Riyad Seif invite l’opposition syrienne à tirer parti de l’initiative d’Ahmed Moazz Al Khatib – par Ignace Leverrier

Article  •  Publié sur Souria Houria le 9 février 2013

Prenant ses distances avec la plupart de ses camarades de l’opposition syrienne, emmenés par le Conseil National Syrien, qui ont opposé au cours des derniers jours une stricte fin de non recevoir à l’initiative du président de la Coalition Nationale des Forces de la Révolution et de l’Opposition Syrienne, l’ancien animateur du « Printemps de Damas » Riyad Seif a souhaité, le 7 février, apporter des « éclaircissements sur quelques points essentiels ». L’autorité morale de l’ancien député et de l’ancien homme d’affaires damascène, ruiné pour avoir dénoncé l’accaparement de la richesse nationale par les familles Al Assad et Makhlouf et emprisonné pour avoir hébergé à son domicile un forum de dialogue ouvert à tous, donne du poids à sa prise de position et à sa défense d’Ahmed Moazz Al Khatib. Elle contribuera sans nul doute à alimenter un débat interne à l’opposition… une situation totalement inconnue au sein de « l’autre camp », celui du régime, où toute parole sortant de la bouche du moallem, le « patron » qui dirige le pays, doit être considérée comme définitive et sacrée, et ne peut donner lieu à la moindre discussion ou controverse.

Riyad Seif
Vice-président de la Coalition Nationale

S’adressant à l’opinion publique, Riyad Seif précise ainsi sa pensée :

1 / L’objectif – la victoire du peuple syrien, la préservation de la vie d’un maximum de citoyens, le refus de destructions supplémentaires et la prévention des immenses dangers qui menacent notre patrie – nous incite à donner la priorité à une solution politique dont ni Bachar Al Assad, ni sa famille ne feront partie. Elle organisera la transition de la Syrie vers un régime démocratique véritable garantissant la justice, la dignité et la liberté à tous les Syriens, dans un cadre de temps défini et selon des procédures claires et contraignantes.

2 / Ouvrir la porte à la possibilité d’une solution politique implique de permettre à nos révolutionnaires de modifier le rapport des forces et d’effectuer une avancée réelle sur le terrain, toutes choses qui réclament de livrer à l’état-major de l’Armée Syrienne Libre les armes, les munitions et les autres moyens sans lesquels elle ne pourra progresser.

3 / Les seuls et uniques véritables ennemis du peuple syrien sont la famille Al Assad et ses complices. Ils portent la responsabilité immédiate de la situation dans laquelle ils ont conduit aujourd’hui le pays. Ils ne peuvent donc avoir une place quelconque dans quelque solution politique que ce soit.

4 / Il est impossible de considérer Bachar Al Assad et sa famille comme les représentants des millons de Syriens qui demeurent sous son autorité. Ceux-ci n’ont jamais été en mesure d’exprimer leur avis, du fait de la répression ou de leur peur d’un avenir inconnu. Les crimes commis depuis le début de la révolution par Bachar Al Assad, qui est arrivé à la tête de l’Etat, à la direction du Parti Baath et au commandement de l’Armée et des forces armées en usant de moyens illégitimes et en terrorisant le peuple, lui enlèvent, comme à sa famille et à ses complices parmi les responsables, toute représentativité légale. Il ne peut se prévaloir de représenter ni des couches de la société, ni le Parti Baath, ni l’Etat syrien, ni même l’Armée et les forces armées syriennes. Ces dernières, dans leur énorme majorité, ne sont pas responsables des meurtres, des tortures et des destructions dont le pays a été le théâtre depuis le début de la révolution du 15 mars 2011. Elles peuvent véritablement contribuer, j’en ai la conviction, à une solution qui chasserait Bachar Al Assad, sa famille et l’équipe responsable de la situation actuelle du pays. Cette solution préserverait à la fois la Syrie et le peuple syrien des risques d’affrontements internes, de violence, d’anarchie et d’anéantissement des infrastructures de l’Etat. Bachar Al Assad les compromet tous ensemble dans la guerre barbare qu’il a déclenché uniquement pour conserver son pouvoirfamilial, continuer dans la voie de la corruption et garantir ses intérêts personnels et familiaux étroits. Il ne se préoccupe ni de la vie, ni de la sécurité et de la stabilité des Syriennes et des Syriens, ni de l’avenir du pays. Il est temps de mettre un terme à ce comportement criminel et de se mettre d’accord sur une solution de sortie de crise qui réalise les revendications légitimes des citoyens syriens, lesquels veulent tous sans exception bénéficier de justice, de liberté, de dignité et d’une vie démocratique.

5 / La Russie doit manifester dans des actes concrets l’affirmation sans cesse répétée par ses responsables, selon laquelle elle n’est pas irrémédiablement cramponnée au maintien de Bachar Al Assad. Les différentes craintes exprimées par le Russes ne peuvent indéfiniment servir d’alibi au statu quo de leur politique. Toute entente entre Russes et Syriens doit se réaliser par le biais de représentants légitimes et respectables du peuple syrien. Mais elle ne pourra se concrétiser aussi longtemps que la famille Al Assad restera à la tête du pouvoir. Au contraire, le maintien de Bachar Al Assad à sa place ne peut qu’aggraver la situation, et accroître les risques et les défis que la partie russe affirme redouter. C’est dans un tel esprit que nous devons, à mon sens, travailler avec la Russie.

6 / La direction iranienne doit comprendre les réels dangers de sa politique de soutien à Bachar Al Assad, dans la guerre criminelle qu’il mène contre le peuple syrien. Poursuivre cette politique porte le risque d’un conflit confessionnel dans la région, auquel aucune des parties en présence n’a intérêt. L’Iran doit admettre que Bachar Al Assad n’a plus aucune chance de rester en place. Il est impossible qu’il l’emporte sur la volonté du peuple révolté. Aller de l’avant dans son soutien serait extrêmement lourd de conséquences pour la région et pour ses propres intérêts.

7 / Nos amis et nos frères doivent s’apercevoir que le temps ne joue ni en leur faveur, ni en la nôtre. Nous avons des objectifs et des appréhensions semblables, que nous devons régler ensemble. La solution politique à laquelle nous aspirons en tant que Syriens, et à laquelle ils appellent en tant qu’amis et frères du peuple syrien, ne sera possible qu’en modifiant le rapport des forces sur le terrainIl implique de fournir à la Coalition Nationale et à l’Etat-major militaire conjoint des moyens de force. Nous devons tous comprendre que les fronts sur lesquels il convient d’agir sont à la fois divers et liés les uns aux autres, et que toute avancée réalisée sur un front aidera à en réaliser sur les autres.

8 / Je considère que ni l’initiative politique du président de la Coalition Nationale, le cheykh Ahmed Moazz Al Khatib, ni les déclarations qu’il a faites à la presse lors de la Conférence de Munich, ne sortent de ce contexte, qu’il s’agisse de parler avec les Iraniens et les Russes ou de demander aide et appui aux amis de la Syrie, comme il l’a fait avec le vice-président américain Joe Biden. Ce que nous savons du cheykh Moazz nous rassure. Il n’est pas du genre à faire montre du moindre laxisme dès lors qu’il s’agit des droits et des intérêts du peuple syrien. Il va sans dire qu’il fait partie de cette révolution et qu’il y milite avec une absolue sincérité. Outre les hauts principes moraux qui l’animent, il est totalement convaincu que Bachar Al Assad ne peut en aucune manière faire partie d’une solution politique en Syrie.

9 / La Coalition Nationale peut utiliser positivement les déclarations du cheykh Ahmed Moazz Al Khatib :
– en adressant les messages appropriés à toutes les composantes de la société syrienne, pour les inciter à prendre leurs distances avec la famille Al Assad et ses agents immédiats, de manière à permettre la solution politique qui garantira les droits, les intérêts, la sécurité et l’avenir de tous les Syriens ;
– en tendant la main à la partie russe pour favoriser son abandon de la famille Al Assad et pour l’inciter à devenir un véritable partenaire du peuple syrien dans la recherche d’une solution politique acceptable ;
– en plaçant la partie iranienne devant ses responsabilité, ce qui suppose de parler directement et clairement aux Iraniens des risques qui découleront, pour leur pays et la région, de leur soutien à la famille Al Assad dans sa guerre contre le peuple syrien ;
– en montrant à nos amis et à nos frères, qui envisagent une solution politique et qui réclament de notre part une prise de position à ce sujet, que nous sommes ouverts à cette éventualité à deux conditions : que Bachar Al Assad n’en fasse pas partie et que l’équilibre des forces ait été préalablement modifié sur le terrain, grâce au soutien qu’ils auront apporté à la fermeté du peuple, au fonctionnement de la Coalition et à l’obtention, par l’état-major commun, des matériels dont il a besoin.

10 / Nous sommes plus que jamais appelés, nous, membres de la Coalition Nationale des Forces de la Révolution et de l’Opposition Syrienne, à unir les rangs, à unifier les positions, à dynamiser l’action institutionnelle et à nous comporter, face aux développements et aux initiatives, avec la sagesse requise d’une direction solidaire, forte et solide. Rien ne saurait résulter de pire des propos du cheykh Moazz Al Khatib que la division des rangs et la dispersion des discours. Notre responsabilité commune nous impose de nous comporter dans cette affaire avec le maximum de sagesse et d’en tirer profit pour assurer la victoire de la révolution.

source : http://syrie.blog.lemonde.fr/2013/02/07/riyad-seif-invite-lopposition-syrienne-a-tirer-parti-de-linitiative-dahmed-moazz-al-khatib/

date : 07/02/2013