Syrie: el-Assad désarme les unités sunnites – par Geroges Malbrunot

Article  •  Publié sur Souria Houria le 9 mars 2012

Après la défection d’un ministre, le régime craint un putsch.

Certes, il ne s’agit encore que d’un vice-ministre du Pétrole et non d’un général de corps d’armée. Mais la défection d’Abdo Hussameddine, annoncée jeudi dans un message vidéo posté sur YouTube, est un incontestable revers infligé au régime de Bachar el-Assad, au moment où ce dernier craint une extension de la contestation à Alep, la deuxième ville du pays.

Il s’agit de la première défection d’un responsable gouvernemental. «Je rejoins la révolution», a déclaré M. Hussameddine, en appelant les autres ministres à abandonner «un bateau qui coule». Compte tenu des pressions exercées sur leurs proches, il est très difficile pour les dirigeants ou diplomates syriens de rallier l’opposition. Mais, après un an de révolte ayant entraîné de nombreuses défections parmi les militaires, c’est surtout vis-à-vis de l’armée que le régime se montre le plus vigilant, en particulier à l’égard de sa composante sunnite, la confession des milliers de manifestants anti-Bachar.

«Le pouvoir n’envoie pratiquement plus aucun sunnite sur le terrain. Il n’a plus confiance», affirme une source franco-syrienne ayant ses entrées dans l’appareil sécuritaire. «Ceux qui combattent l’insurrection sont maintenant quasi exclusivement des alaouites (la communauté des el-Assad, NDLR) et des miliciens payés par le régime», ajoute-t-elle. Le pouvoir n’a pas hésité à désarmer la plupart des bataillons sunnites. «Leurs chars sont inopérants et leurs véhicules blindés ne reçoivent plus d’essence», poursuit cette source.

El-Assad redoute un coup d’État militaire. Alors que les militaires alaouites sont occupés à réprimer la rue, le pouvoir veut éviter que les bataillons sunnites au repos forcé n’en profitent pour sortir de leurs casernes avant de marcher sur le palais présidentiel à Damas. Les sunnites doivent donc rester «prisonniers dans leurs bases».

L’autre hantise du régime concerne l’armée de l’air, où les officiers sunnites sont traditionnellement plus nombreux que dans la marine et l’armée de terre, plus loyales. «La plupart des Gazelle et des avions de combat soviétiques sont passés sous le contrôle de la division Hélicoptères de l’armée de terre», souligne le Franco-Syrien.

Amos «anéantie» par Homs

Le service des renseignements militaires a également durci son contrôle des sunnites dans l’armée. Les conversations téléphoniques des officiers sont systématiquement écoutées. Un homme a vu son rôle accru: le général Assef Shawkat, ancien patron de ce service, aujourd’hui vice-ministre de la Défense, mais surtout beau-frère de Bachar el-Assad. Au sein du comité militaire restreint qui gère la Syrie avec Maher, le frère du raïs, Shawkat s’occupe «des questions sensibles»: comment neutraliser les soldats sunnites sans renforcer leur méfiance? Ou comment créer au sein d’une division un nouveau corps de combat uniquement composé d’alaouites?

Ce maillage étroit n’a pas empêché les violences de continuer. Deux bâtiments des forces de sécurité ont été touchés jeudi par des explosions dans la ville d’Ahazaz, dans la province d’Alep. Le régime y redoute l’extension de la révolte, notamment à l’université, où séjournent de nombreux étudiants des régions rebelles voisines d’Idlib. Avant de quitter la Syrie, Valerie Amos, la responsable des opérations humanitaires de l’ONU, s’est déclarée «anéantie» par les destructions qu’elle a constatées dans le quartier insurgé de Baba Amr à Homs. Celui-ci «est complètement détruit, je m’inquiète de savoir ce que sont devenus les gens qui y vivaient», a-t-elle dit.

source: http://www.lefigaro.fr/international/2012/03/08/01003-20120308ARTFIG00769-syrie-el-assad-desarme-les-unites-sunnites.php