Syrie: crayons et pinceaux, les autres armes de la « révolution »

Article  •  Publié sur Souria Houria le 20 juillet 2012

"Le jour où Bachar al-Assad tombera, je le dessinerai dans une fusée filant vers la Lune pour qu'il ne puisse jamais revenir!", proclame en riant Mazir. | Antonio Pampliega

« Le jour où Bachar al-Assad tombera, je le dessinerai dans une fusée filant vers la Lune pour qu’il ne puisse jamais revenir! », proclame en riant Mazir.
Avec un groupe de jeunes artistes de Qousseir, dans la province de Homs dans le centre de la Syrie, elle se réunit tous les jeudis dans un atelier aussi improvisé que clandestin pour préparer les banderoles et les pancartes.
Elles seront distribuées le lendemain aux manifestants qui défileront dans les rues de la localité et des villages alentour pour protester contre le régime, comme le font chaque vendredi des milliers de Syriens depuis le début de la révolte contre le régime du président Assad en mars 2011.

« Chaque dessin, chaque slogan a pour but de ridiculiser Bachar, de le dénoncer comme menteur, assassin, arrogant. Nous voulons que les gens qui descendent dans la rue pour exiger leur liberté voient sa tête sur un corps d’âne, se moquent de lui et cessent d’en avoir peur », ajoute la jeune femme en mettant la dernière main à une caricature.

« Notre arme, c’est notre créativité. Dans cette révolution, chacun a son rôle. Certains sont faits pour se battre, d’autres pour dessiner », ajoute Iyman, un ancien étudiant en architecture qui a créé ce groupe d’artistes.
Sur un grand drap blanc épinglé au mur, il s’applique à calligraphier: « Bachar, un coup de pied aux fesses et tu dégages ».
 »Nous ne voulons pas sa mort, seulement qu’il s’en aille et nous laisse vivre en paix. L’heure est venue pour nous d’être maîtres de notre destin », souligne-t-il.
L’activité du groupe ne va évidemment pas sans danger. « Une nuit, se souvient Mazir, la police secrète a déboulé chez moi et a embarqué mon père. Ils l’ont gardé dix jours pendant lesquels il a été torturé. Tout ça parce qu’un voisin m’avait dénoncée ».
 »Mais je n’ai plus peur. Si je dois mourir, ce sera en sachant que j’aurai contribué à renverser le régime et à faire triompher la liberté pour tous les Syriens », proclame-t-elle avec fierté.
Tous les membres du groupe n’ont pas un discours aussi pacifique.
Ibrahim a déserté les rangs de l’armée régulière pour rejoindre ceux de de l’Armée syrienne libre (ASL): « Je suis ravi de peindre et d’aider mes amis à préparer les manifestations mais je suis bien conscient que ce ne sont pas les caricatures qui en finiront avec le régime de Bachar, ce sont les armes. On ne combat la violence que par la violence. Maintenant ce sont eux qui ont peur », assure-t-il.
A proximité de l’atelier, le groupe a déjà fait de jeunes émules. Deux soeurs de 15 et 23 ans qui, depuis un mois, ont sorti crayons et pinceaux pour participer à la « révolution ».
Doha, la plus jeune, a séduit les manifestants par son talent et est devenue en quelques semaines l’un des personnages les plus populaires de la ville. Son aînée Fatima, professeur d’anglais, explique leur démarche: « Les jeunes garçons se sont joints à l’ASL et nous, les femmes, sommes confinées dans nos maisons à regarder comment ils se font tuer. C’est pour ça que nous avons voulu apporter notre petite pierre à l’édifice ».
Doha dessine à toute vitesse et Fatima se charge du coloriage. « Je peux en faire vingt par semaine », affirme fièrement la petite. Fatima commente le travail que sa soeur est en train de terminer: « C’est pour critiquer l’absence de liberté d’expression. Dans nos livres de classe, seule prévaut la vision que le régime veut nous donner de la réalité ».
 »La vie des Syriens a toujours été une tragédie, constate-t-elle. Cela fait des années que nous sommes soumis à un régime qui nous opprime. Mais maintenant, c’est fini. Cela peut paraître paradoxal car ils nous bombardent, nous tuent mais au moins nous sommes libres de choisir notre destin, libres de mourir ».
Doha s’approprie le mot de la fin: « Nos dessins et peintures sont le signe de notre revanche contre le régime », se réjouit-elle en arborant un large sourire.

source : http://www.leparisien.fr/flash-actualite-monde/syrie-crayons-et-pinceaux-les-autres-armes-de-la-revolution-20-07-2012-2096658.php