«On est dans une guerre de symboles» – par Jean-Pierre Filiu – propos recueillis par Xavier Frère

Article  •  Publié sur Souria Houria le 24 mai 2015

Comment faut-il interpréter la « chute » de Palmyre ?
Toux ceux qui adorent la Syrie adorent Palmyre. Après Alep en ruines, Homs en ruines, ça fait beaucoup. Une fois de plus, cette avancée des djihadistes montre qu’il existe une convergence entre Assad et Daech : on ne fait pas 300 km comme ça, aussi facilement, en plein désert. En livrant Palmyre, Assad joue avec le feu, joue son va-tout pour qu’on se mobilise autour de lui… Cette prise révèle aussi que tout le discours sur Bachar comme rempart est moralement infâme, et stratégiquement inepte. Il prétend ainsi qu’il est le seul rempart entre nous et la barbarie. Tant qu’on continuera à penser cela et agir en fonction de cela, il y aura d’autres Palmyre. Les seuls qui tiennent bon face aux djihadistes, ce sont les révolutionnaires à Alep et ailleurs.

Pour vous, ce n’est pas une avancée « stratégique » ?
Effectivement, on est plus dans le symbole, mais cela fait partie de la stratégie. Daech prouve ainsi au monde entier qu’après Nimrod, et aujourd’hui Palmyre, l’Occident s’émeut beaucoup plus pour des ruines que pour des femmes et des hommes. Ce discours-là, depuis le début, est central : les « croisés » haïssent les musulmans, ne se préoccupent pas d’eux — regardez 200 000, 300 000 morts. On est dans une guerre de symboles.

Quelle peut être la réaction de la communauté internationale ?
Daech, de Palmyre à Ramadi (Irak), occupe aujourd’hui un vaste territoire. Barack Obama a encore affirmé récemment que les frappes américaines contre l’État islamique avaient réduit son territoire de 25 %. Mais où ? Au contraire, les djihadistes progressent de partout. En Irak, ils ne sont pas du tout sur la défensive, et en Syrie, Bachar est au mieux un paratonnerre, au pire un poids. La communauté internationale doit élaborer une stratégie au long cours, et pas au coup par coup. Depuis deux ans, je dis qu’il faut créer une zone d‘interdiction aérienne au nord pour permettre l’installation d’une autorité révolutionnaire alternative… Ça veut dire non à Daech, et non à Assad, les deux étant mis sur le même plan.

Dernier ouvrage : Je vous écris d’Alep (éd. Denoel).

 

source : http://www.leprogres.fr/france-monde/2015/05/22/on-est-dans-une-guerre-de-symboles

date : 22/05/2015