Pourquoi la blogueuse syrienne arrêtée, Razan Ghazzawi, est une de mes héroïnes – par Hillian C York.

Article  •  Publié sur Souria Houria le 7 décembre 2011

Traduit de l’anglais par SouriaHouria

Activiste chevronnée, espérons que la foi de mon amie dans le pouvoir du peuple soit bien placée et aide à garantir sa liberté.

J’ai reçu un message instantané urgentde ma bonne amie Razan Ghazzawi mardi soir dernier. Ayant tweeté et blogué contre le régime syrien sous son vrai nom durant les derniers mois, de l’intérieur de la Syrie, Ghazzawi s’inquiétait d’être devenue une cible.

Toujours préparée, elle m’a envoyé son plan d’urgence : fermer ses comptes en ligne. Les syriens qui ont été arrêtés et détenus ces neuf derniers mois ont rapporté que leurs mots de passe avaient été exigés par les autorités. Bien que la fermeture de ses comptes ne puisse pas l’aider, cela pourrait protéger ses amis – voilà le type de personne qu’est Ghazzawi.

Ses proches disent qu’elle était en route pour un forum en Jordanie organisé par son employeur, le Centre syrien pour les médias et la liberté d’expression, quand elle a été arrêtée.

Bien qu’il soit difficile de nos jours de comprendre quoi que ce soit de ce que fait le régime syrien, son blog peut avoir été le déclencheur de son arrestation, ou il peut ne pas l’avoir été, mais dans les deux cas son écriture sans détour pourrait très bien faire empirer les choses pour elle.

Par sa naissance, Ghazzawi est une citoyenne américaine – même si elle serait sans doute choquée par l’idée que cela soit utilisé pour obtenir sa libération. En tout cas, il est peu probable que le gouvernement américain puisse de ce point de vue bénéficier d’un quelconque levier avec le régime syrien.

J’ai rencontré Ghazzawi en 2008 à l’occasion d’une conférence en Europe. Nous n’avons eu qu’un bref échange – elle travaillait sur son mémoire de maîtrise – mais nous sommes restées en contact et quand j’ai visité la Syrie l’année suivante, nous avons repris contact. Elle est une activiste chevronnée, jamais satisfaite de laisser les choses aller à la dérive, réfléchissant en permanence, parfois trop. Elle est dévouée à la cause des droits des LGBT et des « gender », de la Palestine, et bien sûr de sa belle Syrie.

Bien que Ghazzawi ait bloggé sous son propre nom pendant plusieurs années, au début de la révolution syrienne elle avait changé d’avis, modifiant son nom sur Twitter et fermant son compte Facebook. Je n’ai jamais demandé, mais je suppose qu’elle était effrayée. Elle est partie un moment au Liban, puis en Egypte, mais elle a fini par revenir en Syrie peu de temps après; je peux seulement supposer qu’elle se sentait obligée d’y retourner.

Finalement, elle a décidé ne ne pas être dans l’anonymat, revenant à son ancienne nature franche et à ses tweets, son opposition au régime s’affichant haut et clair.

Ce que j’apprécie et respecte le plus au sujet de Ghazzawi (et que je suspecte d’irriter beaucoup de personnes à son sujet), cependant, c’est son honnêteté et son humanité. Bien que fervante partisane des droits des Palestiniens, elle a dénoncé le double langage des groupes de résistance palestiniens qui ont exprimé leur soutien au régime syrien. Elle n’a pas eu peur de parler contre ceux avec qui elle est en désaccord, même ses amis. Pour cela, elle fait partie de mes héros.

Elle a aussi été pragmatique, sceptique même, sur le rôle des médias sociaux en Syrie et dans toute la région, affirmant constamment que «les militants en ligne sont surévaluées». Perplexe, agacée même, par toutes les invitations qu’elle a reçues pour représenter les militants syriens numériques lors de conférences, elle a adopté une approche pragmatique envers l’effet des outils numériques en Syrie, où l’accès à Internet plafonne à environ 20% et où l’ADSL est le plus souvent indisponible en dehors de Damas.

La dernière fois que je l’ai vue, à la troisième rencontre des blogueurs arabes à Tunis, elle a enfoncé le clou : après avoir appris que les Palestiniens avaient été privés de visas pour y assister, elle s’est collé un écriteau dans le dos sur lequel on lisait « Ok, on a refusé l’entrée [ aux palestiniens]. Ne faisons pas que tweeter là-dessus! »

Il est alors ironique que son propre franc-parler en ligne puisse être la cause de son arrestation.

En ce qui conserne l’opposition syrienne, Ghazzawi a été réfléchie, nuancée, a écrit sur son amour de la Syrie et son désir d’une Syrie à la fois libre et pacifique. Sur son blog, elle a récemment écrit:

« La colonisation a fait de nous tous une bande de nationalistes [combattant] pour une étiquette plutôt que pour une valeur. Je veux vivre main dans la main avec vous tous, et cela ne peut pas se faire si nous nous voyons nous-mêmes comme des « majorités » et des « minorités ». Le fondement de cette logique réside dans le nationalisme. »

Mais s’il y a une chose emblématique de Ghazzawi plus que toute, c’est sa foi dans le pouvoir du peuple – pas les politiciens, pas les partis, mais les individus. « Il est temps pour l’autodétermination du peuple de gouverner la région, attendez juste et observez, » a-t’elle écrit en octobre. Espérons que sa prophétie est correcte.

 

source: http://www.guardian.co.uk/commentisfree/2011/dec/05/syria-arrested-blogger-razan-ghazzawi