Syrie : la Homs de 2011 est-elle la Hama de 1982 au ralenti ? – par Caitlin Fitz Gerald

Article  •  Publié sur Souria Houria le 30 novembre 2011

Traduit de l’anglais par SouriaHouria

Note de l’éditeur : Caitlin Fitz Gerald écrit sur les affaires internationales et les relations civilo-militaire au Gunpowder & Lead. Elle adapte actuellement le « On War » de Carl von Clause en un livre pour enfants illustré. Vous pouvez la trouver sur Twitter à « caidid ».

 

Par Caitlin Fitz Gerald – Envoyé spécial pour CNN

 

Le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a rendu son rapport sur les exactions en Syrie, et il se lit comme un catalogue de souffrances et de mépris pour la vie humaine : détentions arbitraires et disparitions, soldats à qui l’on a ordonné d’ouvrir le feu sur des civils pacifiques, dont des femmes et des enfants, et exécution de ceux qui refusent; tirs massifs sur les manifestants, torture physique et psychologique, dont certaines commises dans des hopitaux, abus sexuels violents sur des adutes aussi bien que sur des enfants.

Avec les sanctions radicales de la Ligue Arabe contre la Syrie, approuvées avec retentissement cette semaine, un consensus international semble enfin s’élaborer contre les actions du régime syrien. Ça n’est pas trop tôt.

Il est dificile de ne pas établir de comparaison avec 1982 lorsqu’on observe la brutalité du régime d’Assad durant cette année-là. Il y a deux semaines, j’ai lu le tweet suivant : « Homs 2011 = Hama 1982, mais lentement, lentement. »

Le massacre de Hama est tristement connu comme l’une des pires atrocités qu’un régime du Moyen-Orient ait jamais perpétré contre son propre peuple. En 1982, la confrérie des Frères musulmans mena une révolte centrée sur Hama. En réponse, Hafez al-Assad, père de l’actuel despote syrien, déchaîna une répression brutale, tuant entre 10,000 et 40,000 personnes.

Les forces d’Assad pilonnèrent la ville avec de l’artillerie, réduisant des quartiers entiers en ruines. Ils torturèrent un nombre inconnu d’habitants et exécutèrent des personnes en masse. Cela prit du temps pour que les événements de Hama parviennent au monde extérieur – en mars de cette année, un reportage du Time Magazine établissait toujours le bilan des morts à seulement 1,000, bien en-deça des toutes les estimations ultérieures. Le nombre total des victimes d’Hama ne sera jamais connu.

Les peuples de Tunisie, d’Egypte, du Bahreïn, du Yémen et de Libye sont courageux, mais il faut en prendre une dose supplémentaire pour se défendre en Syrie. Les quatre dernières décennies où les Assad ont régné, la répression d’une main de fer de la contestation a été la norme, avec Hama comme exemple extrême. Les forces armées syriennes – plus que celles de Tunisie, d’Egypte ou de Libye – sont étroitement liées au régime, avec un commandement militaire issu essentiellement de la secte minoritaire Alaouite des Assad, une communauté qui représente environ 10% de la population et qui aurait beaucoup à perdre si Assad tombait.

 

Plus que cela, il faut une quantité de courage extraordinaire pour se soulever dans un pays où un événement comme le massacre de Hama est toujours présent dans la mémoire vivante de nombre de citoyens, et où le même régime est toujours au pouvoir, même s’il s’agit d’une nouvelle génération.

 

Mais les gens se sont soulevés à travers toute la Syrie – et cette fois-ci le foyer de ce combat semble s’être installé à Homs. A cet égard, Homs est comparable à la Hama de 1982: elle est le centre de la résistance pour sa génération, et le lieu supportant le poids de la réponse du régime.

 

On a l’impression de lire la même histoire encore et encore, à un point tel que c’est un effort de se souvenir qu’il ne s’agit pas d’une seule histoire répétée encore et ancore, mais qu’il s’agit des mêmes actes de brutalité répétés par le régime encore et toujours : 12 morts, 30 morts, 110 morts dans des combats à Homs quand les chars du régime ont bombardé un quartier, quand les soldats du régime ont attaqué les manifestants, quand les tirs de mortier du régime ont atterri dans une rue résidentielle.

Sur les 3,500 manifestants tués par les forces de sécurité à ce jour, plus de 500 ont été tuées à Homs (note : l’opposition syrienne estime le nombre de morts à 4,200 avec en tout 1/3 de ces morts à Homs), avec de nombreux disparus – emprisonnés ou morts, seul le régime le sait. A ce rythme, cela prendrait dix ans à Homs pour atteindre les estimations les plus basses du nombre de victimes du massacre de Hama, mais les chiffres ne sont pas la seule base de comparaison.

Le but de la politique de la terre brûlée à Hama n’était pas le nombre de victimes, de torturés ou d’arrêtés. Il s’agissait de faire un exemple, d’écraser la résistance, d’éradiquer son existence de sorte que le peuple syrien sache ce qui arrivait à ceux qui osaient s’opposer aux Assads.

Le fils d’Hafez al-Assad suit l’exemple donné par son père, pas seulement à Homs mais partout où  les manifestations surgissent. Si cela n’était pas vraiment clair pour tout le monde avant, c’est indéniable à présent avec la liste des exactions présentée dans le rapport des Nations Unies, très complète et qui retourne l’estomac. Bashar al-Assad a simplement procédé plus lentement que son père, pensant peut-être que s’il ne parlait pas de ce qu’il était en train de faire et commettait ses exactions à plus petite échelle, il serait alors plus facile pour le monde de regarder, d’attendre, d’hésiter, une intervention serait plus difficile à justifier pour ses opposants, la réfome toujours sur la table. Il a fait le pari qu’il pouvait tuer 10, 30, voire 100 personnes à la fois, et continuer à parler de «réforme» et de combattre les «gangs d’étrangers armés» et s’en tirer avec ça.

Regarder et attendre ne sont plus une option. Prenez juste le cas de Homs : depuis mai, les habitants de la ville ont été tués par des tirs de chars et de mortiers, par des mitrailleuses et par les balles des snipers. Des maisons ont eté détruite, déchiquetées par les raids de la sécurité ou réduites en ruines par les bombardements. Les forces de sécurité ont rendu jusqu’aux hôpitaux dangereux, y arrêtant les personnes recherchant des soins pour les blessures reçues durant les manifestations. Les gens sont enlevés dans les rues ou dans leur maison, certains ne réapparaissant qu’à l’état de cadavres, des signes évidents de torture marquant leur corps.

Ces derniers mois, il y a eu des affrontements quotidiens dans diverses parties de la ville tandis que les habitants continuent à organiser des manifestations et que les forces d’Assad continuent à les saluer par une violente répression. La ville est assiégée, entourée par les chars et vivant sous une menace permanente. Durant les premiers jours après avoir signé un accord de paix début novembre, Assad a tué plus de 60 nouvelles personnes de son propre peuple, avec depuis davantage de victimes chaque jour.

Bashar al-Assad marche réellement dans les pas de son père – pratiquant une répression brutale destinée à écraser la rébellion et à envoyer un message sans équivoque à ceux qui manifestent, ou à ceux qui pourraient le faire dans le futur – mais cette fois-ci certaines choses sont différentes. A la différence de 1982, des membres des forces armées ont déserté et se retournent contre le régime, et la différence réellement cruciale est la suivante : nous savons ce qui ce passe cette fois-ci. En 1982, Hama était en ruines et les charniers déjà recouverts par les bulldozers, avant que le monde n’apprenne jusqu’où les choses étaient allées. Rien ne dissimule les exactions de 2011.

L’élan semble se construire pour aboutir à mettre un terme aux abus du régime d’Assad sur son propre peuple, mais nous devons maintenir la pression. Le « modèle libyen » d’une intervention ne serait ni en pratique ni stratégiquement souhaitable en Syrie, mais il y a d’autres mesures que nous pouvons prendre et encourager d’autres nations à prendre, la première consistant à cesser de traiter Bashar al-Assad comme un véritable partenaire alors qu’il continue à tuer son propre peuple, et une nation après l’autre semblent justement engagées dans cette voie ces derniers jours.

Les sanctions de la Ligue arabe et la condamnation continue des atteintes de la Syrie aux droits de l’Homme constituent un pas important dans la bonne direction, et un bond significatif pour la Ligue arabe elle-même, qui devra être impliqués dans toute paix syrienne ou dans toute transition du pouvoir, aussi bien que la Turquie, qui partage une frontière avec la Syrie et a montré une volonté claire de s’impliquer. En plus de participer à des réunions avec la Ligue arabe, la Turquie abrite des réfugiés syriens et des rencontres avec les membres de l’opposition.

 

Un nombre croissant de pays a déjà imposé des sanctions économiques à la Syrie ou renforcé les sanctions existantes, et plusieurs d’entre eux ont pris contact avec des membres de l’opposition syrienne. A la lumière de ce rapport des Nations Unies, la Russie et toute autre nation réticente  doivent être persuadés de cesser de protéger la Syrie d’actions plus fortes de la part de l’Organisation des Nations Unies.

 

Nous devons continuer à maintenir la pression aux Nations Unies, et offrir notre soutien à l’ensemble des acteurs régionaux dans des domaines tels que l’assistance humanitaire aux syriens déplacés et le renforcement de l’aide à l’opposition syrienne. Nous devons faire comprendre aux leaders de l’opposition que nous offrirons aide et soutien au gouvernement légitime post-Assad, ainsi qu’une assistance immédiate pour l’organisation de la résistance et pour les préparer à gérer la transition du pouvoir dans l’hypothèse où le régime d’Assad viendrait à tomber.

 

Plus de 3,500 personnes ont déjà été tuées dans les manifestations syriennes, avec des milliers d’autres disparues ou déplacées. Ce rapport de l’ONU, en rassemblant une telle quantité de preuves crédibles sur les violations des droits de l’homme par le régime d’Assad, rend évident le fait que la sévérité des méthodes actuelles de répression fait écho à tout ce qui a été fait en 1982, mais il reste encore du temps pour s’assurer qu’elles n’atteindront pas l’ampleur de cette atrocité.

Les opinions exprimées dans cet article sont uniquement celles de Caitlin Fitz Gerald.

 

source: http://globalpublicsquare.blogs.cnn.com/2011/11/29/is-homs-2011-hama-1982/