Pourquoi la mission des observateurs de la Ligue arabe a été une farce – Par Céline Lussato

Article  •  Publié sur Souria Houria le 25 janvier 2012

Anouar Malek a été un des observateurs de la Ligue arabe en Syrie. Il a claqué la porte pour dénoncer une supercherie. Il s’en explique au « Nouvel Observateur ».

L’écrivain et journaliste algérien Anouar Malek était observateur de la Ligue arabe en Syrie. Il a présenté sa démission en guise de protestation au bout de quelques jours. Il s’explique au « Nouvel Observateur » et revient sur la situation actuelle dans le pays.

Quel bilan tirez-vous de votre participation à la mission des observateurs de la Ligue arabe en Syrie ?

– Cette mission est une vaste farce. Il était en fait impossible d’appliquer le protocole sur le terrain car tous les jours sont commis des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité : le régime d’Assad bombarde les quartiers civils. Et il y a, tous les jours, des victimes : hommes, femmes, enfants, vieillards. Il y a des morts à cause des tortures dans les prisons de droit commun, dans les prisons de la sécurité militaire, dans les prisons de la police, dans les prisons secrètes situées dans les casernes et même, parfois, dans des écoles utilisées comme telles.

Le rapport rendu par le chef des observateurs n’est pas aussi radical que votre compte-rendu. Pourquoi ?

– J’ai démissionné à cause des rapports intermédiaires du général Mohammad Al-Dabi qui ne relataient pas avec justesse ce que nous voyions sur le terrain. L’avis énoncé était très souvent celui des gouverneurs des villes, et non celui des opposants par exemple. Le rapport n’est absolument pas le reflet de la situation réelle.

Le général al-Dabi ment. Je l’ai entendu dire qu’il y avait des problèmes avec les quartiers tenus par les opposants et c’est totalement faux ! Il dit que le régime a retiré les chars des villes, c’est faux ! Cet homme est un menteur. Il m’accuse également de tout est n’importe quoi pour discréditer mon témoignage : il a d’abord dit que j’avais gardé la chambre en Syrie pendant six jours. Ensuite, il a dit que j’avais dû partir car ma femme ou ma fille aurait été malade ce qui est totalement faux. J’ai d’ailleurs décidé de porter plainte pour diffamation contre lui au Caire (siège de la Ligue arabe: NDLR).

La Ligue arabe a proposé un plan de sortie de crise qui prévoit le départ de Bachar al-Assad sous deux mois. Est-ce une bonne chose ?

– Qu’a dit Bachar al-Assad lors de son dernier discours ? Qu’il ne quittera jamais le pouvoir ! Le problème, c’est qu’il y a des crimes contre l’humanité : plus de 5.000 morts, des prisonniers… La Ligue arabe veut prévoir une sortie comme celle qui a été organisée pour Saleh, sans procès, sans réparation. Mais que demande le peuple syrien ? Un jugement ! Et tous les Etats occidentaux le demandent. Il faut mesurer la réalité en ce moment en Syrie. Chaque jour, il y a des morts, des crimes de guerre. Il y a dans certains quartiers des hommes et des femmes qui n’ont plus à manger, plus d’électricité. Il y a une grave crise humanitaire dans le pays.

Cette proposition de la Ligue arabe permet juste à Bachar al-Assad de gagner du temps…

La solution va-t-elle venir des Nation- unies ?

– Avec la Ligue arabe, il est impossible de trouver une solution… La majorité des Etats arabes soutiennent Assad. Pour preuve, la composition de la liste des observateurs : ils sont tous pieds et mains liés par leurs Etats.

Il faut passer par le Conseil de sécurité des nations unies et il faut un tribunal des crimes de guerre en Syrie. Mais la Russie et la Chine continuent de soutenir Assad, et il va falloir que ces deux Etats évoluent pour que les crimes de guerre cessent.

De votre côté, vous allez continuer de vous battre pour médiatiser ce qui se passe en Syrie ?

– Bien sûr. Je suis en train d’écrire un livre en cadeau aux enfants victimes de cette guerre. Et j’ai décidé de porté plainte contre le général al-Dabi.

Je reçois des menaces de mort. Ils me menacent aussi de publier des photos de moi prises par des cameras cachées dans la chambre que j’occupais lors de la mission en Syrie. Ils me disent de me taire ou ils publieront des photos de moi nu sous la douche. Mais peu m’importe ! C’est vous dire dans quelles conditions nous avons travaillé lors de la mission. Nous nous sommes également rendu compte que nos téléphones étaient sur écoute…

Il faut savoir que le pouvoir cherche à créer une guerre civile entre les différentes religions grâce à des groupes armés. J’ai pu voir dans un hôpital des victimes de balles explosives interdites par les législations internationales.

Le système utilise ça pour prétendre auprès des Occidentaux qu’il y a des attaques terroristes d’al-Qaïda dans le pays, mais il n’y a aucun terrorisme. J’ai rencontré des membres de l’armée libre syrienne et je peux témoigner qu’ils ne sont aujourd’hui que dans une position défensive. Ils ne commettent pas d’attaques.

De même concernant la mort de Gilles Jacquier. J’ai eu depuis au téléphone les chefs de l’armée libre syrienne et ils nient absolument les affirmations proférées dans « le Figaro ». Ils jurent ne pas être à l’origine du tir de mortier qui a coûté la vie au journaliste français. Et ils appellent d’ailleurs les journalistes français et européens à venir dans leur pays pour témoigner de leur agonie.

source: http://tempsreel.nouvelobs.com/la-revolte-syrienne/20120124.OBS9607/pourquoi-la-mission-des-observateurs-de-la-ligue-arabe-a-ete-une-farce.html