Répression en Syrie : le double jeu de la France – par Armin Arefi

Article  •  Publié sur Souria Houria le 15 juin 2012

Le vice-Premier ministre russe Dmitry Rogozin était présent lors de la signature de l'accord entre le français Thales et le russe Rosoboronexport. © Sergey Mamontov / AFP

La société Thales va fournir le géant russe Rosoboronexport, le plus grand vendeur d’armes au régime de Bachar el-Assad.

L’affaire illustre à merveille les contradictions de la France sur le dossier syrien. À l’heure où Laurent Fabius annonce son intention de fournir aux opposants syriens des moyens de communication pour prendre le dessus sur les forces de Bachar el-Assad, on apprend du Nouvel Observateur que la société française Thales a conclu avec le géant russe de l’armement Rosoboronexport une licence de fabrication de caméras thermiques dernière génération pour véhicules militaires. D’après les termes de l’accord signé cette semaine au salon français de l’armement terrestre et aéroterrestre Eurosatory, en la présence du vice-Premier ministre russe Dmitry Rogozin, Thales doit livrer à Moscou des kits lui permettant de monter elle-même les caméras qui équiperont ses chars.

Problème, la firme russe affirme qu’en plus d’équiper ses blindés les nouveaux appareils se trouveront également sur les chars destinés à l’export. Or, la compagnie Rosoboronexport continue d’être à ce jour le plus gros fournisseur d’armes du régime de Bachar el-Assad,qu’Amnesty International vient d’accuser de crimes contre l’humanité. « On a l’impression d’assister à un mauvais film », déplore Aymeric Elluin, chargé de campagne « armes et impunité » chezAmnesty International. « Quelle garantie avons-nous que ces caméras thermiques ne se retrouveront pas en Syrie pour aider à la répression ? »

L’accord du gouvernement français

Pour le porte-parole du groupe Thales, un tel scénario est impensable, l’accord entre la société française et Rosoboronexport portant une clause de non-réexportation. « La législation française interdit la réexportation du matériel militaire sans autorisation de Paris et de Moscou », souligne-t-il au Point.fr. Pourtant, une source bien informée affirme qu’il n’existerait en réalité aucun moyen de vérifier, sur le terrain, l’application de la clause. « Le nouveau gouvernement français a autorisé le contrat en veillant à ce que l’armement ne soit pas ultérieurement transféré en Syrie », nuance la source. Mercredi, le ministre français des Affaires étrangères a souligné, lors d’un point presse, que la France ne vendait « pas d’armes qui, directement ou indirectement, puissent être utilisées en Syrie ».

« Ce n’est pas le problème ! » s’insurge Jean-Marie Fardeau, directeur de Human Rights Watch France. « Le véritable souci est que Thales vient de signer un contrat avec une entreprise qui exporte des armes vers un pays accusé de crimes contre l’humanité », souligne-t-il. « Une entreprise qui, en cas de procès des responsables syriens, pourrait être condamnée pour complicité », ajoute Jean-Marie Fardeau. Les ventes d’armes entre Moscou et Damas n’en restent pas moins légales. Si l’Europeapplique un embargo sur les ventes de matériel militaire à la Syrie, une mesure identique au niveau international se fait désespérément attendre.

« C’est justement la Russie et la Chine qui opposent leur veto à une telle décision au Conseil de sécurité de l’ONU », rappelle Aymeric Elluin. Soit exactement le même blocage empêchant toute saisine de la Cour pénale internationale, seule juridiction capable de juger les responsables syriens pour crimes contre l’humanité.

Source : http://www.lepoint.fr/monde/repression-en-syrie-le-double-jeu-de-la-france-15-06-2012-1473940_24.php