Syrie : La coupe est pleine – par Marie Seurat

Article  •  Publié sur Souria Houria le 13 décembre 2012

Eric Brion (directeur Equidia) et le comédien Guillaume Canet félicitent Ahmad Hamcho - crédit photo : SPORTFOT

Parfois, les hasards du calendrier permettent à  l’actualité internationale et au microcosme sportif de se rejoindre. C’était le cas du 1 au 3 décembre lors d’une compétition de saut d’obstacles organisée par la maison « Gucci » dans le cadre du Salon du Cheval.

Ahmad Saber Hamsho : on fait semblant de ne pas connaitre l’identité de ce cavalier syrien qui vient de participer au “GUCCI MASTERS”.  D’ordinaire chez les gens bien, on aime savoir qui vient dîner.

Ce jeune homme n’est autre que le fils de Mohammad Hamsho, un oligarque principal bailleur de fond du régime,  dont les missiles tombent tous les jours sur les populations civiles. Il est aussi le financier des shabbiha,  la milice vêtue des chemises noires qui s’applique à mater la rébellion.

On peut se demander, compte tenu de agissements du président syrien, qui désormais, clôture la liste des plus grands bouchers de Moyen-Orient, comment des comédiens, des journalistes et autres personnalités puissent apporter leur caution à un évènement sportif tel que le prestigieux « Gucci Masters» prenant le risque de devoir féliciter un homme à Bashar al-Assad, gagnant du Grand Prix.

On peut se demander comment la princesse de Hanovre,  collectant des fonds pour l’association des « Amis de l’Enfance », puisse ternir son image, en acceptant à la belle fête qu’elle nous a offert le samedi 2 décembre, la présence du factotum de Bashar, artisant de milliers d’orphelins.

On aurait pu passer outre. On aurait pu se dire que Hamsho junior, n’est pour rien dans les agissements de son père. Mais dans une interview qu’il a donné au Times de Londres le 25 juin 2012, il clame haut et fort: «Nous (les sportifs) devons représenter non seulement la Syrie mais aussi et surtout Bachar el-Assad qui reste notre président. Il ne fait rien de mal, il ne cherche qu’à nous protéger des groupes terroristes

Stand up… Stand up…  Stand up for the champion”…  Mille spectateurs se sont mis debout comme un seul homme.  Ahmad Hamsho entre en piste et prend possession de l’arène comme le maître des lieux, arrogant et dominateur. Il décroche sa bombe, la montre au public,  entame son tour d’honneur et termine en apothéose.

Rien n’a été épargné aux témoins incrédules, opposants au régime de Bashar al Assad, qui jusqu’ici se sont tenus loin,  à l’écart de la lisse, mais jusqu’à quand ?

On entonne l’hymne national syrien. Surréaliste. Lorsque le directeur d’ EQUIDIA, la chaine hippique, lui remet la coupe du vainqueur, je me suis levée, refusant d’être le témoin de l’imposture.

Mais y-a-il donc dans ce pays un ministère des Affaires Etrangères pour mettre de l’ordre dans la confusion alors que la France vient d’accueillir à bras ouvert le nouvel ambassadeur de la Syrie libre.

On dit qu’il ne faut pas mélanger le sport et la politique.

A-t-on oublié le boycott de l’Afrique du Sud pendant des décennies? Et le boycott de 58 pays aux Jeux de Moscou suite à l’invasion de l’Afghanistan ? Et les représailles du bloc soviétique aux Jeux de Los Angeles?

Propagée par al-Duniya TV, outil de propagande du régime, l’euphorie gagne Damas. Ahmad Hamsho, vainqueur du mythique “Gucci”, son portrait jumelé avec celui de Bashar est plaqué sur des voitures noires aux vitres fumées tournant autour du bâtiment à l’architecture totalitaire de la banque centrale.

Pour immortaliser le moment, il nous suffirait d’une Leni Riefenstahl syrienne, croyant encore au triomphe de la volonté de Bashar al Assad pour venir à bout de ses opposants.

Mais il nous faudrait une Djamila Bouhired pour nous faire entendre.