Plainte à Paris pour corruption contre l’oncle de Bachar al-Assad

Article  •  Publié sur Souria Houria le 18 septembre 2013

Deux associations ont porté plainte vendredi à Paris contre Rifaat al-Assad, ancien pilier du régime et oncle du président syrien, qu’elles soupçonnent d’avoir amassé par la corruption un « patrimoine extraordinaire » en France malgré sa disgrâce depuis trois décennies.
Rifaat al-Assad, 66 ans, est de fait tenu à l’écart du pouvoir à Damas depuis 1984. Frère cadet de Hafez al-Assad, le père du président actuel, il s’était illustré à la tête des Brigades de défense dans la répression des Frères musulmans. Il est notamment accusé d’avoir en 1982 lancé ses troupes contre Hama (nord), tombée aux mains des islamistes sunnites, une répression qui avait fait entre 10.000 et 25.000 morts selon les estimations. Une accusation qu’il avait assimilée en 2011 à « une légende ».
En 1983, celui qui était considéré comme un successeur potentiel de Hafez al-Assad avait tenté un coup d’État, ce qui lui avait valu d’être placé en résidence surveillée puis poussé à un exil partagé entre Londres et Paris, même s’il devait garder son titre de vice-président jusqu’en 1998. Mais ce statut de paria et le fait qu’il ne soit pas parmi les Syriens concernés par le gel de leurs avoirs et une interdiction de voyager ordonnés par l’Union européenne, ne l’exonèrent pas de tout soupçon de corruption aux yeux des associations Transparency International France (TIF) et Sherpa.
« Il est plus que temps qu’il y ait des investigations qui auraient dû et pu être déclenchées d’office depuis des années, s’agissant du patrimoine immobilier d’un montant considérable d’un homme qui n’a aucune activité professionnelle répertoriée », a expliqué le président de Sherpa, l’avocat William Bourdon. « C’est un membre éminent de la famille Assad même s’il est en délicatesse avec le régime et on peut légitimement avoir des suspicions sur son patrimoine en France », renchérit Daniel Lebègue, de Transparency.
Les deux associations sont à l’origine de plusieurs procédures sur les « biens mal acquis » visant des chefs d’État étrangers actuels ou passés, comme Omar Bongo (décédé en 2009), Teodoro Obiang Nguema, Denis Sassou Nguesso, Zine el-Abidine Ben Ali ou encore Hosni Moubarak.
Des « milliards d’euros »
Selon la plainte, « il est vraisemblable que tout ou partie (des) avoirs » de Rifaat al-Assad soient le produit d’actes de corruption ou d’infractions assimilées (détournement de fonds publics, abus de bien social, etc.) ». Sa fortune « se calcule en milliards d’euros », évaluent TIF et Sherpa. Les associations évoquent parmi ses propriétés françaises un hôtel particulier et « plusieurs dizaines d’appartements » dans le XVIe arrondissement de Paris, ainsi qu’un domaine de 45 hectares dans le Val-d’Oise.
Selon le journal Le Monde, la vente d’un hôtel particulier de l’avenue Foch à Paris, a échoué en raison du prix jugé trop faible, quelque 70 millions d’euros, offert par des Russes. Le quotidien évalue le patrimoine immobilier français de Rifaat al-Assad à 160 millions d’euros. « D’évidence », il « n’a pu financer l’acquisition de ce patrimoine extraordinaire par les seuls salaires et traitements reçus de ses activités politiques professionnelles connues, à savoir: commandant des Brigades de défense dans les années 1980, puis vice-président de la République arabe syrienne, aujourd’hui en exil et à la tête du Groupe national uni, organisation politique de l’opposition syrienne », selon la plainte.
Les deux associations demandent qu’il soit procédé « aussi rapidement que possible à un recensement exhaustif des biens (mobiliers ou immobiliers) ayant appartenu ou appartenant à M. Rifaat al-Assad et le cas échéant à son entourage ».
Déposée contre l’oncle de Bachar al-Assad et contre X, la plainte vise notamment les infractions de recel de détournement de fonds publics, corruption et blanchiment aggravé en bande organisée. Selon Daniel Lebègue, la plainte de vendredi s’inscrit « dans la logique » d’une première déposée à l’été 2011 pour identifier les avoirs en France du président syrien Bachar al-Assad et de son entourage. Le parquet de Paris avait refusé d’ouvrir une enquête. La guerre civile en Syrie, qui a débuté en mars 2011, a fait plus de 110.000 morts.

source: http://www.lexpress.fr/actualite/monde/proche-orient/plainte-a-paris-pour-corruption-contre-l-oncle-de-bachar-al-assad_1281638.html#EHlHaJzBy6lKqZIY.99