Paris conteste les conclusions « rassurantes » de la Ligue arabe sur Homs

Article  •  Publié sur Souria Houria le 28 décembre 2011

La situation à Homs, bastion de la contestation en Syrie, est « rassurante jusqu’à présent » mais mérite de nouvelles enquêtes, a déclaré mercredi 28 décembre le chef des observateurs de la Ligue arabe. Les observateurs, en mission en Syrie depuis lundi, ont passé la journée de mardi dans cette ville du centre du pays, bastion de la contestation.

« Hier (mardi), c’était calme et il n’y a pas eu d’affrontements. Nous n’avons pas vu de chars, mais nous avons bien vu quelques véhicules blindés, a dit le général soudanais Moustapha Al-Dabi à Reuters. Mais souvenez-vous qu’il s’agissait juste de notre premier jour et qu’il faudra enquêter davantage. Nous avons vingt personnes qui resteront longtemps sur place. »

Mardi à Homs, les observateurs ont pourtant été accueillis par une manifestation d’au moins 70 000 personnes. Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), les forces de sécurité ont tué trente-quatre personnes lundi et six autres mardi. Pendant la visite des observateurs sur place et alors qu’ils discutaient avec des habitants, une fusillade a éclaté à quelques mètres du rassemblement. Peu avant leur arrivée, onze chars se sont retirés du quartier Bab Amro, au lendemain d’intenses bombardements par les forces gouvernementales, toujours selon l’OSDH.

Pour la France, les observateurs sont restés trop peu de temps à Homs pour pouvoir « apprécier la réalité de la situation ». « Leur présence n’a pas empêché la poursuite de la répression sanglante dans cette ville », a déclaré Bernard Valero, porte-parole du ministère des affaires étrangères. « Les observateurs de la Ligue arabe doivent pouvoir retourner sans délai dans cette ville martyre, y circuler partout librement et y avoir tous les contacts nécessaires avec les populations », a-t-il poursuivi.

Après Homs, les observateurs doivent se rendre dès mercredi soir à Deraa, Hama, Idleb et autour de Damas, a déclaré le général Moustapha Al-Dabi. A Deraa, quatre soldats de l’armée syrienne ont été tués et douze autres ont été blessés dans une embuscade tendue par des déserteurs mercredi, selon l’OSDH.

DES OBSERVATEURS SOUS CONTRÔLE

Mercredi, Moscou a appelé son allié syrien à donner un maximum de liberté aux observateurs arabes. « Nous sommes en relations permanentes avec les dirigeants syriens et les appelons à coopérer pleinement avec les observateurs de la Ligue arabe et à créer des conditions de travail aussi agréables et libres que possible », a déclaré le ministre russe des affaires étrangères, Sergueï Lavrov.

Dans un témoignage recueilli par France Inter, un habitant de Homs explique : « J’ai essayé de parler avec les observateurs, mais ils avaient une attitude négative, ils ont refusé de voir l’intégralité de notre quartier, je n’ai aucune confiance en eux. Ils n’ont rien vu. On a essayé de leur demander de venir avec nous pour voir que l’armée a accaparé certaines de nos maisons pour y dormir, et ils ont encore une fois refusé. » Dans certaines vidéos postées sur YouTube, on peut voir des hommes tenter d’interpeller les observateurs vêtus d’un gilet orange.

L’indépendance des observateurs soulève en effet l’inquiétude de l’opposition syrienne et d’ONG. Burhan Ghalioun, président par intérim du Conseil national syrien (CNS), qui regroupe la majorité de l’opposition, avait affirmé à Paris que les observateurs de la Ligue arabe « ne pouvaient pas aller là où les autorités ne veulent pas qu’ils aillent », ajoutant qu’ils « travaillent dans des conditions que la Ligue arabe dit ne pas être bonnes« .

Une accusation qui fait écho aux informations dévoilées mardi par l’organisation de défense des droits de l’homme Human Rights Watch (HRW), qui accuse le régime syrien d’avoir transféré des centaines de détenus vers des sites militaires interdits aux observateurs de la Ligue arabe. HRW a pressé la Ligue d’exiger « le plein accès à tous les sites » de détention, « conformément à son accord conclu avec le gouvernement syrien ».

SITES DE DÉTENTION INTERDITS D’ACCÈS

« Le gouvernement syrien a montré qu’il ne reculera devant rien pour entraver la surveillance indépendante de la répression qu’il exerce. La Ligue arabe doit réagir à ce subterfuge et insister clairement sur un accès complet à tous les détenus », écrit Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à HRW dans un communiqué.

Selon le protocole d’accord signé entre la Syrie et la Ligue arabe le 19 décembre, les observateurs sont « libres de communiquer avec quiconque, en coordination avec le gouvernement syrien ». Mais le ministre des affaires étrangères syrien, Walid Mouallem, avait déclaré à la presse que les observateurs ne pourraient pas accéder aux « points militaires sensibles ».

Les autorités ont par ailleurs libéré 755 détenus « impliqués » dans le soulèvement populaire contre Bachar Al-Assad. La télévision publique a annoncé que « 755 détenus, impliqués dans les derniers évènements en Syrie et qui n’ont pas de sang sur les mains, ont été libérés ».

Un membre des forces de sécurité syriennes à Homs avait confié à Human Rights Watch qu’après la signature du protocole le directeur d’une prison de la ville avait ordonné un transfert des détenus. Selon cette source, les 21 et 22 décembre, entre 400 à 600 détenus ont été transférés vers d’autres lieux de détention auxquels les observateurs internationaux n’auraient pas accès – notamment un centre militaire de fabrication de missiles situé à Zaidal, dans la périphérie de Homs. Ce témoignage concorde avec d’autres recueillis par Human Rights Watch en Syrie.

source: http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2011/12/28/les-observateurs-de-la-ligue-arabe-jugent-la-situation-rassurante-a-homs_1623283_3218.html#ens_id=1481132