Pourquoi la Syrie et l’Iran deviennent les ennemis de la Turquie, encore – par Soner Cagaptay

Article  •  Publié sur Souria Houria le 31 octobre 2011

Par Soner Cagaptay – envoyé special de CNN

Traduit de l’anglais par SouriaHouria

Note de l’éditeur : Soner Cagaptay est professeur senior à l’Institut du Washington Institute for Near East Policy et est le co-auteur, avec Scott Carpenter, de « Regenerating the U.S.-Turkey Partnership ».

Le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) dominera les informations dans les jours à venir. Le PKK, un groupe connu pour ses attaques violentes contre la Turquie, est en train de devenir rapidement une part du nouveau jeu de pouvoir trilatéral entre la Turquie, l’Iran et la Syrie alors que Bashar al Assad réprime plus sévèrement les manifestants dans son pays.

Dans les années 1990 l’Iran, dont le régime autoritaire détestait la Turquie séculière voisine, a demandé à la Syrie de donner asile au PKK afin qu’il puisse attaquer Ankara pour nuire à la réputation de la Turquie comme antidote politique à l’Iran.

Puis, Turquie, Iran et Syrie devinrent tous amis avec la montée du Parti pour la Justice et le Développement (AKP) en Turquie. La question du PKK disparut, ou du moins c’est ce qu’il semblait.

La Turquie et la Syrie ont entamé un dialogue après qu’Ankara a forcé le régime Assad à arrêter d’héberger le PKK. La Turquie a amassé des troupes sur sa frontière avec la Syrie en 1998. Elle n’a pas tiré une seule balle, mais la menace très crédible d’utiliser la force a convaincu Assad de changer de comportement.

Puis avec le début de la guerre d’Irak en 2003, la Turquie et l’Iran sont devenu amis, d’une certaine manière. Effrayée par la présence militaire américaine sur son côté Est en Afghanistan et sur son côté Ouest en Irak, Téhéran en a conclu qu’il avait besoin de se gagner la Turquie voisine pour briser l’étreinte du cercle d’isolement mené par les Etats-Unis et qui se formait autour de lui. Le soutien iranien en faveur du PKK prit fin, comme tranché au couteau, le jour où les troupes américaines commencèrent à atterrir en Irak.

Huit ans plus tard, Téhéran réévalue son environnement stratégique. Avec les troupes américaines quittant l’Irak et l’Iran gagnant en influence là-bas, Téhéran sent qu’il peut agir différemment envers la Turquie.

Pendant ce temps, la Turquie émerge comme l’opposant-clef à la répression brutale du régime syrien. Elle a menacé Assad d’actons si les assassinats ne s’arrêtaient pas. En réponse, Damas a décidé de rendre les choses difficiles pour la Turquie. Des officiels américains et turcs suggèrent que le régime syrien pourrait autoriser de nouveau l’activité du PKK sur son territoire.

Depuis que Damas sait qu’il devrait presque certainement faire face à une invasion turque s’il autorisait les attaques du PKK en Turquie depuis son territoire, il s’est tourné vers son allié Téhéran pour obtenir son aide.

Téhéran, déjà mécontent que la Turquie essaie de le pousser hors d’Irak, a été heureux d’aider. L’Iran a désespérément besoin de mettre un terme à la politique turque de confrontation avec Assad. Si elle n’était pas contrée, cette politique conduirait à la fin du régime Assad en Syrie, ce qui coûterait à l’Iran son état de précieux client levantin. De là, la stratégie séculaire de l’Iran contre la Turquie a été ranimée : l’utilisation du PKK pour attaquer Ankara d’un autre pays, dans le but de faire pression sur la Turquie

En conséquence, depuis le début de l’été, le PKK a attaqué la Turquie de l’Irak, tuant presque 100 Turcs et enlevant des douzaines de personnes.

Ainsi le formule le « Cercle PKK » du Moyen-Orient : plus Assad tue de gens, plus la ligne de conduite politique de la Turquie à l’encontre de la Syrie sera dure. En retour, cela conduira l’Iran-Syrie à une action contre la Turquie à travers des attaques du PKK à partir de l’Irak. Les attaques du PKK augmenteront.

La Turquie, l’Iran et le régime Assad sont enfermés dans un jeu de pouvoir sur le futur de la Syrie. Soit Ankara gagnera et Assad chutera, soit Téhéran gagnera et Ankara, blessé par les attaques du PKK, jettera l’éponge et laissera vivre la Syrie.

Les vues exprimées dans cet article sont seulement celles de Soner Cagaptay.