Permis de massacre – Par Michel Lépinay

Article  •  Publié sur Souria Houria le 29 avril 2012

27 avril 2012

Les péripéties de la campagne présidentielle française finiraient par nous faire oublier qu’à 5 000 kilomètres d’ici, en Syrie, le massacre continue. Malgré les protestations solennelles, les condamnations plus ou moins énergiques, les déclarations indignées et l’envoi d’observateurs militaires de l’ONU. En principe ils sont là-bas, à la demande du Conseil de sécurité, pour contrôler la réalité du cessez-le-feu, sur lequel se sont engagées les deux parties, le régime de Bachar el-Assad et ses opposants. Mais la mission en question n’est qu’une mascarade. Depuis lundi, 40 civils seraient morts dans le bombardement de la ville de Hama, quasiment sous leurs yeux. Et les observateurs de l’ONU, pour militaires qu’ils soient, ne peuvent rien pour l’empêcher, puisqu’ils ne sont même pas armés. Pire, selon la ligue syrienne des droits de l’homme, neuf militants de l’opposition ont été tués après avoir rencontré les militaires onusiens pour les informer de la situation. C’est le comble du cynisme de la part de dirigeants, qui ont accepté l’envoi d’observateurs et éliminent ceux qui leur parlent. Mais que faire ? Depuis 48 heures, le ministre des affaires étrangères Alain Juppé a monté le ton d’un cran. Trop tard, diront certains, cela ressemble à un testament de fin de mandat.

Que tous ceux qui sont en désaccord dénoncent les protecteurs de Bachar el-Assad

Mais on ne peut pas reprocher grand-chose à Alain Juppé sur ce sujet. Depuis le début de la crise, il s’est battu avec persévérance pour faire voter une résolution du Conseil de sécurité quand elle paraissait impossible à obtenir. Certes la résolution n’a servi à rien. Mais c’est pour cela qu’il élève le ton et évoque maintenant l’hypothèse d’un recours à la force pour protéger les civils. Là encore on pourra lui opposer que cela n’engage pas à grand-chose puisque c’est impossible, ou à peu près, et qu’il le sait bien. Mais on préfère de loin ceux qui poussent un coup de gueule inutile à ceux qui choisissent de regarder ailleurs, ou pire, soutenir le tyran. Et c’est bien de soutien qu’il s’agit, quand on parle de la Russie et de la Chine. Ces deux pays ont accordé de fait un véritable droit de massacre aux autorités de Damas. Sans doute parce qu’elles se reconnaissent un peu dans leur brutalité. Et c’est honteux ! Lorsque Moscou dénonce, après 11 000 victimes en 13 mois, « le terrorisme des opposants », c’est tout simplement scandaleux ! Bien sûr, la Russie s’opposera à toute intervention militaire occidentale en Syrie. Et Alain Juppé le sait. Probablement, le massacre continuera-t-il sous le regard impuissant des observateurs de l’ONU, et l’œil bienveillant des protecteurs d’Assad… Mais on aimerait qu’au moins impuissance ne rime pas avec silence, et que tous ceux qui sont en désaccord avec les agissements de Damas oublient les convenances diplomatiques, et dénoncent sans aucun ménagement l’attitude des protecteurs d’Assad.

Source: http://www.paris-normandie.fr/article/editos/permis-de-massacre