistent à imputer à des mercenaires étrangers la responsabilité de la situation dès le départ, ne changeront rien à la réalité.

C’est pourquoi on ne peut que se réjouir de lire l’article documenté, récemment publié par l’hebdomadaire allemand Der Spiegel sous la plume de Christoph Reuter et Abd al-Kadher Adhun. En faisant la lumière et en rétablissant la vérité sur le drame de Houla, et en fournissant le témoignage oral de membres de plusieurs familles de victimes, ils confirment les falsifications auxquelles a recours le régime syrien, capable d’assassiner en silence des dizaines de milliers de ses propres citoyens, mais incapable, du plus haut au plus modeste de ses dirigeants, d’assumer en public la responsabilité de ses actes.

source : http://syrie.blog.lemonde.fr/2012/07/24/nouveaux-temoignages-sur-le-massacre-de-houla-en-syrie/