Pierre Piccinin, disparu en Syrie

Article  •  Publié sur Souria Houria le 10 mai 2013

Si vous avez vu Pierre en Syrie depuis le 9 avril, si vous avez la moindre information récente qui puisse aider à le localiser, contactez cette adresse : pierre.piccinin.da.prata@gmail.com

http://www.pierrepiccinin.eu/

Vous savez ce professeur d’histoire de l’Athénée de Philippeville qui passait ses congés scolaires à voyager dans les zones de guerre comme la Lybie, le Yémen, la Syrie mais également le Mali d’où il avait d’ailleurs ramené des infos très différentes de ce qu’on voit habituellement dans les médias.

Pierre Piccinin a donc profité des dernières vacances de Pâques pour retourner en Syrie. Son dernier signe de vie, il l’aurait donné le mercredi 17 avril dernier. Il y a donc aujourd’hui exactement 3 semaines. Depuis lors, on est sans aucune nouvelle ni de lui, ni de son compagnon d’aventure, le journaliste italien Domenico Quirico. Les deux hommes annonçaient qu’ils allaient rentrer en Turquie mais avec déjà une semaine de retard sur leur programme. Personne ne sait ce qu’ils sont devenus. Comme sept autres journalistes, ils ont disparu sans laisser de traces.
Hier, Emma Bonino, la nouvelle ministre italienne des Affaires étrangères, laissait entendre que le fait que les autorités syriennes ne donnaient pas de suite aux demandes d’information du gouvernement italien n’était pas très bon signe.
Pierre Piccinin n’est pas un reporter professionnel mais un politologue et un historien. C’est en observateur qu’il s’est pris de passion pour les Printemps arabes et notamment pour la Syrie où il est allé à au moins 8 reprises. Il en ramené des articles et des vidéos qui montrent le vrai visage de cette impitoyable guerre civile. Il en a ramené également la matière d’un livre paru tout récemment.
Pierre Piccinin possède une qualité rare: l’empathie. Il veut savoir et comprendre; c’est là tout ce qui l’anime. Il promène sur les horreurs du monde un regard clair et peut-être aussi un peu naïf; un regard qui capte les détresses et enregistre les souffrances mais qui attire aussi la sympathie. C’est sans doute ce qui lui a permis jusqu’à tout récemment de s’aventurer dans les zones les plus dangereuses de Syrie. Mais au cours d’un voyage précédent, il avait expérimenté la dure réalité des prisons de Bachar El Assad: il en était sorti meurtri dans sa chair et ébranlé dans sa vision du conflit. Mais sans pour autant renoncer à son rôle de témoin direct.
Or ce sont précisément les témoins que certains veulent éliminer du terrain. En deux ans de conflit, vingt-trois journalistes ainsi que cinquante-huit  » observateurs-citoyens  » ont été tués en Syrie. Un chiffre effrayant qui traduit bien comment aujourd’hui l’action ne se limite plus du tout au terrain militaire. C’est une guerre totale, une guerre où tous les coups sont permis ; une guerre où rien ni personne n’est épargné et où, bien entendu, l’information est une donnée stratégique de première importance.
Vendredi, c’était la  » Journée internationale de la liberté de la presse « ; ce jour-là on apprenait qu’un journaliste américain disparu depuis 6 mois se trouvait en fait dans un centre de détention des services secrets syriens. Aujourd’hui, 3 semaines après que Pierre Piccinin et Domenico Quirico n’aient plus donné signe de vie, tout espoir n’est donc pas perdu mais d’autres dangers guettent : ceux de l’oubli, de la banalisation, de la lassitude ou de la lâcheté.
Et jusqu’à preuve du contraire, s’il y a bien un devoir à respecter contre vents et marées, c’est celui de ne pas baisser les bras ni de perdre espoir.
Jean-Pol Hecq