Syrie : ces étrangers qui soutiennent Bachar el-Assad – Par Armin Arefi

Article  •  Publié sur Souria Houria le 19 février 2013

S’il accuse l’opposition d’être manoeuvrée par l’Occident et le Golfe, le président syrien profite pour sa part de l’aide militaire de pays étrangers.

Funérailles à Téhéran du général iranien Hassan Shateri, membre des Gardiens de la révolution, tué en Syrie mercredi dernier.

Funérailles à Téhéran du général iranien Hassan Shateri, membre des Gardiens de la révolution, tué en Syrie mercredi dernier. © Saeed Kariminejad / Sipa

 

Si Bachar el-Assad accuse à souhait l’opposition syrienne de n’être composée que de groupes terroristes armés par l’Occident, ce qui, dans les faits, ne se limite pourtant qu’à des livraisons d’armes en faible quantité, son régime profite pour sa part de soutiens étrangers. C’est ce que vient de rappeler l’annonce à l’Agence France-Presse par un responsable du Hezbollah du décès, samedi, de trois Libanais chiites dans la région syrienne de Qousseir, non loin de la frontière libanaise, dans des combats avec les rebelles.

D’après le responsable, qui évoque un « acte d’auto-défense », 14 autres combattants chiites auraient été blessés dans les affrontements. Il refuse pourtant de préciser si les victimes sont de simples civils ou des membres du Parti de Dieu, allié du régime de Bachar el-Assad. « Il ne s’agit pas de combattants du Hezbollah », affirme au Point.fr Rami Abdel Rahmane, directeur de l’Observatoire syrien des droits de l’homme, qui s’appuie sur un vaste réseau de militants sur le terrain.

« Pas de preuve » de la présence du Hezbollah

« De tels combats ont déjà eu lieu par le passé, précise-t-il. Ils opposent des rebelles syriens à des citoyens libanais vivant en Syrie depuis des années, qui se battent pour protéger les villages à majorité chiite situés près de la frontière libanaise. » Étonnamment, la nouvelle est survenue seulement quelques heures après que l’opposition syrienne a accusé le Hezbollah d’intervenir militairement en Syrie. Les soupçons sont nés en octobre 2012, après la diffusion par la chaîne al-Manar des funérailles de plusieurs combattants du Hezbollah morts en Syrie en « accomplissant leur devoir de djihadiste », comme le rapportait à l’époque France 24.

Pour se justifier, le chef du Parti de Dieu, Hassan Nasrallah, avait à l’époque expliqué que des membres de son parti combattaient les rebelles syriens, mais uniquement à titre personnel. « En dépit de nombreuses rumeurs autour de la présence en Syrie de combattants du Hezbollah, nous n’avons recueilli pour l’heure aucune preuve tangible en deux ans de conflit », assure Rami Abdel Rahmane.

Le rôle trouble des Gardiens de la révolution

Même son de cloche du côté du spécialiste du Liban Daniel Meier (1). « Si la possible chute du régime de Bachar el-Assad constituerait certainement un coup dur pour le Hezbollah, indique le chercheur associé au Center for Middle East Studies à Oxford, son autonomie lui permettrait de survivre, même en cas de renversement du régime syrien. » C’est donc bien un agenda local qui semble avoir motivé les combattants libanais décédés samedi. « La frontière entre Syrie et Liban a été tracée arbitrairement il y a 90 ans, sans que les populations locales aient été consultées, rappelle-t-il. Ainsi, des deux côtés, les habitants ont continué à cultiver de nombreux échanges, et certains au Nord-Liban, se considèrent aujourd’hui plus syriens que libanais. »

Un autre décès survenu mercredi dernier a rappelé le rôle, si ce n’est l’ingérence, d’un autre pays étranger en Syrie. Tout d’abord décrit par l’ambassade d’Iran au Liban comme le président de la Commission iranienne de la reconstruction au Liban, le dénommé Hessam Khoshnevis, mort dans la nuit de mercredi à jeudi dans une embuscade sur la route entre Damas et Beyrouth, s’est révélé être en réalité Hassan Shateri, un des commandants au Liban des Gardiens de la révolution (pasdarans), la garde prétorienne du régime de Téhéran.

Les armes de la Russie

Ce n’est pas la première fois que l’armée idéologique de la République islamique fait parler d’elle en territoire syrien. En septembre dernier, Mohammad Ali Jafari, plus haut gradé des pasdarans, avait admis pour la première fois que des « conseillers » iraniens se trouvaient en Syrie, tout en soulignant que cela ne signifiait pas « une présence militaire » iranienne. Cette annonce suivait l’enlèvement par les rebelles syriens, au mois d’août, de 48 « pèlerins » iraniens.

Après leur libération le 9 janvier 2013, au moins sept d’entre eux se sont révélés être des membres des Gardiens de la révolution, comme le rapportait à l’époque le blog Nouvelles d’Iran du Monde.fr. « Le régime syrien n’a pas besoin de davantage de soldats sur le terrain, concède Rami Abdel Rahmane, mais il bénéficie du soutien de l’Iran et du Hezbollah en matière d’entraînement. » Un soutien de poids au moment où la Russie annonce qu’elle continuera de livrer des armes à la Syrie, qui viennent s’ajouter aux cargaisons déjà nombreuses en provenance de Téhéran.

Le « drame » de Téhéran

« La Syrie compte un grand nombre d’Iraniens et de Libanais du Hezbollah qui fournissent leur expertise à l’armée et les services spéciaux de Bachar el-Assad », affirme Mohammad-Reza Djalili (2), professeur émérite à l’Institut de hautes études internationales et du développement. Pour Téhéran, tout renversement du régime alaouite (secte issue du chiisme, en vigueur à Téhéran, NDLR) à Damas serait synonyme d’un véritable drame, car il briserait l’axe stratégique Téhéran-Damas-Beyrouth, fruit de trente ans de diplomatie en direction du Levant.

« Si la République islamique est prête à tout pour sauver Bachar el-Assad, ce soutien risque de lui coûter très cher, souligne Mohammad-Reza Djalili. En soutenant jusqu’au bout Damas, Téhéran s’est mis à dos les Frères musulmans, ce qui lui sera préjudiciable pour l’avenir. »

 

(1) Daniel Meier, auteur de Le Liban : idées reçues (éditions Cavalier bleu).

(2) Mohammad-Reza Djalili, vient de publier avec Thierry Kellner L’Iran et la Turquie face au « Printemps arabe » (éditions Grip).

source: http://www.lepoint.fr/monde/syrie-ces-etrangers-qui-soutiennent-bachar-el-assad-19-02-2013-1629249_24.php